vendredi 20 septembre 2019

♪ 85 : Passages tremblants et contrastes sonores

Four Pictures ~四つの弔歌~ de Trembling Strain est un album très élusif, qui passe de froideurs dissonantes à des beautés mélancoliques avec légèreté. Du folk expérimental dont les percussions, les chants, les mélodies sont comme des îlots qui émergent d'une brume changeante.

Ce n'est pas un disque facile ; aux premières écoutes, j'aurais été complètement incapable de résumer ça tant tous les éléments sont fugaces, des « ôôôôô » gutturaux japonais à la flûte, la harpe, de la guimbarde aux guitares électriques dissonantes, avec des enregistrements de feu ou de pluie… et c'est cette éphémérité qui est au cœur du disque au final. Même la splendide piste centrale, “嘆きの川辺”, ne peut sembler être qu'un élément parmi d'autres. Une belle écoute automnale.

(Cerise sur le gâteau : l'album a une structure palindromique.)




Plus direct, mais toujours dans le folk : Знаєш як? Розкажи de Світлана Охріменко и Олександр Юрченко, joli et intrigant, avec une belle voix, un style un peu lo-fi qui garde une certaine ambiguité avec de légères dissonances et des boucles électroniques primitives en plus des instruments acoustiques. Par exemple une sorte de piano-jouet pour la mélodie et un grattement métallique en texture de fond. Ça semble un peu mystérieux, peut-être parce que je ne parle pas un mot d'ukrainien. Une impression de greniers et de petit soleil lumineux de la saison froide.





Si vous aimez la drum and bass, je vous conseille carrément le Fabriclive 25 de High Contrast. C'est classique mais ça met une pêche incroyable, et il y a plein d'enchaînements géniaux là-dedans — l'enchaînement de “Life Rhythm” à “Flashback” par exemple (encore plus pour moi vu que “Flashback” m'a été passée par un pote à l'époque et me rappelle de bons souvenirs sur internet, mais même, il m'en avait passé d'autres aussi et celle-là a toujours été un coup de cœur), ou le final paixitronné à fond (« quand y'en a plus y'en a encore »), ici ça marche carrément.

Bon, je dis ça, ce sont des plaisirs faciles et ça ne plaira qu'à qui aime vraiment le genre. Mais si c'est votre cas, franchement, ne vous privez pas.





Ma recommandation pop du mois, c'est Rito de Passá de MC Tha. Je ne connais rien au genre, “funk melody”, mais d'après Wikipédia il s'agit d'un grand melting pot populaire qui emprunte du candomblé afro-brésilien à plusieurs styles de hip hop dont le Miami bass, à l'electro, des musiques latines traditionnelles et plein d'autres (mais pas de funk, ce serait trop facile). Que ça se danse, que ça s'écoutait à l'origine dans les favelas et que c'était dénigré ailleurs, ce qui serait en train de changer. Je ne sais pas du tout si ce disque est représentatif du genre, je peux juste vous dire qu'il est nettement plus chanté que rappé malgré le nom de l'artiste ; que l'influence hip hop s'entend dans certains sons et le style de production mais reste en arrière-plan des éléments plus traditionnels, et que les compositions sont clairement plus des chansons que des pistes de dance music (cf. “art pop” en genre secondaire sur RYM). C'est un album court, direct, très chouette.




Les compositions pour musique de Laurence Crane tiennent souvent du minimalisme à la Morton Feldman, tout en étant plus chaudes, avec des notes plus longues et moins isolées, mais en gardant cette certaine ambiguité dans l'humeur et ce degré d'imprévisibilité.

Sur Chamber Works 1992-2009 (interprétations d'Apartment House chez Another Timbre, comme Drifter de Linda Catlin Smith, que j'avais aimé en 2018), on reste dans ce registre doux-ambigu tout le long mais avec des pièces plus évidentes que d'autres. Je préfère piocher dedans à petite dose que me passer le tout, les 138 minutes en entier, c'est trop… et quelques-unes ne me parlent pas, “Ethiopian Distance Runners” par exemple, je ne sais pas si elles sont plus complexes ou simplement moins réussies.

Je préfère Sound of Horse, interprétations d'asamisimasa qui ont plus de contrastes et fonctionnent mieux en tant qu'album, avec du chant sur la série “Events”, la suite-titre qui présente un large éventail de styles (et est dédicacée à Mick Ronson, guitariste qui a joué pour David Bowie) ou encore une piste très courte mais évocatrice qui se résume à une courte boucle (“Old Life Was Rubbish”). C'est plus facile mais tout est harmonieux, il y a plus de surprises, j'aime beaucoup ce disque !

Les deux n'ont que deux pistes en commun (“John White in Berlin” et la quasi-ambient “Riis”), mais elles sont parmi mes préférées. Et je ne saurais pas trop vous dire qui les interprète le mieux.