jeudi 29 novembre 2018

Rêve n° 44


J'ai un cours qui commence à dix-huit heures. J'ai le temps, du coup je vais à la librairie… mais j'y passe trop de temps et je me rends compte qu'il est déjà six heures moins dix. Du coup je me précipite dehors,


je traverse la place et entre dans le passage souterrain — je saute par dessus la rangée d'escaliers (un truc que je crois que je peux faire à cause des jeux vidéo…), il y a un restaurant portugais qui sert des plats italiens (un plat de pâtes qui a l'air délicieux), j'ai peur de tout flanquer par terre en sautant mais ça passe,


plus bas le passage ressemble à une salle de musée avec des colonnes en marbre rouge et de beaux tableaux genre âge d'or hollandais…


… je regarde ma montre — zut, il est déjà sept heures ? Pourtant une heure n'a pas pu passer, c'est impossible. Je regarde mon portable : j'ai 63 messages non lus, dont beaucoup qui viennent d'un contact appelé “Mort”. Pourquoi la Mort m'a-t-elle envoyé tant de messages ?

vendredi 23 novembre 2018

♪ 75 : Onze enfants-bruits de l'envers lointain

C'est rare que ce soit une voix qui me fasse aimer un disque, mais j'ai eu un coup de cœur immédiat en écoutant “Mother Maybe” de Kadhja Bonet. Une chanson de soul psychédélique qui semble venir des années 60, directe, éblouissante. C'est la piste la plus classiquement soul de Childqueen, les autres penchent un peu plus vers la pop (là aussi dans un style années 60), avec des grooves plus légers ou ralentis presque jusqu'au délitement comme sur “Delphine”, une écriture toute en élégance et en concision. “Thoughts Around Tea” par exemple : à peine plus de deux minutes, cette mélodie, ces chœurs avec elle-même, ce xylophone, c'est parfait.



Vous aimez les arpèges ? Das Buch der Klänge (« Le livre des sons ») de Hans Otte est une très belle composition minimaliste en douze mouvements, avec des arpèges au piano qui se répètent au point que les mélodies prennent des airs de motifs, de textures. Chaque partie reprend cette idée mais les mouvements peuvent être très différents, entre la fluidité absolue du deuxième, la froideur du sixième qui met en avant le silence, les marteaux et les cordes… Mes préférés sont en général ceux qui sont un peu ambigus, instables, comme le septième (superbe). Dommage seulement que le dernier mouvement finisse par une note trop sucrée (et arrêter au onzième, excellent, ne fonctionne pas si bien que cela non plus, on sent qu'il manque une conclusion).



Je ne sais pas si les « onze questions » que posent Markus Reuter et Robert Rich le long de leurs treize pistes appellent une réponse, si même ce qu'elles sont, mais elles piquent la curiosité. Treize pistes instrumentales qui touchent à l'ambient mais en plus riche, avec trop de mélodies, rythmes, voix… pour que cela reste une musique d'arrière-plan. Chaudes et mystérieuses, principalement acoustiques, très détaillées avec beaucoup d'instruments et de sources sonores ; beaucoup de jeux entre apaisements et tensions aussi, et une atmosphère toujours changeante qui captive sans que l'on puisse la cerner.




L'univers de Carlton Heston(ne) est en noir et blanc, granuleux, étrange. Il a un site web à l'ancienne avec des jeux, des dessins et de la musique, et aujourd'hui je peux vous recommander Screamers, The, sorti pour Halloween (et qui s'accompagne d'un mini-jeu en Flash). C'est un EP de collages imprévisibles, entraînants et déroutants, qui sentent autant le vieux grenier plein de squelettes qui jouent de la guitare sèche et d'araignées que la piste de danse psychédélique, avec une dose de saturation noire par moments. Du WTF du début à la fin et un son original, j'aime beaucoup ! Vous pouvez écouter et télécharger ça ici, c'est gratuit (attention, la lecture démarre automatiquement).



La musique de Vinyl Speed Adjust semble plus circulaire que linéaire. Certes, c'est de la tech house ou de la house minimale, répétitive par nature, mais ici les progressions (il y en a) semblent vouloir se faire oublier, tout tourne autour des boucles, des boucles super accrocheuses dont on a envie qu'elles ne s'arrêtent jamais. Deux pistes sur les trois n'ont d'aileurs pas de vraies fins, elles s'arrêtent si abruptement que ça en paraît arbitraire. C'est sans doute que cette musique est faite pour être mixée ; en attendant, leur Retro EP est déjà très recommandable tel quel.





Si vous avez envie d'un beau disque qui fait du bien, je vous conseille vivement 遠い音楽 (« musique lointaine ») de Zabadak. C'est de la pop japonaise de 1990 avec des inspirations un peu celtiques, un peu new age sans que ça fasse genre ; c'est beau, c'est touchant, candide sans être kitsch, souverain pour les moments où on a besoin de réconfort, quand tout paraît chaotique, désespérant ou de mauvais goût et qu'on a envie de s'éloigner de tout ça. Le groupe tire son nom d'une chanson de 1967 (qui me convainc moins). Et un astéroïde a été nommé d'après le groupe.

Mots (7)



66.
Quelque chose me gêne dans le verbe « punir ». Peut-on l'utiliser sans avoir l'air de cautionner — ne serait-ce qu'un tout petit peu, par connotation — l'acte dont il est question ? Si je dis par exemple que des religieux fanatiques ont « puni » une personne pour homosexualité… je ne sais pas. Le Larousse reste flou à ce sujet. Le Wiktionnaire parle de « sens étendu » quand il s'agit de rendre le mal pour le bien.


67.
Le mot « catharsis » a des sens originaux plus spécifiques que celui utilisé habituellement. Mais comme il n'y a pas de mot au registre soutenu pour désigner le « défouloir », l'extériorisation de sentiments négatifs (ce que l'on recherche par exemple quand on écoute un disque de musique aggressive à fond ou qu'on casse quelque chose pour évacuer son mal-être), tout le monde l'utilise dans un sens plus large. Encore plus en anglais, ou il n'y a même pas à ma connaissance d'équivalent pour « défouloir » !


68.
L'haüyne est une sorte de pierre bleue, nommée en l'honneur du minéralogiste René Just Haüy.


69.
« Troussepinette » est le nom d'un apéritif vendéen, soit un vin aromatisé avec des branches, pousses ou épines de prunellier.


70.
« Jarnicoton ! » est un juron cocasse qui a une histoire amusante — d'après Wikipédia : « Henri IV avait la mauvaise habitude de dire jarnidieu (“je renie Dieu”) ; le père Coton, son confesseur, l’en reprit, lui faisant remarquer que c’était indécent dans la bouche d’un roi chrétien. Comme le roi s’en excusait en disant qu’il n’y avait pas de mot qui lui fut plus familier que le nom de Dieu, excepté peut-être celui du père Coton : “Eh bien ! Sire,” repartit le religieux, “dites : jarnicoton !” »


71.
L'adjectif « macaronique » désigne une écriture garnie de faux latin, soit par exemple des mots français affublés de terminaisons en -um, -us, etc. On parle aussi de « latin de cuisine » (il y a une différence subtile entre les deux mais je l'ai oubliée). À noter que “macaronic language” existe aussi en anglais, mais a un sens différent : il s'agit alors de langues mélangées, volontiers avec des jeux de mots ou autres.


72.
Le mot “kamelåså”, qui n'a aucun sens, fut créé pour un sketch humoristique sur les Danois qui ne se comprennent pas entre eux à cause de leur langue peu intelligible. Depuis, le mot est devenu très célèbre. Comme le “kamoulox” de Kad et Olivier chez nous.


73.
Une recette de cocktail notée de façon minimaliste peut n'appartenir à une langue en particulier. (Exemple : “Godfather : 6 cl whisky, 2 cl amaretto”.) Les nombres et unités sont internationales, les noms des alcools et de la recette même ne sont pas traduits.

Il y a sans doute des textes bien plus longs qui pourraient se lire dans plusieurs langues ? Des écrivains de l'Oulipo ont utilisé cela comme contrainte, soit un même texte qui puisse se lire dans deux langues différentes — mais sans que le sens soit nécessairement le même. Ce qui pourrait être plus impressionnant encore… sauf que les deux exemples que j'ai lus n'avaient aucun sens, ni en français ni en anglais — dommage.

Quant à avoir le même effet à l'oral… c'est peut-être possible approximativement ? Mais ça doit être encore plus difficile !


74.
Il existe un sport (ou un jeu) qui ressemble à du golf, mais avec des frisbees à la place des balles. Ça s'appelle le frolf. (Ou “disc golf”, mais ne pas utiliser le mot “frolf” alors qu'on l'a à sa disposition, c'est un gâchis inexcusable.)


75.
Pour une langue qui a la réputation d'être claire et précise*, il est étonnant — mais en fait très logique — de voir qu'elle a un pronom défini par l'indéfini : « on ». Il y a bien un pronom indéfini en anglais par exemple, “one”, mais il est nettement moins usité. Sauf chez Virginia Woolf. J'aime bien Virginia Woolf. Elle a raison d'utiliser “one”.

* Cf. par exemple “La beauté de la langue française” de Gabriel de Broglie : « L’espagnol est considéré comme une langue noble, l’italien comme une langue harmonieuse, l’allemand comme une langue précise, l’anglais comme une langue naturelle et pour le français on met généralement en avant la qualité de la clarté. » (À vous de voir si vous êtes d'accord, c'est pas moi qui le dis.)


76.
Un bréphophage, c'est quelqu'un qui mange des bébés.


77.
L'eigengrau (soit : le gris qui nous est propre) désigne la couleur gris foncé que les yeux humains voient dans le noir complet. On peut voir plus noir que cela, avec du contraste !


78.
Le mot “biweekly” en anglais britannique est ambigu, car il peut signifier « toutes les deux semaines » ou « deux fois par semaine ». C'est peu pratique. (Et même quand il n'y a pas d'ambiguité en vrai, je confonds souvent « bimensuel » et « bimestriel » ainsi que les autres cas du même genre… il faut toujours que je vérifie.)


79.
« Un de mes élèves avait écrit “libellule” avec quatre “l”. Je lui ai demandé pourquoi. Il m'a simplement répondu “bah, sinon elle peut pas bien voler la libellule ! » Source : https://bande-de-dechets.blogspot.fr/2018/03/mauvaise-en-orthographe-et-alors.html. … (Mais hé, il y a bien quatre “l” dans “libellule” ?)


80.
Et puis, bien plus divertissant et intéressant que ce post, je vous renvoie à la nouvelle série de posts sur l'étymologie en BD de http://boutanox.blogspot.com ! Où l'on apprend entre autres l'étymologie du mot « mot ».