vendredi 24 mars 2017

+1


Parfois, sur les réseaux sociaux, je retrouve des personnes que j'aime bien mais à qui je n'ai rien à dire. En partie par timidité, parfois parce qu'on a peu de points et d'intérêts communs… parfois aussi parce qu'avec toutes les informations disponibles sur internet et tous les commentaires, il arrive très souvent qu'il n'y ait plus rien de pertinent à ajouter à une conversation. Et commenter pour commenter sans avoir rien à dire, franchement, ça me paraît plus une gêne qu'autre chose.

Je reste en contact avec elles uniquement sur les réseaux sociaux, mes interactions avec elles se résument à des pouces bleus ou verts, des cœurs, des +1, etc. Est-ce que c'est artificiel ? Intrusif ? Je n'ai pas vraiment l'impression, mais j'imagine que ça dépend de la personne. En tout cas, sans les réseaux sociaux, on se perdrait de vue tout simplement. On peut trouver que les pouces bleus sont superficiels et appauvrissent les relations, mais franchement, je les aime bien.

lundi 20 mars 2017

♪ 55 : Princesses Hallucinatoires Joyeusement Accordées

Dans la province de Limpopo, en Afrique du Sud, vit le peuple Shangaan (ou Tsonga). C'est là qu'est né Nozinja, un entrepreneur dans le domaine de la réparation de téléphones portables ; la quarantaine passée, notre bonhomme a eu envie de rendre populaire les danses de sa région natale. Du coup il rajoute des synthés MIDI et des tempi super rapides aux chants et aux marimbas traditionnels, le résultat s'appelle Shangaan electro et c'est une sacrée bonne idée !

Nozinja Lodge, son premier album chez Warp, est aussi estival et coloré que ses habits, avec une palette de sons acidulée que j'aime beaucoup et qui ne ressemble à rien d'autre dans ma musicothèque. Ça met tout de suite de bonne humeur, et les rythmes extrêmes ont quelque chose de presque étrange. “Xihukwani” a une mélodie qui tue, et euh, la plupart des autres pistes aussi !
J'ai appris par la suite que le Shangaan electro s'est fait connaître avant tout par des compiles du label Honest Jon's, pas encore écoutées mais ça ne saurait tarder. Et on peut évidemment trouver des vidéos de danse Shangaan sur Youtube. Vous pouvez lire un article sur le genre ici par exemple.




Autre genre récemment inventé en Afrique du Sud : le gqom (à prononcer avec un clic alvéolaire ou comme le bruit d'un cheval au galop). C'est toujours de la musique pour danser, mais carrément plus brute et minimaliste ; vraiment un genre de rue, qu'a priori personne en dehors du pays — voire même en dehors de la ville de Durban — ne connaissait au début, avec des titres produits et sortis en mode cheap sur FruityLoops par des jeunes artistes des townships qui signaient parfois de leur numéro de téléphone. Jusqu'à ce que le label Gqom Oh! diffuse ça à l'étranger… et que ça prenne bien !

Parce que c'est un sacré son, squelettique dans la forme mais avec des rythmes et une atmosphère hypnotiques. Il s'en faudrait de peu que ça ne sonne froid ou sombre, et pourtant, sur la compile d'une heure et demie du label (Gqom Oh! The Sound of Durban Vol. 1), c'est vraiment une énergie brûlante qui domine, avec des samples de voix si courts qu'ils deviennent quasi-abstraits, des beats, des drones et quasiment rien d'autre. C'est une musique qui a sa propre personnalité mais dont l'attrait est pourtant immédiat.

Il y a encore très peu de disques disponibles dans le genre, mais Gqom Oh! The Sound of Durban Vol. 1 offre de quoi faire avec ses seize pistes pour plus d'une heure et demie. Sinon, si l'on cherche “gqom” sur Bandcamp aujourd'hui, on trouve des artistes qui viennent de Chine et du Japon. Vous pouvez lire un article sur le genre ici (écrit par Jumping Back Slash, un DJ sud-africain).




Je ne sais pas trop ce qu'ont essayé de faire Bran Van 3000 sur Glee, mais le résultat est un joyeux bordel populaire. C'est comme si un seul groupe (avec trop de membres) avait tenté de reprendre en une heure tous les genres présents dans le top 50 de l'époque. Les singles sont très directs et très pop, mais quand on en sort, c'est un patchwork façon flipper où on passe du hip hop sur des riffs de guitares électriques sombres à un rythme breakbeat qui déboule sans prévenir, y'a un rastman qui arrive, un autre rappeur s'incruste en duo, y'a des guitares pop, rastaman n'est plus là, tiens y'a des paroles en français maintenant… vous voyez le topo. Ouais, Beck avait fait quelque chose d'un peu similaire sur Odelay un an plus tôt, et Mr Bungle encore plus, mais ces artistes-là avaient donné à leurs assemblages un son personnel et original ! Ici non, c'est à peine si le groupe est reconnaissable de piste en piste, ça ressemble toujours à du top 50 et c'est parfois difficile à prendre au sérieux… ce qui n'est pas inintéressant pour autant, remarquez.

Et si ces copies n'ont aucun style personnel, elles ne sont pas sans âme. Paraît que “Drinking in L.A.” était un des tubes incontournables de l'époque au Canada et je comprends pourquoi, ce mélange d'hédonisme et de nostalgie sonne juste ; ça reste fun, coloré et superficiel, mais on peut y entendre la conscience qui nous tiraille toujours par derrière — encore plus sur “Exactly Like Me!”, qui ressemble tellement à une feel good song et pourtant.

À côté de ça, la reprise de “Cum on Feel the Noize” est vraiment n'importe quoi (ce qui chez moi est souvent un compliment), “Old School” l'est encore plus, bref, ce ne sont pas du tout les mêmes raisons qui font qu'on aime une chanson ou qu'on aime l'album. En tout cas j'aime bien. Et je donne un bonus pour la reprise non créditée de la mélodie de “Perfect” de The The façon jazz / lounge / bouteilles qui s'entrechoquent.




Nana Wodori de knowsur, c'est une boule de glace sucrée et acidulée à un fruit exotique inconnu. Soit 17 minutes de bitpop japonaise microtonale ! Aussi mignon que bizarre et décalé. C'est principalement instrumental, mais il y a une piste de chant au Vocaloid aussi. Disponible gratos sur le label Split Notes, où l'artiste explique brièvement comment il a composé chaque piste.








Stay Tuned de Rutger Zuydervelt (Machinefabriek) est un très bon argument contre les rythmes et les mélodies. C'est une composition ultra-minimaliste dans l'idée, mais qui implique pas moins de 152 musiciens ! Violon, violoncelle, guitare électrique, tuba, basse, voix… et qui jouent tous la même note en continu. Zuydervelt a édité les jeux de telle manière à ce que l'on n'entende que quelques instruments en même temps à chaque fois, toujours clairement ; on passe des uns aux autres quasi-imperceptiblement. Le résultat n'est pas tant un ensemble que des jeux individuels qui se rencontrent et s'éloignent. Il n'y a que les variations de timbre et les multiples imperfections humaines qui font que la musique progresse, mais ça suffit à donner une musique riche et belle.

À l'origine, c'était une installation, avec plusieurs haut-parleurs qui diffusaient chacun une boucle, au sein de laquelle on pouvait se déplacer pour changer la musique — l'album ici présente un chemin possible dans l'installation. Ah, et l'inspiration pour la composition, c'est le moment où un orchestre s'accorde ! Comme une préparation, un prologue qui n'en finirait jamais.




Depuis que FKA twigs m'a fait aimer le R & B, je continue d'en écouter un peu ailleurs. L'EP Hallucinogen de Kelela est sympa : un son plus lent, plus grave, avec pas mal d'UK bass, une très belle dernière piste en particulier (“The High”, qui joue joliment avec les contrastes)…









… Mais je lui préfère Princess d'ABRA, qui part dans une autre direction : tout le disque est bon, mais quand elle utilise des beats de dance music avec des synthés rétro (cowbells de 808 ♥) sur “Vegas” et “Crybaby”, avec un style séduisant et un peu candide (pas de froufrous sur la production), c'est carrément parfait.









Et puis Rhythm Nation 1814 de Janet Jackson est un excellent disque. Mais vraiment. Son frère Michael savait certes sortir des singles du tonnerre, mais ce n'était clairement pas un artiste à albums — Janet, là, elle assure carrément sur 64 minutes ! Les titres pour danser qui s'enchaînent sans perdre d'élan, les interludes (concept oblige) qui ne dépassent jamais la poignée de secondes et ne gênent en rien le flux de l'album, l'accalmie seulement à la fin du disque… Rien à redire.