vendredi 23 novembre 2018

♪ 75 : Onze enfants-bruits de l'envers lointain

C'est rare que ce soit une voix qui me fasse aimer un disque, mais j'ai eu un coup de cœur immédiat en écoutant “Mother Maybe” de Kadhja Bonet. Une chanson de soul psychédélique qui semble venir des années 60, directe, éblouissante. C'est la piste la plus classiquement soul de Childqueen, les autres penchent un peu plus vers la pop (là aussi dans un style années 60), avec des grooves plus légers ou ralentis presque jusqu'au délitement comme sur “Delphine”, une écriture toute en élégance et en concision. “Thoughts Around Tea” par exemple : à peine plus de deux minutes, cette mélodie, ces chœurs avec elle-même, ce xylophone, c'est parfait.



Vous aimez les arpèges ? Das Buch der Klänge (« Le livre des sons ») de Hans Otte est une très belle composition minimaliste en douze mouvements, avec des arpèges au piano qui se répètent au point que les mélodies prennent des airs de motifs, de textures. Chaque partie reprend cette idée mais les mouvements peuvent être très différents, entre la fluidité absolue du deuxième, la froideur du sixième qui met en avant le silence, les marteaux et les cordes… Mes préférés sont en général ceux qui sont un peu ambigus, instables, comme le septième (superbe). Dommage seulement que le dernier mouvement finisse par une note trop sucrée (et arrêter au onzième, excellent, ne fonctionne pas si bien que cela non plus, on sent qu'il manque une conclusion).



Je ne sais pas si les « onze questions » que posent Markus Reuter et Robert Rich le long de leurs treize pistes appellent une réponse, si même ce qu'elles sont, mais elles piquent la curiosité. Treize pistes instrumentales qui touchent à l'ambient mais en plus riche, avec trop de mélodies, rythmes, voix… pour que cela reste une musique d'arrière-plan. Chaudes et mystérieuses, principalement acoustiques, très détaillées avec beaucoup d'instruments et de sources sonores ; beaucoup de jeux entre apaisements et tensions aussi, et une atmosphère toujours changeante qui captive sans que l'on puisse la cerner.




L'univers de Carlton Heston(ne) est en noir et blanc, granuleux, étrange. Il a un site web à l'ancienne avec des jeux, des dessins et de la musique, et aujourd'hui je peux vous recommander Screamers, The, sorti pour Halloween (et qui s'accompagne d'un mini-jeu en Flash). C'est un EP de collages imprévisibles, entraînants et déroutants, qui sentent autant le vieux grenier plein de squelettes qui jouent de la guitare sèche et d'araignées que la piste de danse psychédélique, avec une dose de saturation noire par moments. Du WTF du début à la fin et un son original, j'aime beaucoup ! Vous pouvez écouter et télécharger ça ici, c'est gratuit (attention, la lecture démarre automatiquement).



La musique de Vinyl Speed Adjust semble plus circulaire que linéaire. Certes, c'est de la tech house ou de la house minimale, répétitive par nature, mais ici les progressions (il y en a) semblent vouloir se faire oublier, tout tourne autour des boucles, des boucles super accrocheuses dont on a envie qu'elles ne s'arrêtent jamais. Deux pistes sur les trois n'ont d'aileurs pas de vraies fins, elles s'arrêtent si abruptement que ça en paraît arbitraire. C'est sans doute que cette musique est faite pour être mixée ; en attendant, leur Retro EP est déjà très recommandable tel quel.





Si vous avez envie d'un beau disque qui fait du bien, je vous conseille vivement 遠い音楽 (« musique lointaine ») de Zabadak. C'est de la pop japonaise de 1990 avec des inspirations un peu celtiques, un peu new age sans que ça fasse genre ; c'est beau, c'est touchant, candide sans être kitsch, souverain pour les moments où on a besoin de réconfort, quand tout paraît chaotique, désespérant ou de mauvais goût et qu'on a envie de s'éloigner de tout ça. Le groupe tire son nom d'une chanson de 1967 (qui me convainc moins). Et un astéroïde a été nommé d'après le groupe.

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