mercredi 28 septembre 2016

♪ 49 : Les Usines Explosives se Focalisent sur l’Extinction de leur Nihilisme Débordant

Overflows de Yannick Dauby est une sorte d'antidote musical à la misanthropie. C'est un parcours dans des environnements naturels, industriels et urbains enregistrés en France et à Taïwan (où l'artiste vit depuis 2007) ; on commence par des endroits qui semblent abandonnés, avec des passages lointains. On avance près de machines, d'objets, avec vent, la pluie, dans les champs, les friches. Une longue balade pour s'aérer les idées. De l'air et de la solitude, enfin ! Et puis, à la fin seulement, on se rapproche de la vie urbaine, des gens, de plus en plus près. Une fête ou un festival à Taïwan. Et ça va aussi, finalement. C'est un disque qui peut faire beaucoup de bien.

(On peut aussi l'interpréter de manière très différente, je pense.)

J'aime aussi beaucoup 廠 (« usine »), du même artiste, qui présente un monde industriel qui tombe en ruines, un environnement mécanique rouillé où la nature s'immisce… Il y a des improvisations in situ avec les machines, qu'on frotte, qui tournent, qui grondent, qui mugissent, qui rugissent — qui paraissent autrement vivantes que quand elles tournent, en fait. C'est très spatial, dynamique, puissant. Et l'idée et les sonorités me parlent.





J'ai un coup de cœur pour Maya Jane Coles. Un son dansant très émotionnel, avec beaucoup de chant et souvent pas mal de mélancolie.

Un coup de cœur ou trois : l'EP Focus Now, c'est nettement de la house, taillée pour les pistes de danse, de très bon niveau, avec du chant classique (pas des voix samplées) sur la troisième piste. Son mix pour DJ-Kicks* suit les mêmes lignes, un son toujours dansant, fluide et « humain », très réussi. Comfort, son premier LP, s'éloigne un peu de la danse pour se focaliser sur les chansons, avec des éléments trip hop voire R&B ; c'est un album au cœur lourd, un peu trop à mon goût par moments, mais avec de belles pépites. Ce sont les deux disques précédents que je préfère, mais dans tous les cas, j'aime beaucoup son style !

* À noter en passant que si vous le prenez chez le label, vous avez toutes les pistes originales non mixées en bonus.




Je n'avais jamais écouté de chiptune, mais les loustics de Bodenständig 2000 vont m'y convertir ! Deux geeks invétérés* qui font des mélodies chiptune et des chansons rigolotes en allemand, avec un bon sens de la mélodie et un humour parfois noir, toujours absurde. Il y a de vrais tubes sur Maxi German Rave Blast Hits 3 — comme “In Rock 16 Bit” (qui existe aussi en versions quatre bits et huit bits, à télécharger sur leur site) — et pas mal de loufoqueries, comme la première piste, une sorte de rap a capella avec beatbox amateur sur le fait de ne pas avoir de casquette de baseball. Ce bidule musical sympathique est sorti chez Rephlex, le label d'Aphex Twin. Je peux remercier les deux tiers des Darius (Darii?) que je connais pour cette découverte, à savoir Juliette Porée et Joe Beuckman. Le troisième Darius ne s'appelle pas Darius selon l'état civil non plus.

Et je vous conseille d'aller voir sur site web qui est excellent, on n'en fait plus des comme ça : http://www.bodenstandig.de

* L'un des deux maintient également une page sur le jeu vidéo Marble Madness, et a bricolé une trottinette à joystick nommée d'après un langage de programmation des années 1940 (qui a sa propre piste et son propre clip de présentation).




Je peux remercier les algorithmes de m'avoir fait découvrir EOD, projet acid techno/IDM qui ressemble étonnamment à du AFX (le projet acid d'Aphex Twin), disons en un peu plus mélodique et un peu moins expérimental/frénétique.

Ses dernières sorties sont de petits EPs numérotés avec une couleur chacun, j'ai pris le n° 8 presque à l'aveugle parce que c'est la couleur que je préfère, et j'ai pris le mini-album Utrecht aussi, les deux sont très bons!





— Hé, vous pensez quoi de KMFDM ?
— Bah, c'était sympa quand j'avais quinze ans…
— Ouais pareil, j'ai pas réécouté depuis.

Si Nitzer Ebb et Front 242 (entre autres) ont rendu les sons industriels dansants et que Nine Inch Nails en a fait du rock accessible au plus grand nombre, que dire de KMFDM ? C'est l'artillerie lourde décadente, la dérive ultra-hédoniste, aussi subtile qu'un tank bardé de gyrophares dans une parade (avec un G.I. Joe ou une Barbie qui chevauche le canon, allez, autant y aller à fond).

Le leader du groupe, Sascha Konietzko, a dit qu'il n'était pas fan de metal dans son ensemble, mais qu'il aimait emprunter des riffs au genre et les monter en boucle pour les entendre plein de fois. Donc le son du groupe, c'est des riffs de guitares omniprésents qui se disputent le devant de la scène avec les beats aussi dansants que brutaux et un chant conçu pour galvaniser les foules : tension, distortion, testostérone, et des chœurs à tous les refrains. Pas subtil mais efficace !

Et non seulement c'est fun, mais il faut être honnête, c'est bien fait — sur les dix pistes de Nihil, rien à jeter, elles ont toutes quelque chose d'accrocheur. Quand ce n'est pas furieux, c'est dansant ou tendu, aucune baisse de régime et c'est moins monocorde qu'on pourrait imaginer*. Rien qui pourrait faire aimer le groupe à qui n'en aime pas le concept, mais ça explique amplement le fait d'aimer même après l'adolescence !

* D'ailleurs j'ai écouté deux autres de leurs albums, et ils ont des styles différents : Opium, leur tout premier, est étonnamment industriel, et leur album de 1997 (dont je ne pourrai taper le titre que quand j'aurai mis à jour mon système vers une version plus récente qui me permettra de taper des emoji) est plus électronique. Ils sont bien aussi, mais Nihil est meilleur.




À quelques sonomètres de là, il y a les deux disques sortis en 1993 par Front 242, groupe majeur de l'EBM (Electronic Body Music : musique dansante électro-industrielle). Qui eux aussi s'y sont donnés à fond. Un son électrique, dense, intense ; plus rock et direct avec leur chant masculin habituel sur 06:21:03:11 Up Evil (qui leur a valu au moins une comparaison à Depeche Mode), plus électronique et expérimental avec une chanteuse engagée pour l'occasion sur 05:22:09:12 Off.

Si le premier repose avant tout sur des titres qui accrochent, le second décline ses titres en plusieurs mixes complémentaires, une approche casse-gueule mais qui ici fonctionne étonnamment bien. Le groupe a pris ce qu'on a tendance à percevoir aujourd'hui comme les travers des années 1990 et a réussi à en faire une œuvre maximaliste qui tient debout, et même autrement plus digeste que nombre d'albums contemporains. Leur classique Front by Front reste peut-être plus intéressant, mais au niveau plaisir d'écoute, ces deux-là n'ont rien à lui envier !

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