samedi 26 septembre 2020

♪ 97 : Tournures natives d'un avenir brun en négatif

Les 180 Gs ont eu une idée de génie : un album de reprises doo-wop de Negativland. Oui, en chantant les collages de samples et tout ! Je pense qu'il faut connaître Negativland pour apprécier (écoutez au moins Escape from Noise — j'en avais parlé ici — et lisez l'histoire de Helter Stupid), mais c'est génial — non seulement c'est très prenant et ça groove bien, mais c'est tout aussi drôle que les originales pour des raisons différentes.

Passer d'“I Still Haven't Found What I'm Looking For” de U2 (pour référence) à sa version vandalisée à coups de kazoo et de samples par Negativland (notamment le présentateur Casey Kasem qui n'en peut plus de devoir présenter le top 40 en même temps qu'un hommage à un chien de compagnie récemment décédé), puis à la reprise de tout ça (craquage compris) par les 180 Gs, c'est un grand moment de musique et de rigolade. Le chœur qui reprend “Christianity is stupid! Communism is good!” a capella est presque surréaliste. Le groupe n'arrive certes pas à sauver “Car Bomb” qui était déjà lourdingue à la base, mais dans l'ensemble, c'est excellent.

Ils ont aussi repris un album des Cardiacs et un ou deux des Residents !
 
 
 
 
Je suis en train de replonger dans la discographie du Hafler Trio, et je tombe sur une perle complètement inattendue : H3ÖH, collaboration entre Andrew McKenzie (The Hafler Trio), Hilmar Örn Hilmarsson (HÖH) et Einar Örn (des Sugarcubes avec Björk). Imaginez un peu du Nurse with Wound inspiré par la trance et autres musiques électroniques dansantes et psychédéliques du summer of love ! C'est peut-être le seul disque dansant qu'ait sorti McKenzie, ou peut-être pas, en tout cas c'est son plus inattendu et un de ses meilleurs.

Chose étonnante : McKenzie, qui a toujours été contre l'écoute en ligne et les formats MP3, a une page Bandcamp désormais. Bon, il ne vous laisse pas écouter sa musique si vous ne l'avez pas achetée, mais quand même. Je serais curieuse d'écouter à quoi ressemble son dernier projet, intitulé ‘'''''''’, mais pas au point de dépenser dix-sept euros à l'aveugle pour sa version album.


 
 
 
Je continue à découvrir le spiritual jazz avec Sama Layuca de McCoy Tyner : accents tropicaux, plein d'arabesques, de grâce, puissant et léger en même temps. Et toujours avec de belles mélodies. Une musique pleine de facettes scintillantes. J'ai aimé les trois albums que j'ai écoutés de l'artiste pour le moment, mais celui-ci est mon préféré !
 






 
 
 
Et puis Youtube m'a recommandé Don Cherry alors j'ai écouté et j'ai aussi adoré. Brown Rice notamment (ou éponyme selon les éditions), un album de jazz “world fusion” qui pioche ses inspirations dans plein de pays différents au point que ça pourrait être caricatural, sauf ça fonctionne carrément. Très psychédélique, sombre, relaxant et lumineux en même temps (et ludique au point d'être drôle parfois, mais ça c'est peut-être seulement à mes oreilles), les quatre pistes sont comme quatre recettes de bric et de broc qui donnent toutes quelque chose de magique.

Lisez la critique (en anglais) de finulanu, elle est très bien.
 

 
 
Dernier disque de lowercase à m'avoir marquée : Jisei de Vittorio Guindani, dix-neuf pistes courtes d'ombres, de traces, de couleurs subtiles, des petits riens en apparence, qui révèlent beaucoup de richesse et de subtilités quand on les écoute attentivement. Des mélodies et instruments traditionnels sont utilisés aussi, mais toujours de manière discrète.
 




 
 
 
La découverte de Voices from the Lake à l'époque avait été une révélation pour moi, et j'ai accroché à beaucoup d'autres disques de deep techno depuis, mais je crois que Turns de Barker & Baumecker est le meilleur que j'ai écouté jusqu'ici. Les beats, plutôt minimaux et légers, sont irréprochables (la deutsche Qualität du label Ostgut Ton) mais c'est surtout l'amtosphère, avec cette profondeur dans le son et ces nappes ambient, qui m'impressionnent — pas d'impression sous-marine ici, on est plutôt sur le bord d'un paysage aérien, avec l'impression de pouvoir plonger ou s'envoler sur des hauteurs vertigineuses.

 


mercredi 26 août 2020

♪ 96 : La reine oxygénée et l'amplification des six milliards de polymètres

Davaajargal Tsaschikher
Re Exist (2020)
Davaajargal Tsaschikher est un artiste mongol — peut-être le seul que je connais, en tout cas le seul que je puisse citer de mémoire (de copier-coller). Il fait partie d'un groupe de rock que je n'ai pas écouté, mais sur son premier album solo, Re Exist, ce sont des compositions ambient expérimentales inspirées de musiques traditionelles mongoles qu'il présente, avec du morin khuur (instrument à cordes), des chants de gorge, le tengrisme comme inspiration… et une collaboration avec Alva Noto.

Je dis ambient mais cette musique n'a rien de léger : elle est intense, surprenante, sombre, parfois irréelle, chargée de mélancolie ou d'une puissance contenue. Toutes ne plairont pas à tout le monde, je suis sûre que beaucoup trouveront l'album inégal, mais personnellement j'aime tout cet univers. Et on sent très bien que les racines de cette musique-là sont ailleurs, c'est fascinant.




eRikm · Mistpouffers (2018)
J'ai mis du temps à comprendre ce qui me plaisait dans Mistpouffers d'eRikm, un disque de musique concrète à histoires et juxtapositions. Il y a déjà cette clarté dans les sons qui les rend instantanément présents, ces dynamiques qui font qu'on ne s'ennuie jamais — combinées à du mystère, de l'impossibilité même tant les sons ne correspondent jamais à une scène imaginable.

Et puis il y a autre chose, sur “L'aire de la Moure 2” (la meilleure piste, franchement excellente) : cette voix qui annonce des termes techniques d'aviation militaire, ces états, ces tâches à effectuer qui forment la structure de la composition, associée à des environnements sonores entre glitch et phonographies, sans que le lien avec la voix soit perceptible… et au milieu, quelques lignes de Paul Éluard. À vous de voir ce que vous voulez suivre : l'ordre imposé, la nature (?) ou la fantaisie. Ou si vous vous perdez à vouloir les réconcilier.

Bon, il est vrai que l'album brille surtout pour ses première et troisième pistes (la première se base sur une histoire islandaise traduite) ; “Poudre”, un enregistrement de feux d'artifices qui se termine en détonations qui pourraient évoquer une guerre, est moins intéressante, je la vois plutôt comme une interlude entre les deux autres. Mais l'album dans son ensemble est vraiment très bon.




Chris Korda
Six Billion People Can’t Be Wrong
(1999)
Dans le genre ultraprovocatrice, Chris Korda envoie du lourd. Elle est la fondatrice de l'Église de l'Euthanasie, qui prône « Tu ne procréeras point » et se base sur les quatre piliers du suicide, de l'avortement, du cannibalisme et de la sodomie. Son clip “I Like to Watch”, sorti à la suite du 11 septembre et banni partout, juxtapose des images de l'attentat avec des vidéos pornographiques. Elle a manifesté avec des slogans comme “Save the planet, kill yourself” ou “Eat people, not animals”.

Mais comme c'est pour sa musique que je parle d'elle : Six Million Humans Can't Be Wrong et The Man of the Future sont remplis de sacrées bonnes pistes de house, avec des sons volontairement synthétiques et artificiels mais de vrais grooves en plus de l'humour satirique. Six Million Humans Can't Be Wrong est plus fun (“Save the Planet, Kill Yourself” est un de ses meilleurs tubes) ; The Man of the Future est plus ouvertement sensible, avec la ballade “Nothing”, le groove entraînant mais chargé de pensées sombres de “When It Rains”, ou l'instrumentale “Bones” avec ses respirations qui a quelque chose de vraiment beau (j'aime quand la deep house est mélancolique).




Un exemple d'infographie de
poterie psychédélique de l'artiste,
et la pochette de son single
“Vizyon”.
La même Chris Korda a aussi sorti des compositions instrumentales à contraintes ; Akoko Ajeji et Polymeter par exemple sont des albums en « polymètres complexes », électroniques à tendance deep house sur Akoko Ajeji, piano jazzy 100 % synthétique sur Polymeter. L'artiste s'est efforcée d'associer au moins trois mètres différents par piste, avec des facteurs premiers supérieurs à 4 pour que ce soit intéressant (elle décrit son processus dans les notes de Polymeter, lisibles sur Bandcamp). Si je ne m'y connais pas assez en musicologie ni en maths pour tout suivre, je peux dire qu'Akoko Ajeji est un album cool, très original dans son genre (les compositions complexes et les sons cheap associés à cette esthétique, ça fonctionne étonnamment bien), mais que j'accroche moins à Polymeter, où ces sons basiques et froids nuisent plutôt. Je préférerais écouter ces compositions jouées par un·e pianiste plutôt qu'un programme. Mais c'est vrai que pour ça il faudrait faire appel à un de ces foutus êtres humains.

En plus de ça, il y a le drone de Planets qui reflète à échelle les orbites des planètes, une autre piste basée sur le tarot, etc. Et l'artiste s'apprête à sortir un nouvel album le mois prochain, qui traite de collapsologie semble-t-il.




Vessel
Queen of Golden Dogs
(2018)
Queen of Golden Dogs de Vessel — en partie musique de chambre, en partie musiques électroniques contemporaines, aussi étrange et lumineux que la peinture de Remedios Varo sur la pochette. Danses médiévales électrifiées, chœurs résonants dans des labyrinthes de verre, le chant a capella de “Torno-Me Eles E Nau-E” cohabite avec les grooves paradoxaux hallucinés de “Glory Glory” qui ne sont pas sans rappeler les déconstructions de trance pointillistes de Lorenzo Senni. D'autres aspects me rappellent un peu Age Of de Oneohtrix Point Never mais en meilleur (j'aime OPN mais cet album-là était plutôt décevant à part “Same”). Et je ne serais pas étonnée d'apprendre qu'il y a des modes ou rythmes inhabituels là-dedans !




Ludwig A.F. Röhrscheid
Velocity (2018)
Je recommande ausssi les EPs de Ludwig A.F. Röhrscheid, surtout Velocity et Oxygen, parfaits pour avoir l'impression de flotter agréablement dans l'atmosphère liquide d'un monde futuriste. Velocity est plus rythmée, Oxygen plus ambient. Ça fait du bien.










(Là c'est la pochette du Keith Rowe,
étonnant et vraiment beau, mais
il y en a plein d'autres qui
sont super !)
Et il faut quand même que je parle d'AMPLIFY 2020 — un festival de musique organisé par Jon Abbey d'Erstwhile Records, annulé pour cause de COVID-19 et remplacé par une longue série de pistes expérimentales, toutes disponibles en téléchargement gratutit, par plein d'artistes que j'aime et plein que je ne connais pas encore. Il y en a plus de 200 pour le moment (!) et je ne suis pas tout, du coup je vous renvoie à la liste-critique en cours que tient Connor Kurtz alias velocifish (lui aussi musicien expérimental sous le nom Important Hair, dont je vous recommande les disques si vous aimez le drone et les musiques lowercase) : AMPLIFY 2020: Quarantine Diary

En gros je prends tout ce qu'il note 7 ou plus, et parfois quelques trucs en plus. Il y a des pistes vraiment excellentes dans le lot !

Notez que si tout est disponible sur Bandcamp, les téléchargements gratuits leurs coûtent quelques centimes à chaque fois — les fichiers non compressés sont aussi disponibles sur leur blog via WeTransfer, c'est moins pratique vu qu'il faut convertir et tagger à chaque fois mais c'est plus sympa.

samedi 25 juillet 2020

♪ 95 : En quête de la rivière de soupe démoniaque

J'aime beaucoup “Gazelles Dance” de Coultrain, sur son album Jungle Mumbo Jumbo — un tube de soul music expérimentale où les différents instruments semblent jouer au loup les uns avec les autres, jouer contre puis avec le chant, tout en restant très accrocheur. Le reste de l'album n'est malheureusement pas du même niveau — beaucoup d'acrobaties et de fioritures mais peu de chansons mémorables.

Du coup j'ai été ravie de découvrir I Don't Care Today (Angels & Demons in Lo​-​Fi) de MonoNeon, tout aussi excentrique mais nettement plus prenant, direct et improvisé ! Ça fait partie de l'ethos de l'artiste, comme il le décrit dans son manifeste : soul, blues et funk au cœur, expérimental à la surface, couleurs vives, juxtapositions bizarres, bricolages, vivre la musique plutôt que d'essayer d'être un grand musicien, ne pas avoir peur des imperfections. Du coup oui, c'est un peu de bric et de broc, ça part dans tous les sens, mais ça a un sacré charme et j'aime beaucoup !

En plus ce type porte les meilleures chaussures.


+


J'ai eu du mal à trouver un mot pour décrire l'impression que me fait 『鮎川のしづく』, un des derniers disques sortis par 青葉市子 (Ichiko Aoba). Et puis j'ai trouvé ça sur Wikipédia : « Shibui (渋い) (adjectif), ou shibumi (渋み) (substantif) se réfèrent en japonais à la sensation subjective produite par la beauté simple, subtile, et discrète. »

(『鮎川のしづく』 est un disque atypique dans la discographie de l'artiste, nettement plus connue pour ses albums de folk. Ici, c'est un album de phonographies surtout, mais personnelles, où l'on retrouve aussi quelques chansons enregistrées en extérieur avec les bruits environnants, une ou deux performances minimalistes, quelques poèmes récités, des glaçons qui cliquettent dans un verre de ginger ale. Chacune dessine un détail, un paysage, un moment. J'aime beaucoup les albums de fragments comme cela, ça révèle beaucoup sur la personne qui les fait, ce qui l'entoure.

À vrai dire, avant cet album, je n'avais jamais écouté d'album entier d'Ichiko Aoba. J'avais 『0』 et même 『0%』 sur mon disque dur depuis des années, mais bon, un album entier de chant et guitare acoustique en douceur, ça ne m'avait jamais trop motivée. Et puis comme l'heure et quart de 『鮎川のしづく』 ne me suffisait pas, j'avais envie de rester dans cet univers, j'ai écouté 『0』 à la suite. C'est un très bon album aussi. Surtout 「機械仕掛乃宇宙」, la piste de douze minutes plus expérimentale avec un leitmotiv.)


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Je me suis remise à écouter Bola aussi, ça faisait longtemps et c'est encore meilleur que dans mes souvenirs. Un projet entre IDM (en plus calme) et ambient techno (en plus rythmé), très travaillé, avec une ambiance plutôt spatiale-aquatique sur le premier album Soup, cinématographique sur Fyuti.

Ça, ce sont les deux que je connaissais déjà — depuis j'ai écouté Gnayse, un peu plus sombre et minimaliste, et Shapes, plus techno et dansant (c'est plus une collection de pistes qu'un album classique — chacune désignée par une forme géométrique en guise de titre). Tous ces disques sont bons, l'artiste sait y faire ! Ils sont aussi assez similaires. (J'ai un petit faible pour Soup.)


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Musiques électroniques urbaines et nocturnes : le trip hop dans les années 90, le dubstep dans les années 00… et récemment le deconstructed club. Influences industrielles, pas mal de basses, beaucoup de tension, souvent des sons de bris de glace ou d'armes à feu.

Je découvre encore, mais j'aime déjà beaucoup le son du label chinois Genome 6.66 Mbp ; leur première compile surtout, Vol. 1 avec dix-huit artistes, une palette de noirs rutilants, de noirs de suie et de flashes aveuglants, quelques influences inattendues et une beauté qui transparaît à travers le chaos. Une nouvelle incarnation d'un futurisme à la fois excitant et glaçant, comme a pu l'être le cyberpunk — ou simplement un présent avec davantage de style et d'allure.

Carrément bon aussi : l'EP Slip B de Slikback & Hyph11e, qui accentue encore les influences industrielles, l'agressivité, la vitesse et les textures au point que le disque se ressent plus vite qu'il ne s'entend.


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Mais le genre n'est pas seulement sombre : le mix d'Aïsha Devi pour FACT en est le pendant lumineux, un tour du monde ésotérique de musiques toutes métamorphosées, du taiko à des chants en plein de langues que je n'identifie pas toujours, d'une sorte de rap robotique japonais à des instrumentaux paisibles et mystérieux jusqu'à du jazz ECM. Avec une impression de calme paradoxale : le chaos, la densité, la brutalité caractéristiques du genre sont réduites au minimum pour laisser l'accent sur les atmosphères et les mélodies.



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Ou encore : Vision Quest de Maria & The Mirrors. Comme un trou de ver qui relierait la dance pop genre eurobeat et le power electronics, de la pop prise par une rage primitive complètement incontrôlable où l'on ne distinguerait plus que les grands traits dans un tourbillon de bruit. Par certains côtés ça me fait aussi un peu penser à un double maléfique de M.I.A..

(M.I.A. qui était bien en avance sur son temps d'ailleurs, elle avait quasiment sorti du deconstructed club avant la naissance du genre ! Et je n'ai commencé à l'écouter vraiment que tout récemment.)



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Et puis j'ai pas mal écouté Doppler.Shift de Yann Novak, un petit album agréable pour qui aime l'ambient et les drones : deux pistes assez courtes (vingt minutes chacune) réalisées à l'origine pour une installation et dans lesquelles on se perd agréablement. Ce n'était même pas censé sortir à l'origine, l'artiste a sorti ça à cause du covid-19, mais je ne dis pas non !

vendredi 17 juillet 2020

La journée du cochon jaune


Aujourd'hui, c'est la journée du cochon jaune (Yellow Pig Day)!

On célèbre un cochon jaune imaginaire qui a dix-sept orteils et dix-sept dents.
Ça n'a pas beaucoup de sens, ce sont des étudiants qui ont inventé ça dans les années 1960.

mardi 30 juin 2020

♪ 94 : Addendum étranger à l'héritage océanique

Jamila Woods
LEGACY! LEGACY!
(2019)
Betty Davis, Zora Neale Hurston, Nikki Giovanni, Sonia Sanchez, Frida Kahlo, Eartha Kitt, Miles Davis, Muddy Waters, Jean-Michel Basquiat, Sun Ra, Octavia Butler, James Baldwin.

Douze personnalités auxquelles Jamila Woods rend hommage en autant de chansons soul, sans parler d'elles directement mais en évoquant des sujets où elles lui ont donné inspiration, courage, ou lui ont fait ressentir quelque chose d'inédit. (Ce qui est très élégant et pertinent — tant d'autres admirent les doigts de qui leur montre les étoiles !)

Le mois dernier, je recommandais Negro Swan de Blood Orange pour ses accroches et son atmosphère aériennes ; Legacy! Legacy! aussi atteint une grâce crépusculaire dansante et émouvante, mais il va encore un peu plus loin et brille par son écriture, ses mélodies, la voix de Jamila Woods aussi. Classique et splendide.


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Jakob Ullmann
Fremde Zeit Addendum 5
(2019)
Jakob Ullmann continue d'ajouter des addendums à son Fremde Zeit Addendum, œuvre réductionniste majeure pour qui aime les compositions fantômatiques où les instruments s'approchent du silence. Toutes sont longues et différentes, je les recommande toutes mais ce cinquième volume est mon préféré je crois ! Sur papier, c'est un solo pour piano, mais on n'entend que peu de notes claires ici — les cordes du piano sont frottées (par trois assistants) pour prolonger le jeu infinitésimal, et ces vibrations donnent l'impression d'un souffle, presque un phénomène naturel, calme mais prégnant.




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>Single
(2002)
Je n'avais pas encore entendu d'album comme celui-là : des rythmes ambient dub/techno associés à du power ambient (= plein de couches sonores) dense et très organique, avec une dose de psychédélisme. Ce style a quelque chose de sauvage, et chaque piste adopte en plus une approche différente : sombres ou colorées, certaines ont de la tension ou une énergie contenue, une forte agitation en arrière-plan.








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Je me mets à la discographie d'Uwe Schmidt, loustic aux mille alias ; Atom Heart et Atom™ sont ses plus connus, mais c'est son label Rather Interesting qui a piqué ma curiosité en premier ! Une série d'albums très éclectique où il a changé de nom et de concept à chaque fois, qui se basent en général sur des beats plutôt relaxants et des touches d'humour fantaisistes.

En suivant les conseils de Jacob Ohrberg (qui a effacé son guide depuis), j'ai commencé par Naturalist, entre ambient et “glitch funk”, très prenant, où le thème de la nature semble sorti d'un peu nulle part quand Herr Schmidt se met à chanter que la nature c'est vraiment trop beau et qu'il faut boire du café ou quelque chose du genre. D'après les notes, l'album (sorti en 1998) était à écouter de préférence avant janvier 2004, mais franchement ça va !

J'aime aussi beaucoup Machine Paisley, plutôt psychédélique et un peu jazzy ; Flextone, ambient techno de très bonne facture qui combine grooves et ambiances froides (vous pouvez commencer par là si vous préférez un disque sérieux) ; Dots, ambient particulièrement narcotique qui rappelle (surtout sur son superbe final “Tonic Edge”) que sieur Cœur Atomique a collaboré avec Pete Namlook et Tetsu Inoue.

Je sais qu'à côté de ça il y a encore du hip hop (Mono™), du downtempo (Interactive Music), du glitch (DOS Tracks), et plein d'inspirations « exotiques », comme ses reprises cha-cha-cha, cumbia ou merengue de Kraftwerk sur El baile alemán, signé Señor Coconut. Y'a de quoi faire !


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Jeu vidéo vénézuélien non officiel et non intéressant à jouer sorti sur Megadrive en 2004 (!), CrazyBus est devenu célèbre pour sa nullité mais aussi et surtout pour sa bande son époustouflante. Sans doute la plus improbable que j'ai jamais entendue ; si le projet avait été plus sérieux qu'une simple démo, ç'aurait été une réussite affligeante ou un échec absolument magistral.

Je vous laisse admirer et écouter ça.

Et vous pouvez télécharger cette bande son en FLAC gratuitement ici ! Une affaire !

On peut aussi trouver des remixes et reprises sur Youtube, j'aime bien celles qui modifient la mélodie pour l'accorder à une gamme.


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Thomas Köner
La Barca
(2009)
Thomas Köner a conçu La Barca comme un journal de voyage, enregistrant sur deux ans des sons de villes à travers le monde et les plongeant dans des nappes dark ambient. Ne vous attendez pas à changer d'atmosphère à chaque piste — ces drones qui accompagnent chaque lieu ne noient pas les enregistrements, mais ils sont une présence constante qui teinte tout de couleurs noires. En fait ça me rappelle un peu le Voyage au bout de la nuit de Céline, où le protagoniste fait le tour du monde mais n'arrive pas à échapper à son état d'esprit — sauf que Céline avait fini par me lasser un peu avec son type qui trouve tout également pourri, alors que La Barca me plaît beaucoup avec ses sons calmes, introspectifs, profonds voire mystérieux.

Une autre image qui m'est venue en tête à l'écoute est celle d'un port où l'on croiserait des gens de toutes nationalités, toujours de passage, portés par l'océan noir des sons.

(L'édition originale de douze pistes ne mentionnait pas les noms des villes mais uniquement leurs coordonnées, de quoi effacer un peu plus les repères ; la complète disponible sur Bandcamp révèle où l'on est.)

lundi 29 juin 2020

Mots (8)



81.

Il peut arriver qu'une abréviation ait un sens différent du mot dont elle est issue ; en français par exemple, « collabo » par rapport à « collaborateur ».


82.
Il est intéressant de se poser la question des différences entre masculinité et virilité — soit (en gros) entre ce qui caractérise les hommes dans la réalité et les qualités qu'on voudrait leur attribuer selon un certain idéal. Pour les femmes, il n'y a longtemps eu que la féminité, mais le mot « matrilité  » (pendant féminin de la virilité) a été inventé récemment… ce qui m'évoque tout de suite la maternité et pas grand chose d'autre. Je préférerai toujours la personnalité et l'individualité.


83.
Les « petits  mots » explétifs (comme le « ne » quand il n'a pas de sens négatif, un « de » phonétique, etc.) ont de quoi rendre fou quelqu'un qui apprendrait la langue, non ? Je crois voir à peu près quand on les utilise, mais je serais incapable d'expliquer pourquoi, quelles sont les règles. Je fais tout par imitation.


84.
Je m'étais déjà étonnée dans un post précédent que l'on n'ait pas d'équivalent au verbe anglais to enjoy. On pourra dire que c'est parce que l'on préfère davantage de précision et un registre plus soutenu avec nos « admirer », « déguster », « apprécier »… restent quand même des lacunes selon les sens et les expériences. (Dans les slogans publicitaires par exemple, “Enjoy X” a pu être traduit par un impératif plutôt péremptoire : « Buvez X », « Lisez X ! »)

Et puis j'ai découvert récemment qu'on a un mot qui ressemble beaucoup, simplement très peu usité en France : « s'enjailler », pour dire s'amuser, passer du bon temps ! Ça vient de Côte d'Ivoire.

… Bon, Wikipédia me dit qu'« enjoyer » est aussi attesté en français maintenant. Soit.


85.
Certains mots français ont été empruntés en anglais avec un sens un peu différent ; les viandes sont un exemple connu, par exemple mutton désigne la viande de mouton (l'animal se dit sheep, ewe pour la brebis), idem pour beef et la viande de bœuf (ox : buffle, bull : bœuf, cow : vache), pork et la viande de porc (pig, swine)… Mais je n'ai appris que récemment que les nombres avaient été empruntés aussi, pour désigner une face de dé ou la valeur d'une carte ! Ainsi sice, cinque, cater, trey, deuce, ace.


86.
Ça faisait longtemps que je n'avais pas mangé de glace à la réglisse. C'est délicieux. Sauf si on n'aime pas la réglisse, auquel cas c'est non-délicieux. C'est drôle que le mot « réglisse » soit féminin dans tous les cas sauf quand on parle du bonbon. Et drôle aussi de voir à quel point la réglisse est populaire en Scandinavie mais souvent détestée aux États-Unis.

D'ailleurs, pourquoi « amour » est-il masculin en général mais féminin dans certains poèmes ou textes littéraires au registre soutenu ?


87.
En principe, l'abréviation l pour le litre ne prend pas de majuscule. Mais le l minuscule peut facilement se confondre avec un I ou un 1, ce qui n'est pas très pratique (j'ai eu un problème avec ça lors de mon bac de SVT). Ainsi, Ken Woolner de l'université de Waterloo a eu l'idée de publier la biographie d'un savant fictif, Claude Émile Jean-Baptiste Litre, en tant que poisson d'avril en espérant que certains tombent dans le panneau et se mettent à mettre une majuscule à litre. Et ça fonctionna ! Aujourd'hui, même si ça contrevient aux règles en théorie, on peut abréger le litre en L en hommage à monsieur Litre qui n'a jamais existé. Merci monsieur Woolner !

Notez que sur ordinateur, on peut utiliser le symbole aussi (ce qui rentrerait plutôt pour ma série de posts sur l'Unicode mais c'est cool).


88.
Un aptonyme est un nom qui correspond bien à la personne qui le porte (monsieur Lalune, astronome, ou madame Farine, boulangère).


89.
Nigelnagelneu“ en allemand signifie « tout neuf ». L'élément chimique n°111, aujourd'hui baptisé rœntgenium, a été précédemment appelé « unununium » en raison de son numéro. Le tic-tac-toe est un petit jeu basique que vous connaissez sans doute, si vous ne l'appelez pas « morpion ». (Je chercherai d'autres mots du genre plus tard !) L'alfalfa est le nom anglais de la luzerne. Je ne sais pas pourquoi j'adore les mots „nigelnagelneu“ et « unununium » mais je déteste « alfalfa ».


90.
À moins de pouvoir la comparer à une forme connue (une lettre de l'alphabet par exemple), une forme géométrique peut être compliquée à décrire. Par exemple :


Comment décririez-vous celles-ci ?


91.
Le mot “funky” en anglais peut être trompeur et difficile à traduire. Oubliez la musique — le sens original est quelque chose de fort en caractère, une odeur ou un goût très marqués, a priori pas du goût de tout le monde… mais qui peuvent être appréciés. Pensez à certains fromages forts ou à des rhums jamaïcains par exemple. Dans certains cas, on pourrait traduire par « rustique », mais je ne crois pas que cela fonctionne partout.


92.
D'ailleurs, en parlant de rhums jamaïcains et de “funk”, il y a un mot pour désigner leur caractère spécifique : « hogo » (déformation de « haut goût »), que l'on décrit parfois comme une saveur de fruit pourri (ou de terre, de noix rances) mais qui serait paradoxalement plaisante.

Autre exemple d'un terme ultraspécifique : pour désigner un goût particulier que l'on retrouve dans les thés de Darjeeling, surtout ceux d'été, on parle de « muscatel ». Ce serait un goût proche du raisin muscat mais aussi du foin. (Perso, le Darjeeling, ce n'est pas trop ma tasse de thé à cause de leurs notes bergamotées !)



93.
Trouvée sur un autre blog (cliquez pour lire l'article et l'explication !) : la phrase « Allez, va, ça ira ! », constituée de trois formes complètement différentes du verbe « aller »… et de peu d'autres choses !


94.
Par pitié, arrêtez de calquer bêtement le “Wait, what?” anglophone en « Attends, quoi ? » ! On a tellement mieux en français, en un seul mot : « Pardon ? », « Comment ? »… et surtout  « Plaît-il ? » qui permet de rajouter une petite note ironique en plus.


95.
J'aime le mot “milquetoast”, parce qu'il est amusant (on dirait “milk toast” avec “milk” écrit à la française — d'ailleurs ça vient de là indirectement, via un personnage)… mais aussi parce qu'il me rend nostalgique de Persona 4, où il apparaît dans un texte de quête annexe. Il y a d'autres mots comme ça, qui me font toujours penser à un livre, une chanson, une personne parce que je ne les ai lus ou entendus nulle part ailleurs — et parfois il y a des auteurs qui ont des mots fétiches que je remarque beaucoup. Par exemple les verbes loll et lurch chez Douglas Adams. D'ailleurs il y a un livre qui analyse le vocabulaire et les tendances stylistiques de divers auteurs en faisant les comptes : Nabokov's Favorite Word is Mauve, de Ben Blatt.

mercredi 27 mai 2020

♪ 93 : Cygnes d'amour et échecs pour némésis

Dj Motherfucker – Music Mix (2019)
… Et c'est comme ça (comment ? je ne sais plus) qu'on se met à télécharger et à écouter un truc qui s'appelle Music Mix, signé Dj Motherfucker sur le netlabel québécois Ton doigt dans mon cul, uniquement parce que le titre m'a fait pouffer. Je ne me suis attendue à rien du tout. En l'occurence ce sont deux longues pistes qui mélangent des musiques traditionnelles de coins du monde sans aucun rapport, pas essentiel mais j'aime bien !

Et puis, au bout d'un moment trop long, je me rends compte que la boucle rythmique sur “Water Thai Asian Mix”, c'est de la percussion aquatique : une tradition chez les femmes du Vanuatu et celles du peuple Baka au Cameroun, qui consiste à frapper l'eau à mains nues. Il y a un groupe camerounais qui s'appelle Akutuk et qui se spécialise là-dedans ; elles n'ont pas sorti de disque mais donnent uniquement des concerts. Après, ça a nettement moins de charme de voir un concert dans une piscine plutôt que des enregistrements dans les pays d'origine.

Si vous aimez le concept de croisements entre des musiques de pays complètement différents et que vous en voulez plus, je recommande toujours les Paysages Planétaires de Henri Pousseur !





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Blood Orange – Negro Swan (2018)
Ce que je préfère dans le R&B ou la soul, ce sont ces moments de grâce où l'émotion et le groove se confondent, touchent au corps et au cœur en même temps. Un disque peut tenir parfois uniquement grâce à un passage comme ceux-là.

Negro Swan vise ça tout le temps. D'habitude, je préfère les chanteuses aux chanteurs en r'n'b, mais là, cette sensibilité, ce groove sous-jacent omniprésent, ça me séduit carrément. Le disque fonctionne moins sur l'écriture dans son ensemble que sur les accroches, l'ambiance, avec une retenue presque minimaliste qui donne à tout le disque un air d'intro ou de finale. Et s'il y a bien quelques pistes qui sortent du lot comme “Saint” ou “Nappy Wonder”, c'est vraiment un album qui fonctionne mieux en entier, tant chaque piste est un élément qui tient en équilibre grâce aux autres.


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Clara Iannotta
A Failed Entertainment (2016)
J'aime bien avoir un disque de musiques contemporaines difficiles, dissonantes, auxquelles revenir de temps en temps histoire de me stimuler les oreilles. Ces derniers temps, c'est celui-ci qui me plaît ! Les mélodies et rythmes y paraissent secondaires voire accidentels, les sons sont expressifs, vivants, chacun semble être un geste ou une impulsion qui propulse la musique. À se demander pourquoi j'y accroche alors que l'art de la danse ne me touche pas.

Aucune parole ici mais Iannotta s'est inspirée d'œuvres littéraires : “The people here go mad. They blame the wind” tire son titre d'un poème de Dorothy Malloy, les sons étant inspirés d'une promenade où le vent faisait tinter les carillons. Quant à la piste-titre, “A Failed Entertainment”, c'était le titre provisoire d'Infinite Jest de David Foster Wallace.


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Juliette Porée – Hiss Album (2019)
Au premier plan, des enregistrements d'un quasi-néant, des phonographies empreintes de solitude où tout paraît distant, méconnaissable voire inquiétant. Derrière, tout est habité de présences fantomatiques intrigantes ; des manipulations, des passages passés en boucle ou à l'envers, des échos ou samples lointains, des sons qui posent des questions sans donner de réponses. La troisième piste est carrément hypnotisante, on dirait un voyage dans les Limbes — et on n'a pas envie d'en sortir ! Même les mélodies ici semblent vouloir se dissimuler derrière un voile.

La dernière piste est différente, on rentre à l'intérieur pour une mélodie plutôt intime et mélancolique. Avec parfois le chat de Juliette qui miaule dans le fond.


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Sewerslvt
Draining Love Story (2020)
Ce disque-là est né d'un environnement fluorescent et toxique ; il a beau être instrumental, il mérite plusieurs avertissements sur le contenu (dépression, suicide). Pourtant il est tout sauf pesant ! C'est de la drum'n'bass intense, hallucinée, avec une production impressionnante, paradoxalement jouissive. “Newlove” en particulier est incroyable.


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D. Tiffany – V2M (2018)



L'EP de dance music du mois est plutôt « outsider house », avec un côté rétro et planant ; toutes les pistes sont bonnes mais ma préférée est “Respect the Flute” qui me rappelle les meilleurs passages du Selected Ambient Works 85-92 d'Aphex Twin en plus dansant !


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Bridgit Mendler – Nemesis (2016)
Enfin, si vous aimez les chansons r'n'b plutôt axées pop, je vous recommande cet EP. Quatre chansons, quatre styles différents, rien de révolutionnaire mais c'est du tout bon.

samedi 25 avril 2020

♪ 92 : Superamour et danses irisées du futur

C'est la key · Superflat · 2017
(Pour rappel : Traumnovelle de Coin Locker Kid, c'était du hip hop expérimental introspectif, plus ou moins torturé, où l'on pouvait entendre entre autres : un instrumental entièrement acoustique avec percussions en bois et chant traditionnel, une histoire récitée par une voix digitale sur un grondement quasi-inexistant, une piste presque rock avec une coda chaotique, un final fragmenté imprévisible… Ça fourmillait d'idées, c'était accrocheur et en même temps il y avait un sentiment de vide vertigineux dans cet album quand on s'y plongeait. Pas de featuring, ça n'aurait pas vraiment été le genre. Ou alors ç'aurait été feat. le fantôme d'un roi fou, feat. un amour perdu, feat. la poussière du grenier.)

… Et en 2017, Devyn Smith se prend une crise existentielle ou une dépression en pleine face, semble-t-il. Abandonne son album en cours et enregistre un « non-album » méta, une sorte de journal intime-pièce radiophonique où il joue son propre rôle et fait jouer à des voix digitales ses voix intérieures (il y en a au moins une qui est un vrai connard), invente d'autres artistes, se peint en artiste qui se paume et s'enfonce de plus en plus loin dans des impasses en voulant en sortir. Ce n'est pas vraiment de la musique, c'est de la narration — même les « vraies » pistes ne sont là que pour servir l'histoire.

Faudrait pas que ce genre de disque devienne une habitude, surtout que ça ne se réécoute pas autant qu'un album classique (et peut-être même pas du tout — quand j'ai eu envie de réécouter Devyn Smith quelques jours après, je n'ai pas relancé Superflat, j'ai téléchargé un autre album de Coin Locker Kid). N'empêche que c'est très réussi !



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The Source Experience
The Source Experience · 1993
Parce que la trance, c'est la vie, je vous recommande l'LP The Source Experience de Robert Leiner. Ça date de 1993, le début tient un bon équilibre entre répétitivité techno et arabesques multicolores, mais c'est surtout sur la fin que ça se déchaîne : “Mental Rider” avec ses mélodies à la limite de l'atonalité entraînées par un beat dément qui frôle le hardcore, et “Elektra”, une danse endiablée où tout n'est qu'électricité. 39 minutes en tout, pas de pochette mais ce n'est peut-être pas une mauvaise chose vu à quoi sa précédente ressemblait lol. (Et puis le logo R&S m'inspire confiance en général.)





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Hardy Fox · Rilla Contemplates Love
2018
Drôle de disque que ce Rilla Contemplates Love, signé Hardy Fox (des Residents) un mois avant sa mort. Sur le papier, ce sont 42 minutes des réflexions sur l'amour et le sexe que pourrait se faire un gorille (ou est-ce vraiment le cas ? Les gorilles n'utilisent pas de voitures ou de préservatifs d'habitude, enfin, pas à ma connaissance) sur un mix instrumental où l'on reconnaît un sample de “Christiansands” de Tricky, des pistes d'IDM ou de new age…

Ça pourrait resssembler à du n'importe quoi improvisé à la va-vite, et pourtant. Sans que je sache exactement quoi, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose de véritablement personnel dans cet album. Que l'artiste n'avait pas l'intention de faire de la musique expérimentale ici ou d'impressionner qui que ce soit mais de partager quelque chose à laquelle il tenait. C'est un disque très mineur, pour les fans de l'artiste avant tout (donc même pas pour moi a priori), et qui ne vous apprendra absolument rien sur la vie amoureuse des gorilles. Mais j'y reviens quand même, pour son originalité et pour une impression que je n'arrive pas à expliquer.



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The Residents · Demons Dance
Alone
· 2002
Du coup j'ai voulu redonner une chance aux Residents, qui avaient fini par m'agacer un peu avec leurs voix aiguës de dessin animé et leur bizarrerie dans les années 1970 — même si j'ai toujours bien aimé The Third Reich'n'Roll, pot-pourri de reprises approximatives de tubes de l'époque, une provocation gratuite absurde quand même bien fun.

Donc j'ai écouté Demons Dance Alone, sorti en 2002 et… oui, c'est différent. Le maquillage de cirque reste présent, mais ces chansons sont sincères, bien écrites… et d'une tristesse incroyable (pas forcément dans les mélodies, mais dans les paroles). Le thème est l'après-11 septembre, même si les textes ne s'y réfèrent jamais directement — en fait c'est surtout de désillusion et de tragédie dont il est question. Et si on retrouve un peu de monstruosité voire d'horreur dans ce disque, il est avant tout éminemment humain.

En repensant aux « concentrés d'albums » que j'avais écoutés sur Our Poor, Our Tired, Our Huddled Masses (compile anniversaire un peu spéciale), j'ai l'impression qu'il y a une idée récurrente dans la discographie du groupe : celle que nous vivons dans une sorte de cirque grotesque et tragique. Mais qu'il vaut peut-être mieux montrer l'humanité des monstres que la monstruosité de l'humanité.



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Dua Lipa · Future Nostalgia · 2020
Sinon, si vous avez envie de dance pop, l'album de Dua Lipa (Future Nostalgia) est carrément bon !












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dj tehom · iris mirror-spiraled · 2020
Et si vous avez envie de chaos rose fluorescent, je vous conseille Iris Mirror-Spiraled de DJ Tehom (icône chaotique girly aux noms multiples que vous avez peut-être déjà vue sur RYM) — un vortex noise rythmique composé de samples de dance pop et d'ambient trance, une fête perçue par des yeux d'insecte à travers je ne sais combien de filtres psychédéliques.

jeudi 16 avril 2020

アマビエ



Selon la légende, l'amabié est une créature japonaise (yōkai) qui ressemble un peu à une sirène mais avec un bec et trois jambes, et dont les représentations auraient le pouvoir de guérir quiconque tombe malade (à la suite d'une épidémie par exemple).

En ce moment plein d'artistes dessinent et partagent des images d'amabié !