51.
« Goropiser » : inventer de toutes pièces des étymologies fantaisistes pour appuyer ses hypothèses. Ça vient de l'auteur Johannes Goropius Becanus, qui avait voulu faire croire que le néérlandais était la première langue du monde. (Source : https://aeon.co/essays/why-is-linguistics-such-a-magnet-for-dilettantes-and-crackpots)
52.
Est-ce symptomatique de la domination des États-Unis que l'on utilise quasi-systématiquement le terme « Américain » pour désigner les habitants de ce pays, comme si les Mexicains, les Chiliens, les Argentins etc. n'existaient pas ? N'a-t-on jamais besoin de parler des habitants de tout le continent, comme on parle des Africains, des Asiatiques ou des Européens ?
53.
« Frileux » ou « frileuse » désigne une personne sensible au froid ou qui n'aime pas le froid. Pourquoi n'a-t-on pas de mot équivalent pour qui n'aime pas la chaleur ? Le plus proche que j'ai pu trouver est « thermophobe », mais il s'agit d'un terme médical avec une définition plus spécifique — « crainte de la chaleur avec sensation permanente d'avoir trop chaud » —, pas un véritable antonyme.
À noter en passant qu'il ne semble pas y avoir de mot courant pour « frileux » en anglais.
54.
Le mot « preuve » en français est relativement flou, voire ambigu ; il peut désigner soit un fait ou raisonnement qui fait pencher la balance d'un côté (sans être nécessairement concluant), soit un fait ou raisonnement qui prouve une hypothèse de manière irréfutable. En anglais, on fait la différence entre “evidence” (quand un doute subsiste) et “proof” (qui retire tout doute possible).
Comment traduirait-on alors cette remarque rationaliste (trouvée sur Less Wrong) : “Absence of proof is not proof of absence, but absence of evidence is evidence of absence?”
55.
Vous connaissez l'expression « moutons de poussière » (les amas de poussière qui s'agglutine) ? En anglais, on les appelle “dust bunnies” (lapins de poussière). En allemand “Staubmäuse” (souris de poussière), en suédois « dammråttor » (rats de poussière), en polonais “koty” et en hongrois “porcica” (chatons de poussière).
56.
« Androphile » : qui est attiré·e par les hommes, la masculinité.
« Gynophile » : qui est attiré·e par les femmes, la féminité.
« Ambiphile » : qui est attiré·e par les deux.
… N'est-ce pas étonnant que ces termes soient si peu usités ?
[edit — D'autres sont plus usités : « sapphique » pour l'attirance des femmes pour les femmes (bi ou lesbiennes), « achilléen » pour l'attirance des hommes pour les hommes (bi ou gay) !]
57.
Un mot français que j'aime beaucoup, c'est « papillonner ». C'est joli, et ça veut bien dire ce que ça veut dire. On ne le trouve pas dans toutes les langues.
58.
Un mot anglais que j'aime beaucoup (et que l'on n'a pas en français), c'est “somehow”. Il contient à lui seul du scepticisme ou de l'humour, il suffit de l'ajouter à une phrase pour qu'elle devienne drôle et/ou à charge.
59.
J'ai honte de l'avouer, mais quand j'ai entendu le mot pour la première fois, avant que l'on parle de personnes transgenres, je ne savais pas si « une transsexuelle » désignait un homme (FtM) ou une femme (MtF). J'ai cru que c'était ambigu. Il m'aurait suffi de me mettre à la place de la personne ; ça aurait dû m'être évident ! Il m'a fallu du temps pour me rendre compte que j'avais un gros angle mort à cet endroit. Je me demande combien d'autres angles morts j'ai encore.
60.
Marelle de Julio Cortázar comprend un très court chapitre érotique (une page uniquement) où tous les mots et les verbes sont inventés. On ne comprend rien précisément, mais on saisit très bien l'impression générale. (Je ne sais plus quel chapitre c'est. Le livre vaut le coup d'être lu en entier de toute façon.)
61.
Énièmes preuves que… tiens, ça aussi, c'est un mot que j'aime bien. Énième. Une définition aux allures techniques, plus difficile à comprendre que son sens d'ailleurs — « sérié, mais de position indéterminée » —, mais un terme qui est le plus souvent utilisé dans un contexte familier. D'après le Wikitionnaire, il a été inventé en 1834 et vient de l'argot de l'École Polytechnique).
62.
Énièmes preuves, donc, qu'on parle très mal anglais en France : les mots « pin's » et « loose ». Ce « 's » n'a aucun sens, il est simplement là pour faire américain. Idem pour le deuxième « o » de « loose » (l'adjectif « loose » existe bien en anglais, mais il signifie « lâche » — mal attaché — ou « vague » — mal défini — et n'a aucun lien avec la déveine)… sans compter le fait que même orthographié correctement, “lose” n'existe pas en tant que nom en anglais. Ces mots sont-ils incorrects pour autant ? Seulement si on les croit anglais. Mais comme ils sont français…
63.
La cénesthésie désigne l'impression que nous avons de notre propre corps, ou de notre être, hors de nos sens.
64.
Si l'on prend en compte toutes les petites variantes et tous les dialectes, il existe plus de cinquante mots pour « trognon de pomme » en allemand.
65.
Une distinction importante que l'on fait beaucoup plus facilement en allemand qu'en français (ou d'autres langues) : „gleiche“ compare deux entités identiques mais distinctes, „selbe“ indique qu'il s'agit une seule et même chose. En français courant, on dira « la même » pour les deux. Ce n'est pourtant pas la même chose !
… C'est un reportage intitulé La Fabrique du Cerveau qui m'y a fait repenser. On y voit des chercheurs imaginer que l'on pourrait devenir immortels en recréant notre cerveau et en le digitalisant. Pourtant, même si ce cerveau virtuel était en tout point identique à l'humain, ce serait „das gleiche Gehirn“ (un cerveau identique)… pas „das selbe Gehirn“ (un seul et même cerveau). (Sauf peut-être, d'après un physicien sur un forum, si l'on utilise la téléportation quantique — terrain sur lequel je n'ai pas les connaissances nécéssaires pour m'aventurer). Je ne sais plus comment s'appelle ce dilemme, mais ça pourrait signifier que toute téléportation est un suicide (et une naissance).
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