dimanche 28 février 2016

♪ 42 : Les Anciennes Vibrations Métamorphiques de la Noire Lumière d'Avril

Something About April d'Adrian Younge et Venice Dawn ressemble à s'y méprendre à une bande originale de film, et ce n'est pas par hasard. L'artiste, qui a réalisé entre autres la bande son de Black Dynamite (une parodie de film blaxploitation), s'est inspiré de classiques soul comme Isaac Hayes et Curtis Mayfield mais aussi d'Ennio Morricone et de King Crimson*, avec pour idée d'enregistrer une musique que le Wu-Tang Clan aurait envie de sampler.

* Enfin, l'influence King Crimson, je ne l'entends pas trop personnellement.

L'album, sorti en 2011, donne l'impression d'être sorti des décennies plus tôt ; le charme rétro agit parfaitement. Des pistes instrumentales d'ambiance et des chansons envoûtantes. Il y a deux volumes pour le moment, je vous conseille de commencer par le premier mais si ça vous plaît, vous pouvez prendre le second sans crainte ! Les deux sont courts (bien sûr que ça a la longueur d'un vinyle) et les deux sont bons.



Luys i Luso est un recueil de musique sacrée arménienne, des compositions qui datent du Ve au XXe siècle, interprétées par le pianiste Tigran Hamasyan et une chorale d'Erevan.

C'est lent, mélancolique, très beau, inhabituel. Sans doute la première fois que j'écoute de la musique arménienne, il y a des harmonies et des styles qui me paraissent familiers, d'autres qui m'étonnent. Et quelques ressemblances complètement inattendues.

Parce qu'on retrouve des aspects de la musique sacrée qu'on connaît aussi chez nous, dans ces a capella, dans cette mélancolie extatique, mais le début de “Nor Tsaghik” par exemple me rappelle le “Jynweythek Ylow” d'Aphex Twin (!) en plus long, plus lent et avec du chant. C'est superbe (mon moment préféré sur l'album)… puis ça se met à ressembler progressivement à du Steve Reich (! bis). Mais autant j'aime beaucoup Steve Reich, autant là, quand une chanteuse se met à lancer des “toup ! toulou-toup ! toulou-toup ! toulou-toup!” un peu stridents, l'atmosphère de la piste se casse un peu.

Il y a aussi quelques passages sirupeux qui rendent Luys i Luso trop long et un peu inégal. Il n'empêche que, sur les soixante-quinze minutes que fait l'album, il y a beaucoup de beaux, de très beaux moments, que c'est une musique réellement intéressante et que le tout vaut largement l'écoute.



Dead Roots Stirring d'Elder est un super bon album de stoner. Ça ne révolutionne pas le genre, on sent toujours la parenté de Black Sabbath et de ceux qui ont suivi, mais c'est heavy, c'est psychédélique, c'est chaud, bien produit, ça s'écoute fort et ça mord assez pour ressembler à du metal parfois mais sans les voix ridicules. On est en terrain connu mais maîtrisé de bout en bout. Du coup y'a pas grand chose à dire. Sinon que c'est du solide.

Après avoir écouté ça, j'en veux davantage, je prends l'album suivant et… si j'y retrouve ce qui m'avait déjà plu dans Dead Roots Stirring, l'approche a indéniablement changé. Les riffs qui tuent et le son heavy sont toujours là, mais il y a en même temps ce côté expérimental, ces solos qui s'enchaînent, ces mélodies inattendues et ces passages atmosphériques, bref, une sacrée dose de prog là-dedans. Des compositions prog avec du son stoner. Un auditeur sur RYM entend même du post-hardcore dans Lore, ce qui me paraît exagéré, mais peu importe, j'aime ce disque.

Son plus gros défaut, c'est de se terminer abruptement avec un foutu fade out.



Oranssi Pazuzu est un groupe finlandais qui joue du rock psychédélique mêlé de black metal. Idée simple mais géniale. C'est progressif, planant, trippant, mais avec ce qu'il faut de noirceur sale, de distortion, de dissonance et de laideur rauque dans la voix pour donner à ce voyage de l'autre côté des miroirs de l'espace des aspects cauchemardesques. On se croirait un peu dans un paysage de Druillet.

En plus, Värähtelijä ne se répète pas. Il y a des percussions inattendues, des passages plus dépouillés ou atmosphériques, des déflagrations intenses avec des violons qui hurlent à la mort — plusieurs côtés quasi-post-rock, en fait —, des dissonances bizarres… les sept pistes sont autant d'approches différentes.

À la première écoute, j'ai trouvé ça intéressant et plus écoutable que ce à quoi je m'attendais.
Dès la deuxième, j'ai trouvé ça excellent.



Black Mahogani de Moodymann est un des disques les plus cool de ma discothèque. Facile. Ça exsude le cool par tous les pores, on dirait que l'atmosphère s'embrume rien qu'à l'écouter, et faut vraiment le vouloir pour ne pas bouger en l'écoutant. Ce n'est qu'un enchaînement de grooves, de house faite à partir de soul, des lignes de basses dansantes, du chant doux comme du velours, du jazz sur une piste ou deux… et quelques samples histoire de donner un peu de poids à tout ça (Is It Because I'm Black? de Syl Johnson, des samples de films ayant rapport au trafic de drogue à Chicago dans la communauté noire, etc), avant de revenir à la piste de danse. Comme d'habitude avec Moodymann, c'est très répétitif aussi, et ça marche parfaitement comme ça — pour peu qu'on ne soit pas allergique au genre. Allez, un de mes dix albums de house préférés, je crois.



Recommendation techno du mois : Shapeshifter d'Aurora Halal. Des mélodies cool, des beats entraînants, de la tension, un peu sombre sans l'être trop, 35 minutes pour cinq pistes toutes réussies plus un remix qui ne dépareille pas l'ensemble — rien à redire, mademoiselle, c'est un sans faute !

(Et pour rigoler un peu, si vous cherchez “Aurora Halal” sur Youtube, la première piste est un truc plus vieux — et moins réussi — où elle a samplé le jingle de la SNCF, du coup les seuls commentaires viennent de Français qui râlent. Évidemment, ça casse l'ambiance. Écoutez Shapeshifter plutôt, hein.)