samedi 13 septembre 2014

♪ 25 : la sombre tête malicieuse écoute le roi dans le ciel

ಹಲೋ, voici la sélection de disques du mois ! Je vous préviens, je n'ai pas de disques gais, entraînants et colorés à présenter cette fois-ci ; peu de chansons et peu de mélodies, surtout des atmosphères, des percussions et du bruit.


Alors on va commencer franchement avec Mischievous Sigyn 1923 de Karasyozoku et sa pochette bellmerienne à vous donner des cauchemars. Cet album se base sur le scénario suivant : le tremblement de terre survenu dans la plaine du Kantô en 1923 aurait été causé par Sigyn, l'épouse de Loki, qui aurait renversé sur la tête de son malheureux époux une coupe entière du venin que lui crache dessus le serpent. (Si ça ne vous dit rien, c'est de la mythologie nordique ; lisez donc la Gylfaginning si ça vous intéresse !)

Mischievous Sigyn 1923 est un album qui ressemble à la bande-son d'un vieux film d'horreur-catastrophe. À classer dans ces genres extrêmes que sont le death industrial et le noise, mais il y a relativement peu de chaos assourdissant et même très peu d'atonalité dans cette musique. Tout est clairement structuré, et ce sont surtout des modulations et grondements inquiétants, des grincements, quelques voix, rires et chants qui évoquent cette ambiance de destruction et de panique ; tout s'écroule de partout mais on voit clairement les ruines, les fondations des bâtiments, la terre s'ouvrir, les gens courir… Parfois, il y a un mélange de kitsch et de réelle frayeur, comme si le film hypothétique était un montage de vraies images d'archives de la catastrophe et d'inventions fantasmagoriques en carton et en latex. Le son est très lo-fi à cause du format cassette, ce qui d'habitude me fait râler, mais pour une fois ça ne me dérange pas : c'est comme si ce film musical avait été enregistré sur une VHS pourrie.

Vous pouvez télécharger cet album sur des blogs si ça vous intéresse ; il est épuisé et introuvable même sur Discogs.



Dark Pool de Black Rain : une atmosphère nocturne, électrique, futuriste et industrielle… de grands bâtiments sombres, des véhicules aéroportés, des symboles lumineux sur les écrans géants — on peut s'imaginer en figure solitaire qui arpente la ville, le béton et ses néons, les hauteurs vertigineuses, le vent, les quartiers mal famés. C'est une musique qui est plus souvent suggestive et impressionnante qu'oppressante, mais on pourrait facilement l'imaginer en bande son d'une histoire cyberpunk. Dark Pool évolue entre le dark ambient et une musique électronique industrielle, sans excès ni fautes de goût. Et puis il y a du chant aussi, sur quelques pistes seulement mais c'est une présence agréable.

C'est sorti chez Blackest Ever Black, ce qui n'est pas étonnant : c'est chez eux aussi qu'étaient sortis Quarter Turns Over a Living Line de Raime et Through the Window de Prurient. Toujours dans des ambiances sombres et urbaines, ces croisements de styles entre dark ambient, dub techno, EBM, etc.



Le premier album de Senking est un excellent disque de techno minimale, presque ambient techno. Ça commence par cinq pistes sans titre, très minimalistes, on dirait des petits robots qui circulent sous terre. Des araignées mécaniques qui vivent leur vie tranquillement dans la pénombre, dans des tunnels en métal. Rien de véritablement froid ou hostile, mais des boucles sombres et telluriques… Le style évolue au fil de l'album, des mélodies commencent à apparaître, les rythmes sont un peu plus animés. Tout en restant dans cet univers très intérieur, cette gamme aux couleurs limitées.

Il existe un clip pour l'une des dernières pistes, presque tout en bleu sur fond noir avec des images quasi-abstraites qui se répètent.

Les cinq premières pistes sont aussi sorties sous la forme d'un EP vinyle, déjà plus facile à trouver que l'album complet, qui est malheureusement épuisé depuis 1998.



Stop Listening de Crawl Unit est un disque étonnant par sa… je ne sais pas comment dire. Sa pureté ? Sa simplicité ? Sa radicalité ? Aucun de ces mots ne convient vraiment. C'est un disque qui semble avoir été enregistré uniquement pour l'amour du son même. Chaque piste présente des sons qui ont leur propre identité et cohabitent ensemble de la manière la plus évidente qui soit. Pas de réelle structure, sinon celle que la musique semble adopter d'elle-même. Pas de propos. Pas d'évocation. On peut parler de frottements, de nappes calmes ou dissonantes, de grincements, sans savoir au juste ce qui les produit. Dans l'esprit, ça n'est pas vraiment de l'ambient (pas d'émotions, pas de couleurs, pas de paysages), ni du drone (pas assez monotone ni assez minimaliste), ni de la noise music (pas d'agressivité ni de sentiment de nihilisme). Au final, ce n'est vraiment que du son pour le son. Si ces pistes étaient des tableaux, ce serait des monochromes, pas tout à fait monochromes mais qu'on ne regarde que pour leur couleur. Et dans le genre, c'est irréprochable.

(Le label Ground Fault a décidé de classer ses disques en trois « séries » : la série I pour les musiques calmes, ambient, phonographie, musiques électroacoustiques etc ; la série II pour les drones, collages, improvisations… qui s'écoutent à volume normal ; et la série III pour tout ce qui est bruyant : noise, power electronics et autres. Un classement pas forcément moins pertinent que le classement par genres, tant il est vrai que les frontières entre tous ces genres sont poreuses. Malgré son final bruitiste, Stop Listening se retrouve dans la série I. J'aurais sans doute dit II. Mais je ne pense pas que ça importe beaucoup.)



Head Slash Bauch d'AGF est un très bon album expérimental de 23 pistes courtes. Du glitch qui n'a aucun rapport avec la techno et qui est assez peu minimaliste, un assemblage de pistes courtes et variées, où les textures sont à l'honneur mais où les voix et mélodies sont aussi courantes. L'artiste chante-récite-chuchote des textes en allemand et en anglais, notamment un poème composé de code informatique dans les premières pistes. C'est un album qui surprend constamment, qui semble conçu pour stimuler le cerveau à chaque nouvelle piste. Vingt-trois installations contemporaines abstraites dans un musée.

Head Slash Bauch est malheureusement épuisé et je ne sais pas pourquoi AGF ne veut pas le rééditer, c'est le meilleur album que j'ai entendu d'elle pour le moment !



L'album précédent de Pjusk était un peu décevant (de l'arctic ambient correct mais trop conventionnel), mais là, les Norvégiens se rattrapent en beauté. Un disque plus riche, plus ouvert, qui donne l'impression de se perdre dans des espaces embrumés, glacés et irisés… Là où Sval (pas leur disque précédent mais celui d'avant, qui m'avait fait découvrir le groupe) avait un côté solitaire et minimaliste, Drowning in the Sky donne une impression de liberté et de contemplation, comme si on planait dans les nuages au-dessus d'un glacier majestueux. (Glacier genre Antarctique, hein, pas genre cornet chocolat-menthe.)

C'est un album collaboratif avec Sleep Orchestra, un musicien anglais que je ne connais pas encore bien mais l'association semble leur réussir. Et c'est édité chez Dronarivm, un label moscovite.

jeudi 11 septembre 2014

Si (1)


Si je pouvais colorier le ciel, je le rendrais violet. Mais juste pendant trois ou quatre heures au coucher du soleil, un seul jour pendant l'année, sinon on s'en lasserait. Ce serait une nouvelle fête : le jour du violet ! On célébrerait ça en s'habillant en violet et en priant aux esprits du violet. J'aime bien le violet.

Si je pouvais communiquer avec des extraterrestres, je ne pense pas que je le ferais. Je préférerais les laisser tranquilles. S'ils me remarquaient, je leur dirais par politesse « Bonne journée ! Excusez-nous, c'est vraiment le bordel ici. Ne regardez pas notre planète de trop près s'il vous plaît. »

Si je pouvais, je rallongerais la durée de chaque jour de deux heures. Mais seulement à condition que ces heures soient utilisées pour dormir et se reposer.

Si j'étais un robot, ça m'embêterait un peu de ne pas pouvoir prouver que j'ai une conscience. Je ne sais pas si les gens m'accorderaient le bénéfice du doute ou pas.

Si une tasse de café apparaissait par magie devant moi, je ne saurais pas quoi en faire vu que je n'aime pas le café. Je pense que je devrais aller la proposer à quelqu'un d'autre. D'un autre côté, la provenance magique inconnue de ce café ne m'inspirerait pas confiance. En fait, l'apparition par magie d'une tasse de café ou de quoi que ce soit d'autre serait terriblement angoissante : cela signifierait que des choses peuvent arriver sans aucune cause apparente ni explication. Ça pourrait finir par ressembler à une fin du monde possible, au règne du chaos total. Peut-être que ça m'angoisserait tellement que je me convaincrais moi-même que « j'ai dû rêver » pour ne pas perdre la tête. Et que je viderais la tasse de café dans l'évier. Foutu café magique maudit.

Si j'étais riche, que j'avais du talent et que je n'avais pas peur des gens, j'installerais une boutique-atelier d'objets inutiles et artistiques. J'y ferais, j'y exposerais et j'y vendrais des objets inutiles et artistiques — ceux que j'aurais fait et ceux d'autres personnes aussi. Et puis, au bout d'un moment, ça m'ennuierait alors j'arrêterais et je ferais autre chose. Par exemple, une balade en forêt. Puis je ramènerais un peu de forêt dans la boutique, et la boutique deviendrait une forêt miniature de la taille d'une boutique.

Si j'avais un peu plus de motivation et que je n'avais pas l'œil et les doigts aussi gourds, je redessinerais tous les dessins foireux que j'ai faits jusqu'à présent. Peut-être que je le ferai, d'ailleurs. Mais je sens que quelques années après, j'aurai de nouveau le même sentiment et que je devrai re-recommencer. Si je m'améliore effectivement à chaque fois, ça sera une bonne chose ! Mais une bonne chose frustrante.

Si je devais choisir le prochain gouvernement, je ne sais absolument pas qui je choisirais. Je crois que j'aurais envie de ne pas nommer des hommes politiques du tout.

Si j'étais fantôme, je voyagerais à bord d'un grand bateau fantôme avec tout le confort moderne et je passerais mon temps à lire et à dessiner plutôt que de diriger le bateau. Alors le bateau irait un peu n'importe où, il voguerait au hasard et au gré du vent. Il faudrait peut-être quelqu'un ou quelque chose pour éviter qu'il ne s'échoue. Ou alors je lâcherais l'ancre pour être tranquille, près d'une île inhabitée.

lundi 8 septembre 2014



Une belle animation surréaliste par Akino Kondoh. C'est une version courte, mais je n'ai pas trouvé la version longue sur internet.

vendredi 5 septembre 2014

test de jeu vidéo n° 39 : Fez


Noswaith dda, gyfeillion! Aujourd'hui, je vais vous parler de Fez, un jeu que j'ai adoré. Bon, vous le connaissez certainement déjà, et plein de bonnes critiques ont déjà été écrites à son sujet, mais tant pis, j'en parle quand même.

Fez ressemble à première vue à un petit jeu de plate-formes rétro en 2D. En réalité, il s'agit plutôt d'un jeu d'exploration et d'énigmes en 3D. Vous incarnez Gomez, un petit bonhomme adorable, candide et guilleret qui vit dans un petit village tout en hauteur… Un jour, un vieux bonhomme appelle Gomez en haut du village et là — !!! — de la lumière apparaît ! un énorme cube jaune vous communique des formes bizarres ! des effets spéciaux arrivent et POUF ! Magie ! It’s Gomez time! Vous avez un chapeau et l'univers vous apparaît soudain dans toute sa majestueuse tridimensionnalité ! Il est temps de partir à l'aventure !

L'univers de Fez est beau et varié, coloré sans être naïf ; il est divisé en plusieurs mondes avec chacun leur ambiance, il y a un cycle jour/nuit, et tout est accessible dès le départ — il n'y a aucune linéarité, vous êtes libre d'aller là où vous voulez. La bande son est très réussie (signée Disasterpeace, un nom connu dans le milieu), le pixel art est irréprochable, Fez a son style propre malgré son style 16-bit est il est tout simplement agréable de se balader de tableau en tableau en cherchant de nouvelles choses. Fez est également un jeu non violent, et les phases de plate-formes sont rarement difficiles. Vous n'avez d'ailleurs aucune pénalité si vous mourez, parce que là n'est pas l'important.

L'intérêt principal de ce jeu, c'est de découvrir puis de comprendre le monde qui vous entoure. Fez fonctionne sur plusieurs niveaux : vous pouvez accéder à la première fin en vous contentant de vous balader partout et de résoudre des énigmes simples à base de blocs et de rotations de perspective… mais vous rateriez ce qui rend le jeu vraiment intéressant. Lors de votre périple, vous tomberez sur des gravures, des inscriptions, des personnages inattendus : ne croyez pas qu'il s'agisse uniquement de décoration ! Fez a l'air d'un petit jeu indépendant sans prétention, mais il est en réalité très riche, par certains côtés plus proche de Myst que de Super Mario Bros. Si Dot, la créature colorée qui vous accompagne lors de votre aventure, vous explique les bases, c'est vous qui découvrez l'histoire et les secrets potentiels de la civilisation qui vous entoure — pas par le biais de cinématiques ou de conversations passives, mais en prenant des notes et en vous creusant la tête. Pour un petit jeu mignon divisé en tableaux très courts avec des graphismes 16-bit, c'est une sacrée bonne surprise.

Et la difficulté du jeu est… multiple. Si un enfant pourra prendre plaisir à collecter tous les cubes jaunes de l'univers pour voir la première fin, il existe autant d'autres secrets, nettement plus difficiles à trouver… Pour accéder à la seconde fin du jeu et avoir tous les trophées, il vous faudra une bonne dose de réflexion. Et si vous voulez tout trouver, mais absolument tout… vous avez l'équivalent de la production française annuelle de pain et de viennoiseries sur votre planche. En fait, d'après le créateur du jeu, il reste encore des secrets que personne n'a trouvé ! (Rassurez-vous, ces trucs vraiment hyper-tordus ne vous apporteront rien de concret dans le jeu… A priori.) — Malgré le côté ardu de certaines énigmes, Fez n'est pas si frustrant que cela : j'ai passé pas mal de temps à bloquer dans certains tableaux, mais au final, mes sessions de jeu (d'une à deux heures) ont rarement été vaines.

howlongtobeat.com prétend que Fez a une durée de vie de cinq heures, mais pour le coup, je n'y crois pas. Accéder à la première fin vous prendra peu de temps ; accéder à la seconde sans soluce vous prendra un temps… proportionnel à votre capacité à résoudre les énigmes. (J'ai oublié le temps qu'il m'a fallu. Une trentaine d'heures, peut-être un peu plus ?)

… Alors, ça vous tente ? Vous avez envie de vous lancer ?

Alors voici quelques conseils et remarques qui vous seront utiles :

  • Un pote m'a recommandé de tenir un carnet de jeu et d'y noter tous les trucs bizarres que l'on voit. C'est un excellent conseil : le carnet s'avère même indispensable. Attendez-vous à passer une partie du jeu console ou PC éteint(e), sur papier, à essayer de comprendre les trucs notés en question !
  • Soyez vraiment attentif aux détails… Il est très facile de passer à côté d'un ou deux éléments très importants qu'on pourrait prendre pour du simple décor, et de rester bloqué pendant des heures après.
  • Sachez qu'on ne peut pas tout trouver lors de la première partie ! Pas la peine donc de vous énerver si vous êtes complètement bloqué et que vous n'avez pas encore vu la première fin. Le « New Game + » est en réalité la suite directe de votre première partie, et vous gardez tous les items que vous aviez déjà trouvés.

Enfin, il y a tout de même deux choses que je reproche à Fez, et qu'il vaut mieux savoir également avant de s'y lancer :

  • Le jeu prétend être traduit en français. N'en croyez rien. Je ne peux pas en dire plus sans trop en révéler, mais si vous n'êtes ni geek ni anglophone, vos chances de résoudre le jeu intégralement sans aide sont à peu près nulles…
  • Par moments, vous tomberez sur des QR Codes (ce qui m'a fait pester au début vu que je n'ai pas de smartphone). Ignorez-les ! Si vous les scannez, vous tomberez sur des combinaisons de touches qui vous tueront une énigme à chaque fois. Le jeu étant basé sur des énigmes, mieux vaut s'y frotter pour de vrai, non ?

Voilà, voilà.

Si vous voulez tout savoir, j'ai eu besoin de la soluce quelques fois, mais pas autant que je le craignais. Il existe un bon guide en PDF qui vous donnera des indices plutôt que de vous balancer les solutions à chaque fois ; vous pouvez le télécharger ici. Mais je vous conseille d'éviter de le consulter avant d'en avoir besoin !

Personnellement, depuis que je l'ai découvert, Fez fait partie de mes jeux préférés. J'espère que ça vous aura donné envie d'y jouer !

(Et ça me rend triste de savoir que Fez II a été annulé.)