mardi 25 avril 2017

♪ 56 : Couleurs Païennes Argentées en Suspens dans les Heures de l'Histoire

Revisionist History de Fossil Aerosol Mining Project : deux heures d'ambient couleurs d'ocre, de bandes magnétiques usées à lire sur une machine poussiéreuse, d'objets anciens dont on a oublié à quoi ils pouvaient bien servir, de notes mystérieuses qui ont perdu leur sens… Ça peut être doux et agréable ou bien inquiétant, selon les moments et l'humeur. Leurs albums précédents ressemblaient beaucoup à :zoviet*france: (avec qui ils ont d'ailleurs sorti un très bon album collaboratif), ici leur son se distingue un peu plus ; plus ambient, même s'il y a toujours une certaine rugosité dans le son et des samples étranges.

C'est un disque hybride, mi-album mi-compilation, où d'anciens morceaux du groupe sont retravaillés avec de nouveaux sons — avec jusqu'à trente ans d'écart entre les deux… sans qu'on puisse réellement entendre cet écart, vu que ce genre de musique ne vieillit pas vraiment. L'objet suit le concept : chaque CD comporte une feuille de livre peinte en blanc cassé (juste assez opaque pour ne plus être entièrement lisible), un fragment de bande magnétique de dictaphone, la première heure de musique sur CD et un code pour télécharger la seconde.




Un mélange d'electro-sha‘abi et de jazz, ça vous dit ? L'electro-sha‘abi, c'est le genre d'EEK / Islam Chipsy*, soit un courant récent de musique populaire égyptienne avec des percussions et des synthés hypnotisants. Si ça vous tente, je vous conseille d'écouter Praed, un duo libano-suisse avec clarinette, basse, synthé et autres sons électroniques. L'album que j'ai s'intitule Fabrication of Silver Dreams ; c'est psychédélique comme il faut et sacrément cool. Maxime Canelli en avait déjà partagé un morceau ! (Il y a des extraits en écoute ici.)

* J'arrive toujours pas à prendre ce nom au sérieux : Islam Chipsy. Pourquoi pas Vatican Tortilla ou Torah Cahouète ?




… Alors évidemment, avec un titre pareil, ça me donne envie de réécouter cette chanson de Noir Désir. Je vous laisse le faire si vous voulez avant de commencer.

Voilà, c'est bon ? Donc, Tant que les Heures Passent de Bérangère Maximin est un disque électro-acoustique, de la poésie sonore expérimentale où chaque composition ressemble un peu à une installation. Un peu d'absurde, pas mal de curiosité, des sons piqués un peu partout et qui forment un tout toujours un peu instable, que l'artiste prend plaisir à heurter (j'ai l'impression que toute l'œuvre est basée sur l'idée de dérangement, de disruption). Sur “Ce Corps VII”, il y a un long texte-poème très bien récité en plus, c'est du théâtre pour l'oreille.



Scilens de Haptic est un album qui fait beaucoup sans en avoir l'air. Trois musiciens, cinquante-quatre (!) instruments et sources sonores*, une musique qui n'est pas tout à fait atonale ni arythmique mais qui semble l'être — ou bien qui l'est et ne semble pas l'être. Musique concrète**, phonographies, drones, bref beaucoup de sons « non musicaux » utilisés de manière très musicale, avec des crescendos parfois intenses, de la tension, des contrastes, des mélodies éparses qui pourraient passer inaperçues. Au niveau des émotions, on est entre l'anxiété et la contemplation, ça pourrait évoquer une personne qui s'abîme les yeux sur des thèses et manuscrits obscurs et passe ses nuits à taper son texte sur une machine bruyante sans voir l'heure passer. À écouter plutôt la nuit, mais surtout au calme et dans la solitude.

* En la lisant, j'ai cru qu'ils avaient enregistré des serpents mais non, “crotales” est aussi le nom d'un instrument.

** Je balance « musique concrète » comme ça, mais c'est dans le sens très approximatif et probablement incorrect que l'on voit utilisé de temps en temps.




Abeyance de Haptic est beaucoup plus facile à décrire. C'est un petit disque à écouter la nuit… un petit disque qui semble tout vide. On y entend des bruits lointains, des résonances, un peu de bruit de fond et un piano lointain. Absolument rien au premier plan. Difficile de déterminer au début si les phonographies ont été modifiées, s'il s'agit de plusieurs assemblées ou d'une seule, on pourrait même se demander si le piano est joué par un membre du groupe ou fait partie de l'environnement. Ça pourrait être un assemblage subtil comme une personne qui aurait placé un micro dans une pièce vide, ouvert les portes et les fenêtres et serait partie en laissant ça tourner. Pourtant, plus je réécoute ce disque et plus il me paraît « musical ».







Born Again Pagans de Coil* est un de mes disques mineurs préférés de mon groupe préféré. La première piste est la plus dansante qu'ils aient jamais réalisée, un produit des quelques années où Coil et Psychic TV, après avoir quitté la musique industrielle, se sont mis à explorer l'acid house. (À écouter dans cette veine en long format : Love's Secret Domain* et Towards Thee Infinite Beat*.) Les trois pistes suivantes sont nettement plus proches du son habituel de Coil, avec de l'ambient païenne étrange, psychédélique, mystérieuse, envoûtante. Étonnant de combiner les deux comme ça peut-être, mais ça fonctionne.

(L'EP se présente comme une collaboration, mais les pistes attribuées à “ELpH” sont simplement celles qui ont été produites de manière imprévue, non préméditée, comme si c'était leurs instruments eux-mêmes qui avaient décidé de les jouer.)

* Notez qu'il faut retagger un peu tout ça.




“Dancing Girl” de Terry Callier est une chanson fabuleuse. Le genre de finale magistrale qui nous fait passer par la joie, la nostalgie, la tendresse, une piste avec plein de mouvements mais qui ne perd jamais son émotion dans sa complexité — c'est une chanson qui en vaut bien cent. Enfin, je dis « finale » parce que c'est le genre de piste que j'ai l'habitude d'entendre à la fin d'un album, mais ici c'est la première piste… Impossible de l'égaler ensuite, mais l'album entier (What Color Is Love) est superbe malgré tout. Callier marie parfaitement la plus grande douceur à des rythmes vraiment entraînants (“You Goin' Miss Your Candyman”, je n'aurais pas dit non à une deuxième comme celle-là). Quant au vrai final, “You Don't Care”, il est désarmant de simplicité et peut s'écouter tout aussi bien avec un sourire qu'avec un soupir. Ou les deux.

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