Tulipe : une BD colorée, faussement simple et philosophique avec Tulipe l'ours, Crocus le serpent, Violette l'oiseau, le caillou, etc. J'aime beaucoup. Il est sorti en livre il y a peu ! * Philosophy Experiments : des expériences de pensée interactives en ligne. Vous connaissez celle du tramway ? Il y en a plein d'autres ! * http://www.xibalba.demon.co.uk/jbr : Un très bon site perso (à l'ancienne, comme on n'en fait plus) avec des pages très intéressantes sur la linguistique et la science-fiction. * Les Boloss des Belles Lettres : De grands romans résumés en argot contemporain. * Zen Pencils : des citations qui font du bien mises en BD. * http://draves.org/pix/kdn/ : De très belles illustrations de biologie marine d'Ernst Haeckel, colorées en PNG. * MuchPolitik fait les dessins politiques les plus géniuls que j'ai jamais vus. SES MIROBOLAN ! * Veritasium : Une chaîne de vulgarisation scientifique sur Youtube que j'aime bien. * Crash Course Philosophy : Quarante vidéos de vulgarisation philosophique avec Hank Green (un des mecs que l'on voit tout le temps sur Youtube, j'aime ce qu'il fait). Il y a d'autres Crash Courses sur d'autres sujets aussi ! * Nine Planets Without Intelligent Life : Un excellent webcomic qui raconte, après l'extinction de l'humanité, le voyage de deux robots dans le système solaire. Minimaliste, intelligent, marquant. * The Voyeur's Motel : Un article sur un voyeur qui a acheté un motel pour y espionner les clients… et ne s'est jamais fait prendre. Il en a vu, des choses, pendant des années. L'article est long mais très prenant, il est adapté d'un livre. * Baker's Dozen : Une BD que j'ai beaucoup aimée où il est question de sorcellerie dans un village imaginaire d'Asie du Sud, par Aatmaja Pandya (dont les autres BD sont très bien aussi). * Dumbing of Age : Un webcomic quotidien qui se passe dans une université aux États-Unis ; la vie avec Joyce la religieuse fondamentaliste, Amber la nerd, Sarah la misanthrope, Walky le glandeur cool, Joe le mec ultra-mec qui ne cherche qu'à se taper les filles… c'est super prenant, les personnages sont très sympathiques — et c'est intéressant aussi quand on sait que l'auteur a, comme Joyce, été éduqué à domicile dans un environnement ultra-religieux. L'histoire est la preuve qu'il en est revenu. Joyce qui découvre « le monde extérieur » (avec les athées, les dinosaures, les homosexuels…) est l'un des moteurs principaux de la BD. Pour autant, le ton reste léger et très agréable ! * Phoebe and Her Unicorn : Un webcomic très mignon et réussi où une petite fille typique découvre une licorne magique merveilleuse mais incroyablement narcissique et prétentieuse. * Également dans le genre mignon, les BD de Liz Climo sont mignonnes et drôles et ça fait du bien de voir de l'humour « innocent » comme ça, qui ne soit pas noir ou méchant ! * Si vous êtes de ma génération, vous connaissez sans doute, et XKCD y a fait référence une fois, mais au cas où : vous connaissez Zombo.com ? On peut absolument tout y faire. C'est génial. * Un autre lien vieux comme la pluie mais qui fait toujours partie de mes préférés d'internet (et qui risque de disparaître quand le format Flash ne sera plus supporté nulle part) : rgb.swf. Attention, il y a des lumières qui flashent à toute vitesse et de la musique !
vendredi 23 décembre 2016
mercredi 21 décembre 2016
♪ 52 : Thé Glacial et Projections Avancées dans le Vide Clonique
Le Projet (ou Bangkok Projekt) du collectif -∆t, fondé en 1978, consista à transporter un bloc de granite de cinq tonnes et demie d'Europe jusqu'en Asie. Ce qui prit deux ans aux trois membres, pendant lesquelles ils travaillèrent, se documentèrent, réalisèrent diverses performances et… et je suppose qu'ils concevirent ce disque à partir d'enregistrements pris en route, même si aucune des (trop rares) pages que j'ai consultées sur le groupe n'en fait mention ! Il y aurait bien les liner notes, mais elles sont scannées bien trop petit sur Discogs pour être lisibles, et le disque est épuisé. Tant pis.
En tout cas, on y entend des collages en général courts, avec un, deux ou trois enregistrements (de quels pays ? à vous de le deviner). De la musique, des chants religieux ou populaires, un gamin qui chante “Dallas” (le générique de la série ?) en tentant d'imiter les instruments à la bouche, des mecs qui répètent “bugo schligo bugo schligo bugo schligo” (allez savoir ce que ça signifie)… Plus qu'un carnet personnel ou qu'un documentaire, c'est une série de montages pleins d'esprit qu'on entend. Parfois, c'est beau. Parfois, c'est franchement drôle (sans que je puisse toujours expliquer pourquoi). Parfois, c'est étrange et frappant.
Ma piste préférée (pour n'en citer qu'une, il y en a vingt-six) est “Excuse Me”, qui superpose un chant religieux entonné par des fidèles dans un temple et un cours audio où une femme répète plein de phrases basiques similaires pour apprendre à s'excuser en anglais sur un ton monotone ; c'est tout simple mais l'effet est aussi fort qu'indescriptible.
Clonic Earth de Valerio Tricoli est une plongée dans un monde faussement aseptisé, aux couleurs étranges, rempli de monstres. Ça me rappelle un peu Nurse with Wound, mais sans le désordre et l'inspiration dadaïste ; on n'est plus dans un bric-à-brac de grenier où les jouets côtoient les aberrations lovecraftiennes, mais dans un laboratoire où étrangetés électro-acoustiques et horreurs samplées nous regardent dans les bocaux.
Je pense qu'il est tout aussi possible de trouver ce disque froid et purement expérimental que de le trouver absolument terrifiant. Et la pochette qui me fait penser à une pub pour du parfum ou autre produit de mode ou de beauté ajoute encore à l'étrangeté.
Sur मेम वेर्म [mema verma] de Giovanni Lami, on entend d'abord une shruti box manipulée sans être jouée. D'habitude, ces assemblages de matériaux que sont les instruments émettent des sons qu'on dirait immatériels, détachés de toute cause perceptible ; ici, c'est entièrement l'inverse, les claquements, frottements, pressions que l'on entend sont résolument concrets — et il est difficile de savoir à quel point ils sont accidentels ou pas.
Mais les enregistrements sont édités, transformés, et ça donne quelque chose d'aussi paradoxal que prenant ; une sorte de poésie de la matière, de l'illusion et de la manipulation.
Sur la deuxième piste, les harmoniques se font plus musicales et les sons commencent à m'évoquer un bateau : les rames, l'eau, la vapeur. Plus loin, un passage me fait penser à plein de crayons qui dessineraient en même temps. Et la shruti box est jouée sur la troisième et dernière piste, qui se rapproche plus de drone classique. En fait, tout le disque devient de plus en plus musical au sens classique du terme… tout en n'offrant quasiment aucune résistance au niveau des compositions ; l'exact opposé de ces musiques que l'on peut fredonner, chanter ou reprendre avec toute voix ou tout instrument. C'est un disque qui procure des sensations complexes et inhabituelles, je l'ai beaucoup écouté. Tout au plus peut-on lui reprocher d'être court.
Bonsoir, j'ai écouté And Then Nothing Turned Itself Inside-Out de Yo La Tengo et c'est un bon disque, mais vous n'auriez pas la même chose en plus dissonant, s'il vous plaît ? Plus de mystère, plus de suggestion et de pénombre, moins de chaleur, moins de lumière. Des silences aussi, pourquoi pas. J'aime l'ambiguité d'“Everyday”, moins la tendresse et le son pop de la plupart des chansons qui suivent.
Cette première piste me donne envie de chansons fantômes, qui glacent autant qu'elle séduisent. On est à une croisée des chemins en ce début de disque, une introduction qui colore tout le disque en bleu nuit et me fait espérer le meilleur ; mais le groupe part trop résolument dans l'autre direction, on voit de moins en moins la nuit, on se réchauffe, on se réchauffe encore et je commence à zapper des pistes. Pour me rendre compte que non, décidément, on ne reviendra pas de l'autre côté.
And Then Nothing Turned Itself Inside-Out est un bon disque, certes. Assez réussi pour que je puisse apprécier et même recommander cette pop indé résolument nocturne, qui ne décevra que peu de monde sans doute. Mais il me donne envie de chercher un autre disque apparenté, qui partirait dans l'autre sens.
Le disque pour danser du mois (je pense que je vais en rajouter un à chaque fois, sans commentaire parce que ce n'est pas vraiment une musique qui se décrit ou s'analyse) : Vol. 2 (Forward) de S3A.
Je ne sais rien du tout sur Audrey Chen, je n'avais jamais entendu parler d'elle — c'est la durée de ce disque (22 minutes), son packaging et son nom qui m'ont donné envie de l'écouter. Glacial : violoncelle, voix et sons électroniques. Si vous n'aimez pas les femmes qui s'égosillent ni les sons dépouillés atonaux, vous risquez de ne pas aimer ! Deux notes de violoncelle répétées forment une boucle rythmique on ne peut plus frugale, sur laquelle l'artiste joue, chante, hurle, se lamente, et fait entendre des grincements comme autant d'éboulis, de matières tendues sur le point d'éclater. Je ne dirais pas que cette musique est glaciale, ça ressemble plutôt la réaction de l'artiste dans un environnement qui le serait. Il y a un paradoxe dans cette musique, à la fois intense et très contenue.
Et puis je vous recommande vivement (même si je sais que ça fera fuir 99 % des gens) Tea Chairs, un triple album de trance psychédélique bizarroïde. Plus précisément, c'est du “Suomisaundi” (« son finlandais »), un type de trance qui se démarque par son caractère expérimental et volontiers humoristique qui part dans tous les sens. Et qui vient donc de Finlande, sauf ce disque-là, qui vient d'un peu à côté, en Australie.
C'est d'une originalité étonnante, sans production maximaliste ni longueurs, sans rien de primaire, avec plein de sons inattendus, des compos qui tiennent sérieusement la route… et surtout, avec un psychédélisme incroyable. Bienvenue dans l'univers des drogues hallucinogènes, on vous déroule le grand tapis arc-en-ciel ! Même si le disque dure trois heures, il est tellement barré que j'ai du mal à m'arrêter — quand ce ne sont pas les beats ou les mélodies qui m'accrochent, c'est l'inventivité de la musique. En général, ce sont les trois.
Non, je n'ai pas pu trouver la pochette en plus grand, et le disque semble épuisé partout, introuvable sauf en VBR sur Soulseek. [edit — Il est sorti sur Bandcamp !] Je me répète, mais il vaut le coup.
En tout cas, on y entend des collages en général courts, avec un, deux ou trois enregistrements (de quels pays ? à vous de le deviner). De la musique, des chants religieux ou populaires, un gamin qui chante “Dallas” (le générique de la série ?) en tentant d'imiter les instruments à la bouche, des mecs qui répètent “bugo schligo bugo schligo bugo schligo” (allez savoir ce que ça signifie)… Plus qu'un carnet personnel ou qu'un documentaire, c'est une série de montages pleins d'esprit qu'on entend. Parfois, c'est beau. Parfois, c'est franchement drôle (sans que je puisse toujours expliquer pourquoi). Parfois, c'est étrange et frappant.
Ma piste préférée (pour n'en citer qu'une, il y en a vingt-six) est “Excuse Me”, qui superpose un chant religieux entonné par des fidèles dans un temple et un cours audio où une femme répète plein de phrases basiques similaires pour apprendre à s'excuser en anglais sur un ton monotone ; c'est tout simple mais l'effet est aussi fort qu'indescriptible.
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Clonic Earth de Valerio Tricoli est une plongée dans un monde faussement aseptisé, aux couleurs étranges, rempli de monstres. Ça me rappelle un peu Nurse with Wound, mais sans le désordre et l'inspiration dadaïste ; on n'est plus dans un bric-à-brac de grenier où les jouets côtoient les aberrations lovecraftiennes, mais dans un laboratoire où étrangetés électro-acoustiques et horreurs samplées nous regardent dans les bocaux.
Je pense qu'il est tout aussi possible de trouver ce disque froid et purement expérimental que de le trouver absolument terrifiant. Et la pochette qui me fait penser à une pub pour du parfum ou autre produit de mode ou de beauté ajoute encore à l'étrangeté.
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Sur मेम वेर्म [mema verma] de Giovanni Lami, on entend d'abord une shruti box manipulée sans être jouée. D'habitude, ces assemblages de matériaux que sont les instruments émettent des sons qu'on dirait immatériels, détachés de toute cause perceptible ; ici, c'est entièrement l'inverse, les claquements, frottements, pressions que l'on entend sont résolument concrets — et il est difficile de savoir à quel point ils sont accidentels ou pas.
Mais les enregistrements sont édités, transformés, et ça donne quelque chose d'aussi paradoxal que prenant ; une sorte de poésie de la matière, de l'illusion et de la manipulation.
Sur la deuxième piste, les harmoniques se font plus musicales et les sons commencent à m'évoquer un bateau : les rames, l'eau, la vapeur. Plus loin, un passage me fait penser à plein de crayons qui dessineraient en même temps. Et la shruti box est jouée sur la troisième et dernière piste, qui se rapproche plus de drone classique. En fait, tout le disque devient de plus en plus musical au sens classique du terme… tout en n'offrant quasiment aucune résistance au niveau des compositions ; l'exact opposé de ces musiques que l'on peut fredonner, chanter ou reprendre avec toute voix ou tout instrument. C'est un disque qui procure des sensations complexes et inhabituelles, je l'ai beaucoup écouté. Tout au plus peut-on lui reprocher d'être court.
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Bonsoir, j'ai écouté And Then Nothing Turned Itself Inside-Out de Yo La Tengo et c'est un bon disque, mais vous n'auriez pas la même chose en plus dissonant, s'il vous plaît ? Plus de mystère, plus de suggestion et de pénombre, moins de chaleur, moins de lumière. Des silences aussi, pourquoi pas. J'aime l'ambiguité d'“Everyday”, moins la tendresse et le son pop de la plupart des chansons qui suivent.
Cette première piste me donne envie de chansons fantômes, qui glacent autant qu'elle séduisent. On est à une croisée des chemins en ce début de disque, une introduction qui colore tout le disque en bleu nuit et me fait espérer le meilleur ; mais le groupe part trop résolument dans l'autre direction, on voit de moins en moins la nuit, on se réchauffe, on se réchauffe encore et je commence à zapper des pistes. Pour me rendre compte que non, décidément, on ne reviendra pas de l'autre côté.
And Then Nothing Turned Itself Inside-Out est un bon disque, certes. Assez réussi pour que je puisse apprécier et même recommander cette pop indé résolument nocturne, qui ne décevra que peu de monde sans doute. Mais il me donne envie de chercher un autre disque apparenté, qui partirait dans l'autre sens.
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Le disque pour danser du mois (je pense que je vais en rajouter un à chaque fois, sans commentaire parce que ce n'est pas vraiment une musique qui se décrit ou s'analyse) : Vol. 2 (Forward) de S3A.
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Je ne sais rien du tout sur Audrey Chen, je n'avais jamais entendu parler d'elle — c'est la durée de ce disque (22 minutes), son packaging et son nom qui m'ont donné envie de l'écouter. Glacial : violoncelle, voix et sons électroniques. Si vous n'aimez pas les femmes qui s'égosillent ni les sons dépouillés atonaux, vous risquez de ne pas aimer ! Deux notes de violoncelle répétées forment une boucle rythmique on ne peut plus frugale, sur laquelle l'artiste joue, chante, hurle, se lamente, et fait entendre des grincements comme autant d'éboulis, de matières tendues sur le point d'éclater. Je ne dirais pas que cette musique est glaciale, ça ressemble plutôt la réaction de l'artiste dans un environnement qui le serait. Il y a un paradoxe dans cette musique, à la fois intense et très contenue.
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Et puis je vous recommande vivement (même si je sais que ça fera fuir 99 % des gens) Tea Chairs, un triple album de trance psychédélique bizarroïde. Plus précisément, c'est du “Suomisaundi” (« son finlandais »), un type de trance qui se démarque par son caractère expérimental et volontiers humoristique qui part dans tous les sens. Et qui vient donc de Finlande, sauf ce disque-là, qui vient d'un peu à côté, en Australie.
C'est d'une originalité étonnante, sans production maximaliste ni longueurs, sans rien de primaire, avec plein de sons inattendus, des compos qui tiennent sérieusement la route… et surtout, avec un psychédélisme incroyable. Bienvenue dans l'univers des drogues hallucinogènes, on vous déroule le grand tapis arc-en-ciel ! Même si le disque dure trois heures, il est tellement barré que j'ai du mal à m'arrêter — quand ce ne sont pas les beats ou les mélodies qui m'accrochent, c'est l'inventivité de la musique. En général, ce sont les trois.
lundi 28 novembre 2016
jeudi 24 novembre 2016
♪ 51 : Les Fleurs Martiennes Défuntes Secouent leurs Cordes Oculaires
Je n'aime toujours pas l'opéra classique, et je préfère largement la musique classique instrumentale à celle avec chant… mais je commence à me poser des questions quand, après avoir aimé The Death of Don Juan d'Élodie Lauten, j'ai un coup de cœur pour Mars: Requiem de Helga Pogatschar.
Les chants sur ce requiem (c'en est bien un) sont classiques, les textes aussi, mais l'instrumentation est industrielle. En partie atonale, avec des samples, des dissonances, des sons mécaniques, torturés, hostiles… Ce qui donne des clairs-obscurs saisissants (chant lumineux, textures sonores complexes et infernales). À un moment seulement, le chant se met à s'accorder avec cette dissonance de la langue musicale moderne, et ce moment suffit à donner une autre dimension à la composition ; sur d'autres passages, plus que des pistes, ce sont des mélodies, parfois sur une seule syllabe, qui me donnent des frissons.
Seuls les textes, religieux et en latin (à part la dernière piste en hébreu), ne me parlent en rien. Mais les sentiments d'inquiétude, d'espoir, de résistance, de tristesse sont exprimés de superbe manière.
Les chants sur ce requiem (c'en est bien un) sont classiques, les textes aussi, mais l'instrumentation est industrielle. En partie atonale, avec des samples, des dissonances, des sons mécaniques, torturés, hostiles… Ce qui donne des clairs-obscurs saisissants (chant lumineux, textures sonores complexes et infernales). À un moment seulement, le chant se met à s'accorder avec cette dissonance de la langue musicale moderne, et ce moment suffit à donner une autre dimension à la composition ; sur d'autres passages, plus que des pistes, ce sont des mélodies, parfois sur une seule syllabe, qui me donnent des frissons.
Seuls les textes, religieux et en latin (à part la dernière piste en hébreu), ne me parlent en rien. Mais les sentiments d'inquiétude, d'espoir, de résistance, de tristesse sont exprimés de superbe manière.
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Ça fait déjà pas mal d'années que j'aime Ogham Inside the Night de Sieben, un disque de folk sur un alphabet antique irlandais — un bel album dans un genre et surtout avec des évocations qui changent nettement de mes écoutes habituelles, calme mais souvent empreint de mystère et d'ambiguité.
Mais je ne m'attendais pas du tout à ce que l'album précédent, Sex & Wildflowers, soit si différent ! Est-ce encore du folk ? Parce que cette musique me paraît plus intense que n'importe quel disque de folk que j'ai pu écouter. Ou du moins intense d'une autre manière. Les boucles de violons sont encore là, la voix reste calme — et très belle, d'ailleurs ! —, mais si ce disque est en grande partie pastoral, il y a une tension dès le départ qui rend la musique d'autant plus belle et plus excitante… Maintenue jusqu'à ce que des distortions surviennent, des sons électriques, des pulsations, jusqu'à la tempête comme sur la géniale “Bleeding Heart” avec ses paroles simples rendues étranges par une énumération froide, précise, presque maniaque, et une musique qui aurait pu être mélancolique sans ces dissonances et cette énergie furieuse. Sex & Wildflowers est cru, violent même, ces légendes-là n'ont pas été adoucies ! Et c'est un sacré bon disque.
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Biosphere, à mes oreilles le maître de l'ambient, n'avait pas sorti de disque entièrement convaincant depuis plus de dix ans. Et pas qui arrive à la hauteur de sa réputation depuis Shenzhou, en 2002 ! Ce n'était pas faute d'essayer de nouveaux styles, mais plus ses essais ratés s'enchaînaient, plus je pensais qu'il avait définitivement perdu la main.
Departed Glories est une renaissance : en plus d'être très bon, l'album ne ressemble en rien à ses précédents. Le Norvégien est parti à Cracovie et s'y est inspiré de l'histoire de Bronisława, une nonne qui, au XIIIe siècle, aurait vécu cachée dans la forêt pour échapper aux envahisseurs tatares. La musique, qui se base sur des échantillons de musiques traditionnelles russes et européennes, est fantômatique — des voix désincarnées qui viennent de tous côtés dans une langue démembrée, des nappes empreintes de mystère… Des souvenirs translucides, parfois joyeux, parfois anxiogènes, parfois paisibles, dans une atmosphère de contes et de revenants déconcertante. La photo de la pochette, qui date du début du vingtième siècle, colle parfaitement. En plus d'être envoûtant, le disque présente des passages impressionnants au casque ; tout juste peut-on reprocher à Departed Glories de ne pas avoir de dynamique d'album, un problème classique sur les albums avec beaucoup de pistes (dix-sept). Mais rien qui m'empêche de vivement le recommander !
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Un bon single d'EDM en passant : Shake Your Body Down* de Discreet Unit, de la house qui se déhanche façon coup de fouet, sorti chez Prime Numbers.
* Rien à voir avec la chanson des Jackson 5 qui est très cool aussi.
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Music Vol. de COH, c'est de la musique électronique minimaliste… qui s'approche autant que possible d'Eleh sans être du drone. Pas de percussions, mais des pulsations, des ondulations. Des mélodies discrètes. De grands espaces sombres, sphériques, avec quelques formes géométriques, une noirceur plus contemplative qu'anxiogène.
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J'en profite pour parler de mon album préféré de l'artiste : Strings. Plus proche du minimalisme que des musiques électroniques classiques, la première partie au piano est d'abord très éparse — avant que s'introduisent répétitivité, pulsations et sons électroniques qui nous rappellent qu'on écoute un disque de COH sorti chez raster-noton. La mélodie est toujours belle, mais chaque note se répète, à l'identique ou dans un cycle de deux ou trois, avec des basses électroniques et des glitches, ce qui donne un effet de répétitivité trompeur et hypnotique. Sur la deuxième partie, une guitare électrique au son saturé quasi-électronique gronde sur une mélodie qui aurait pu être annonciatrice de groove dans un autre contexte mais ici n'est qu'une phrase minimaliste de plus. Une troisième partie se base sur de enregistrements improvisés de saz et d'oud, en duo avec ces sons de basses et d'éléments qui s'allument et s'éteignent… Le final garde les mêmes sources sonores mais avec une structure nettement différente : on démarre par des drones, puis un rythme arrive, les sons électroniques deviennent plus agressifs mais les instruments acoustiques rivalisent d'intensité eux aussi.
Ça ne ressemble vraiment à aucun autre disque que je connais.
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Syclops est un groupe composé de trois Finlandais imaginaires et d'un vrai Maurice Fulton. On peut dire qu'il fait de la house, mais de la house très atypique, complètement déracinée ; beaucoup de sons acides et élastiques, plein de percussions différentes (tribales, rock, électroniques…), des instruments acoustiques inattendus… Un son hybride qui lorgne vers le rock ou le jazz, complexe, travaillé, expérimental, et qui incorpore aussi deux ou trois élements plutôt crus et improvisés. I've Got My Eye on You est le premier album du projet, c'est sorti chez DFA (le label de LCD Soundsystem) et c'est carrément bon !
mercredi 23 novembre 2016
(⚆)
Parfois, je me dis que le but n° 1 de ma vie est de me cacher. Et que le n° 2 est de rendre ma cachette la plus douillette possible.
Sans aller jusqu'à l'isolement, tout le monde a besoin de bulles déformantes où se réfugier et à travers lesquelles voir le monde — la musique, le confort matériel, nos proches et leurs opinions, la foi en qu(o)i que ce soit, une vision philosophique ou politique des choses… Et quand certaines éclatent, quand la musique ne m'atteint plus, quand les autres ne peuvent pas aider, c'est comme si ça me brûlait. Avec une sensation de lucidité qui n'arrange pas les choses. Le monde a quelque chose d'inhumain, d'insupportable, et s'en rendre compte uniquement quand ça va mal n'aide pas vraiment.
Parfois, même à travers notre propre vision déformée, il est impossible de ne pas voir que certaines bulles sont presque opaques, trop réduites, monstrueusement difformes, ou même qu'elles empoisonnent — difficile alors de ne pas avoir envie de les crever. En général, ce sont celles des autres… Et là où ça commence à aller mal, c'est quand on veut imposer sa propre bulle à tout le monde. On a eu ça tout le long de l'histoire de l'humanité, et j'ai l'impression qu'on le voit de plus en plus ces derniers temps. Des personnes détestables qui croient être les seules à y voir clair, trop confiantes en elles, si sûres de la justesse de leur difformité. Ça me rend compte à quel point il est important d'essayer, au moins, de se mettre à la place d'autrui.
Mais souvent, ce que je trouve me donne encore plus envie de m'en éloigner.
Cf. par exemple “Bulles de filtrage : Il y a 58 millions d’électeurs pro-Trump et je n’en ai vu aucun”, “I’m a Coastal Elite From the Midwest: The Real Bubble is Rural America” et la parodie inverse de Saturday Night Live, “The Bubble”, tout ce qui touche à la religion…
Il doit quand même y avoir un équilibre à trouver quelque part ?
dimanche 6 novembre 2016
lundi 31 octobre 2016
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