mercredi 27 novembre 2019

♪ 87 : Les sept petites lumières de la tour de l'orient

D'habitude, les disques très languissants m'ennuient un peu, mais Somi fait ça carrément bien sur Petite Afrique, album de jazz vocal et de soul avec des accents de musiques africaines traditionnelles. Elle y raconte sa vie à Harlem, observe l'évolution du quartier, évoque des sujets concrets comme la gentrification ou la période du ramadan dans la communauté, laisse entendre les conversations dans les rues, les taxis, ou se remémore ses amours passées sur un ton mi-rêveur mi-mélancolique… Les mélodies sont douces et prenantes, la voix de l'artiste est vraiment belle.





Sur 日本の音楽, Hoshina Anniversary prend des éléments de gagaku et en fait des compositions électro-acoustiques étranges, souvent sans mélodie ou à moitié dissonantes, prenantes par leurs rythmes mais déstabilisantes par leur atmosphère. Selon l'humeur, elles peuvent même paraître menaçantes. Un disque qui me rappelle un petit peu le fameux Plux Quba de Nuno Canavarro (et 鯰上 de Sugai Ken, du coup), mais sans candeur, avec des rythmes bien plus présents et un ton plus grave, un peu influencé par certaines musiques électroniques contemporaines glitchées.

L'artiste a aussi fait de la dance music avant ça, acid techno ou electro house (bien éloigné de ce qu'on entend sur 日本の音楽 mais “Zangai”, sortie sur EP, fait la synthèse entre les deux). Il a aussi réalisé le thème pour l'anime Panty & Stocking with Garterbelt, ce que je n'aurais jamais deviné !




Ça fait depuis le début des années 90 que Sōichi Terada et Shinichiro Yokota font de la house qui donne le sourire. Pas très loin de la garage house, avec des sons synthétiques un peu rétro qui font penser aux jeux vidéo de la décennie*, quelques influences hip hop ou rock, une reprise d'Earth Wind & Fire… tout ça est sorti sur EPs vinyle comme il se doit, mais on retrouve aussi ces pistes sur deux compiles au nom du label, Far East Recording, sorties en 1992 et 1993. Il y a du bon sur les deux mais je préfère la première ! Écoutez au moins “Got to Be Real”, “Do It Again” ou “Sun Showered”, ça vous embellira votre journée.

* D'ailleurs Sōichi Terada a composé les bandes son des jeux Ape Escape, je n'y ai jamais joué mais ça me donne envie de tenter. Même si je préfère nettement jouer un singe qu'un garçon qui attrape des singes.




L'EP de musique électronique du mois : Clocktower d'Unknown Mobile, trois pistes pas facilement classables (éléments de deep house, de techno, d'ambient techno… voire de quelque chose comme du breakbeat mais là je m'avance sans doute) dont les rythmes techno, les nappes rêveuses, la progression et certains sons typés 1990s me rappellent une version instrumentale d'Underworld. Avec plein d'influences plus contemporaines en plus ! Deux pistes rythmées et une très calme, du tout bon.






J'avais déjà eu envie de vous parler de l'album éponyme de Black to Comm, mais comme il était difficile à décrire je n'avais fait que noter le nom dans ma grande liste bordélique. Seven Horses for Seven Kings, c'est plus facile : si vous ne l'avez pas déjà compris à la vue de la pochette, le cœur dissonant de trompettes aux allures de mouches géantes qui vous accueille dès les premières secondes vous ôtera tout doute sur là où l'artiste vous emmène — bienvenue en Enfer !

Musique électroacoustique théâtrale, très travaillée, où l'on entend aussi des percussions comme une marche de squelettes effrénée ou un piano lugubre à souhait, des chœurs ou encore un saxophone entre jazz et détresse (et pas question de se poser dans une noirceur confortable à la Bohren & Der Club of Gore — trop de tension pour cela). Quelques drones psychédéliques, de la guitare électrique et une éclaircie inattendue (le power ambient d'“Angel Investor”). L'horreur sur cet album a quelque chose de merveilleux.

(Et sinon, son album éponyme n'a pas cette noirceur infernale mais est très bon aussi, dans un registre expérimental, étrange et psychédélique.)




Récemment, j'ai lu Body and Soul de Frank Conroy, l'histoire d'un jeune pianiste prodige dans le New York des années 1940 ; lire ça en silence me paraissait dommage et je suis rarement d'humeur pour du classique, du coup j'ai mis Night Lights de Gerry Mulligan et c'était super. Un disque de cool jazz aux mélodies douces et à l'ambiance évocatrice : ces grandes villes américaines des décennies passées, les lumières nocturnes, l'avenir qui se dessinait, les belles promesses… à quelle point étaient-elles vraies, je ne sais pas trop. Mais ça reste un décor qui a du charme. Et puis j'aime beaucoup ce coup classique de la reprise de la piste-titre dans deux versions qui se répondent, avec un instrument en plus dans la version de 1965, comme si de nouvelles lumières venaient d'y être installées.

J'ai continué la lecture avec d'autres disques de jazz, c'était l'occasion : Eastern Sounds de Yusef Lateef et Mingus Ah Um de Charles Mingus m'ont beaucoup plu aussi (alors que j'avais toujours eu un peu de mal avec The Black Saint and the Sinner Lady), il y a d'autres classiques genre Brilliant Corners de Thelonious Monk qui me laissent encore de marbre mais j'y reviendrai.

La première partie du roman, où tout est découverte, est la plus réussie — les deux suivantes sont bonnes aussi mais un peu moins, le cadre reste le même et Convoy a du mal à développer son personnage principal de manière convaincante. Encore que, à la fin, j'ai écouté des disques plus sombres, Night Lights n'aurait plus collé.