samedi 27 mai 2017

♪ 57 : Où Vont les Mèches Parfumées des Sages Nymphes de l’Île

J'aime de plus en plus Nicolas Jaar. Sirens, son dernier album, est assez inclassable ; pop mais uniquement par touches éparses, on pourrait y entendre des inspirations de Kid A de Radiohead ou même de certains disques de prog (sans l'extravagance) dans la manière dont les atmosphères et expérimentations prennent le pas sur le chant… On y entend du piano quasi-impressionniste avec des bris de verre, de légères touches de glitch, l'étonnamment rythmée “Three Sides of Nazareth”, la mélodie faussement douce et ironique de “History Lesson” qui tranche avec tout le reste (il faudrait que je décrive “No” aussi mais je ne connais pas le nom de ce style)… Très éclectique mais toujours atmosphérique, mélancolique, épuré. C'est plus un album pour qui aime l'ambient et les musiques expérimentales que pour qui aime la chanson même. À moi en tout cas il me plaît beaucoup !

(Et oui, il existe bien une édition spéciale de l'album avec une pochette à gratter, fournie avec la pièce.)


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+ Et puis il a sorti Nymphs aussi, un cousin plus électronique et plus expérimental, tout aussi bon voire meilleur. Sans rock cette fois (il y en avait un peu sur Sirens), et le chant y est encore plus rare. La plupart du temps, on y explore des limbes semi-électroniques, parfois étranges, souvent très mélancoliques ; on y trouve aussi quelques rythmes électroniques entraînants, comme sur “Swim” et “Fight”. Le meilleur moment du disque est le groove évanescent à la fin de “Don't Break My Love” — à la fin uniquement, ça dure à peine une minute, mais ça suffit à colorer tout le disque.



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L’Ange le Sage de Gaël Segalen se présente comme un album de phonographies qui se dansent, mais ce n'est pas tout à fait comme ça que je les décrirais. Disons plutôt un chaos organisé, où des rythmes et quasi-mélodies émergent au milieu du tumulte — les phonographies sont superposées au point de brouiller les pistes, difficile d'identifier un environnement ; difficile aussi de mettre le doigt sur ce qui donne à la musique son caractère particulier ! Ça me fait un peu penser à ces images accélérées de la vie en ville, où le monde prend des allures étrangères mais où l'on peut repérer des motifs dans la foule, les lumières…


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Fill My Body with Flowers and Rice d'Alice Kemp est un disque qui me fait froid dans le dos. Sept pistes minimalistes, avec une palette de sons maigre mais différente à chaque fois : de l'eau qui coule, des soupirs, du piano, des cris plus ou moins étouffés, des grincements de bois… et toujours des vides angoissants. J'ai pas mal d'autres disques de musique concrète qui jouent uniquement avec des textures, mais ici le but ne semble pas être d'expérimenter avec les formes ou l'esthétique — ce serait plutôt sept chapitres d'une nouvelle sans paroles. Plutôt fantastique ou d'horreur.



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Strands de Steve Hauschildt est un album de synthés modulaires / ambient où l'on peut entendre des influences de Klaus Schulze, de Manuel Göttsching, de l'ambient des années 90 (qui n'a pas évolué tant que ça depuis)… Rien de surprenant au niveau du style donc, c'est planant, agréable et classique — mais à partir de “Ketracel”, on a droit à des moments de beauté mélancolique parfaite. Assez pour que je me surprenne à y revenir encore et encore.

Trouvé sur ce top (des 100 meilleurs disques d'ambient de 2016, excusez du peu).


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Pistachio Island d'Ilkae est un album d'IDM plein de mini-pépites. Une à deux minutes par piste, l'enchaînement a quelque chose de frénétique mais c'est contrebalancé par une impression paradoxale de tranquilité, des mélodies toujours bien présentes et des rythmes plutôt calmes pour le genre… Et en fait on n'a pas l'impression que les pistes soient si courtes, surtout qu'elles ont toutes quelque chose à offrir !

Niveau style, pensez plutôt à Plaid ou Telefon Tel Aviv qu'à Aphex Twin ou Autechre — avec aussi une petite influence de hip hop instrumental et beaucoup de subtilité. Cerise sur le gâteau, l'album est conçu pour être joué en mode aléatoire (testé et approuvé).

À noter qu'un autre artiste, Agargara, a sorti une version remixée intégrale du disque.


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Neroli de Brian Eno est un disque extrêmement minimaliste (plus encore que Discreet Music), je ne savais pas qu'il en avait fait de pareils. Genre une note toutes les cinq secondes, parfois trois ou quatre — assez pour que la mélodie semble toujours sur le point de se déliter et n'être plus que des notes isolées. C'est en mode phrygien (et je crois que c'est ça qui fait que j'aime Neroli alors que je n'aime pas trop Discreet Music). À écouter en arrière-plan. L'autre jour, j'écoutais ça quand il y a eu un orage et une grande pluie qui ont commencé, ça convenait parfaitement.

Une réédition récente ajoute à Neroli un autre disque monopiste, New Space Music, un drone agréable. Dans le livret, Eno fait un parallèle entre l'indescriptibilité des odeurs et celle des timbres sonores et parle de son intérêt pour les parfums.


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Where Are We Going? : Octo Octa a fait son coming out et sorti un très bon disque de deep house, intitulé pour l'occasion. Un album autobiographique, principalement instrumental mais qui prend une autre dimension quand on fait les liens avec les titres (principalement au niveau des émotions, mais il y a aussi par exemple une piste qui évoque la vie de l'artiste à quinze ans avec des samples de musiques qu'elle écoutait à l'époque)… Et c'est un sentiment d'espoir, de soulagement et d'optimisme qui ressort de l'album en entier. Ça fait plaisir à entendre !

Le son rappelle un peu celui de DJ Sprinkles, et je ne dis pas ça seulement à cause des thèmes. Si ça vous intéresse, il y a une conversation entre les deux artistes ici.


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