邂逅 (Kaikō) de Haruo Okada et Fabio Perletta est un jeu subtil entre ombre et lumière, intérieur et extérieur. On se promène le long d'une jetée, dans une forêt, dans une grotte… et ces paysages sonores se mêlent à des sons moins reconnaissables, peut-être abstraits, qui évoquent des impressions subjectives. L'effet est étonnamment naturel, comme lorsqu'on se promène et que notre attention passe imperceptiblement de l'environnement à nos propres pensées.
La piste fut à l'origine une improvisation en direct lors d'une fête de hanami, peaufinée et réenregistrée par la suite. J'ai dû l'écouter genre cinq ou six fois déjà et à chaque fois j'ai l'impression de l'entendre différemment. À chaque fois je la trouve superbe.
Sur Balance 014, Joris Voorn a « peint avec de la musique ». Façon aquarelle. Plutôt que d'agencer de bons titres avec des transitions et quelques edits, le DJ a effacé tous les contours et mêlé des dizaines de pistes en un flux continu, un groove fluide qui associe des genres complémentaires plutôt que similaires… Regardez-moi cette tracklist ! Ce n'est pas le record du monde de titres mixés en une heure, mais ça reste impressionnant. Et bien fin qui arriverait à démêler les sons sans les connaître !
Sur le Mizuiro Mix (« couleur d'eau » ou bleu clair), Voorn commence par jouer les équilibristes en gardant la tension de son beat pendant un temps fou alors que la musique fait ressentir une sérénité paradoxale, il cherche à la fois à détendre et à faire danser — et il y arrive carrément. Jusqu'à un virage inattendu, avec la voix bizarre d'“R U OK” d'Ambivalent (drôle de piste, plutôt humoristique à l'origine) qui nous fait plonger dans un son plus ambigu, thérapeutique presque, avec des pointes de mélancolie.
Autre approche : She's a Dancing Machine de Magda, un mix de techno minimale façon jeu de construction, cent quatre pistes découpées en fragments de tailes variables et assemblées sur le beat. La structure est froide mais dansante, les sons partent dans tous les sens, c'est du pointillisme foufou sur une base austère et ça fonctionne carrément. La seule chose que je reproche à cet album, c'est son absence de dynamique générale : Magda garde la même formule monotone-imprévisible tout le long, sur 78 minutes un petit détour ou un long virage auraient été un plus.
À noter que ce style-là avait déjà été adopté quelques années plus tôt par Richie Hawtin (Plastikman) sur un de ses mixes, DE9: Closer to the Edit, pour un résultat impressionnant aussi mais nettement plus sérieux. Je l'ai peu écouté, plutôt envie de revenir à celui de Magda, j'aime bien quand il y a de la fantaisie.
Un troisième ? OK, mais celui-là attention, faudra pas le mettre entre toutes les oreilles ! Follow the Sound de Bitch Ass Darius est un disque qui donne simultanément envie de s'exclamer « bougre, quelle vulgarité ! » et « foutredieu, quel génie ! ». La seconde plus souvent que la première.
La ghetto house est un genre avec des sons assez bruts et des paroles qui parlent surtout de sexe (vu le “ghetto” dans le nom, vous vous doutez bien qu'on est loin du romantisme subtil) ; la ghettotech mêle à cela des influences techno, electro et UK bass, et des tempos très rapides. (Je viens de lire tout ça sur Wikipedia et RYM, je ne connaissais pas du tout avant d'écouter Bitch Ass Darius.) Bref, Follow the Sound ressemble au cerveau d'un adolescent mâle hyperactif. Le mix n'est pas que vulgaire, il est irrévérencieux — à commencer par le fait qu'aucun des artistes n'est crédité (les limiers d'internet ont identifié 71 titres, restent 9 inconnus) et que leurs pistes originales sont découpées, accélérées et pitch-shiftées sans vergogne. Quand une piste dépasse la minute, ça paraît carrément long. Si vous vous retrouvez à court de café ou de thé un jour, passez-vous ce disque.
Mais il faudrait avoir les oreilles bouchées pour ne pas entendre à quel point Follow the Sound est impressionnant malgré ses airs frustes. Dans sa dynamique déjà, tenir une telle intensité pendant si longtemps sans que ça devienne gonflant, ce n'est pas si facile — et Darius y arrive en partie grâce à une impressionnante variété de styles, qui dépasse les frontières des genres suscités, va de l'acid au chiptune au hip hop et plus loin encore, donnant à la composition dans son ensemble une structure beaucoup plus complexe que ce à quoi on aurait pu s'attendre. Ce n'est ni un flux continu (il le casse exprès par moments, d'ailleurs) ni un marteau-piqueur fatigant, c'est un feu d'artifice qui pète dans tous les sens et dans toutes les couleurs.
Et puis, ce disque est franchement drôle. Dès l'intro, où Darius sample Milli Vanilli fail compris, puis dans des juxtapositions potaches, une ou deux répétitions absurdes, Bodenständig 2000 ou encore la piste 61… jusqu'au moment où on regarde par curiosité “bitch ass darius” dans Google Images pour voir la tête du responsable.
Donc ouais. Un plaisir coupable. Mais un sacré plaisir, et un sacré talent.
Christian Renou est surtout connu pour son projet Brume : musique concrète ou électro-acoustique, parfois rapprochée de l'industriel ou du noise, une soixantaine d'albums sortis depuis les années 1980. (L'artiste cite parmi ses nombreuses influences Pierre Henry, 23 Skidoo, SPK, Philip Glass, Magma… La description officielle en anglais de francophone est assez cocasse !) Anemone Tube, c'est un projet power electronics allemand mené par Stefan Hanser, je n'ai découvert qu'après, j'aime bien aussi.
Sur Transference, Renou remixe Anemone Tube et… en fait une musique étonnamment cérébrale, froide et contemplative. Sans être glauque ni monotone ! C'est une musique électronique à l'esthétique aussi nette qu'étrange. La description officielle est incompréhensible (on dirait le manifeste d'un artiste contemporain qui serait aussi philosophe théoréticien) mais parle de géométrie, d'analyse et de structure concrète. On confine parfois à l'ambient ; des éruptions bruitistes surviennent, des rythmes et sons industriels sont présents aussi, mais on est très loin de la fureur abrasive que j'ai pu écouter chez Anemone Tube, ou des cris étonnants dans des paysages électroniques de chez Brume (encore plus des passages humoristiques de son Accident de Chasse, mais bon, celui-là datait de 1989).
C'est un disque que j'ai pris pour quatre euros je crois, il était en promo chez le vendeur et la couleur fluo plus le nom de Brume m'ont donné envie. Le hasard a bien fait les choses ! (Le packaging est décevant par contre, c'est une sorte d'enveloppe qui se déchire en lambeaux quand on l'ouvre.)
… Et je vous conseille par la même occasion Xerxès de Brume et Golden Temple d'Anemone Tube, pour faire d'une pierre trois coups. Enfin, de trois pierres trois coups. Mais qui se répondent un peu. Bref.
Il y a dix ans, j'écoutais Surfer Rosa des Pixies. Ça remonte déjà pas mal. J'en garde surtout de bons souvenirs, mais je ne l'ai plus écouté depuis des années ; je n'ai jamais donné de vraie chance (deux pauvres écoutes incomplètes) à Trompe le Monde, j'avais essayé plus ou moins récemment de rallumer la flamme avec Doolittle mais… *haussement d'épaules*.
Il y a cinq ans, j'ai écouté Big Black. Qui a confirmé le fait que j'aime le style Steve Albini, plus encore chez eux en fait, mais qui a un peu trop tendance à servir les épluchures avec le plat. Genre sur Atomizer, “Kerosene” et “Cables” sont parfaites, le début est d'un bon niveau mais le reste se délite jusqu'à la médiocrité — le son ne fait pas tout. Je ne me souviens plus trop de Songs About Fucking, pourtant c'était par celui-là que j'avais commencé.
Aujourd'hui, j'écoute mclusky. Déjà, la déflagration d'énergie folle mi-crétine sur le refrain de “Lightsabre Cocksucking Blues” aurait justifié l'existence du rock à elle toute seule (et me donne l'impression que le rock qui n'est pas du noise rock est un équivalent de bière sans alcool, parce que c'est pas possible de penser à Ziggy Stardust ou autre en écoutant ça). Certes, ces sacripants nous font le vieux coup de balancer la toute meilleure piste en premier et la deuxième meilleure en dernier, mais contrairement à Big Black, ils ont un vrai sens de l'écriture tout le long ! Ils ont de meilleures mélodies et toutes les pistes sont bonnes. J'aime bien leur attitude plus punk aussi.
Peut-être que j'aurai « épuisé » mclusky d'ici quelques années. En attendant, j'accroche carrément. Si je déterre un disque comme celui-là tous les cinq ans, ça va, j'ai pas à me plaindre !
James Turrell est un artiste américain connu pour ses travaux sur la lumière et l'espace, des œuvres in situ avec une esthétique minimaliste. Il a notamment conçu le Roden Crater, un cratère volcanique dont l'intérieur est devenu une monumentale œuvre-observatoire. Parmi ses œuvres plus modestes, il y a les Skyspaces, de simples ouvertures rondes ou carrées qui laissent passer l'air à l'intérieur de lieux parfois préexistants, parfois construits pour l'occasion. Sur les photos, on dirait des monochromes, mais des monochromes changeants et actifs, qui colorent l'espace tout entier…
Les Skyspaces sont des œuvres visuelles avant tout, mais comme l'air y passe, l'environnement sonore aussi y est modifié. Pour son projet Climata, Robert Curgenven a enregistré de multiples Skyspaces — à la fois les sons qu'on y entend et les microtons générés par l'espace lui-même à l'aide d'oscillateurs et d'un haut-parleur. (Les oscillateurs sont réglés sur la fréquence de résonance de l'espace, le haut-parleur agit comme un résonateur de Helmholtz, enfin je ne comprends pas tout, l'artiste écrit que chaque espace agit à la fois comme un filtre et comme un instrument.)
Bref, c'est une traduction sonore d'une œuvre architecturale. Qui donne lieu à une installation, un concert, et à ce double album, composition où les quinze enregistrements de Skyspaces sont arrangés en six pistes. Très discrètes, minimalistes, six « presque rien » qui ont chacun leur identité et caractère, une sorte de silence teinté subtil à chaque fois. Chacune a la même durée de 19:20, pour permettre la lecture simultanée, dans n'importe quel ordre (l'artiste recommande d'utiliser deux systèmes audio, ce que je n'ai pas eu l'occasion de tester mais la lecture simultanée de deux pistes sur ordinateur donne déjà des couleurs plus profondes). Si vous aimez ce genre de musique (Eleh, Éliane Radigue…), je vous conseille d'y jeter une oreille ! C'est sorti chez Dragon's Eye Recordings, le label de Yann Novak.
Et l'article d'A Closer Listen sur le projet est excellent.
La piste fut à l'origine une improvisation en direct lors d'une fête de hanami, peaufinée et réenregistrée par la suite. J'ai dû l'écouter genre cinq ou six fois déjà et à chaque fois j'ai l'impression de l'entendre différemment. À chaque fois je la trouve superbe.
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Sur Balance 014, Joris Voorn a « peint avec de la musique ». Façon aquarelle. Plutôt que d'agencer de bons titres avec des transitions et quelques edits, le DJ a effacé tous les contours et mêlé des dizaines de pistes en un flux continu, un groove fluide qui associe des genres complémentaires plutôt que similaires… Regardez-moi cette tracklist ! Ce n'est pas le record du monde de titres mixés en une heure, mais ça reste impressionnant. Et bien fin qui arriverait à démêler les sons sans les connaître !
Sur le Mizuiro Mix (« couleur d'eau » ou bleu clair), Voorn commence par jouer les équilibristes en gardant la tension de son beat pendant un temps fou alors que la musique fait ressentir une sérénité paradoxale, il cherche à la fois à détendre et à faire danser — et il y arrive carrément. Jusqu'à un virage inattendu, avec la voix bizarre d'“R U OK” d'Ambivalent (drôle de piste, plutôt humoristique à l'origine) qui nous fait plonger dans un son plus ambigu, thérapeutique presque, avec des pointes de mélancolie.
Le Midori Mix (vert, couleur de nature) commence de manière plus dansante, très prometteuse, avec plus de groove que le Mizuiro… Là, on se dit que Voorn a décidément des doigts en or — jusqu'à ce qu'il tente vers la fin d'incorporer des chansons entières dans son mix, comme “Nude” de Radiohead, et là, ça marche moins bien : il perd le groove de vue et tourne un peu à vide. Dommage. Tout le reste est excellent.
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Autre approche : She's a Dancing Machine de Magda, un mix de techno minimale façon jeu de construction, cent quatre pistes découpées en fragments de tailes variables et assemblées sur le beat. La structure est froide mais dansante, les sons partent dans tous les sens, c'est du pointillisme foufou sur une base austère et ça fonctionne carrément. La seule chose que je reproche à cet album, c'est son absence de dynamique générale : Magda garde la même formule monotone-imprévisible tout le long, sur 78 minutes un petit détour ou un long virage auraient été un plus.
À noter que ce style-là avait déjà été adopté quelques années plus tôt par Richie Hawtin (Plastikman) sur un de ses mixes, DE9: Closer to the Edit, pour un résultat impressionnant aussi mais nettement plus sérieux. Je l'ai peu écouté, plutôt envie de revenir à celui de Magda, j'aime bien quand il y a de la fantaisie.
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Un troisième ? OK, mais celui-là attention, faudra pas le mettre entre toutes les oreilles ! Follow the Sound de Bitch Ass Darius est un disque qui donne simultanément envie de s'exclamer « bougre, quelle vulgarité ! » et « foutredieu, quel génie ! ». La seconde plus souvent que la première.
La ghetto house est un genre avec des sons assez bruts et des paroles qui parlent surtout de sexe (vu le “ghetto” dans le nom, vous vous doutez bien qu'on est loin du romantisme subtil) ; la ghettotech mêle à cela des influences techno, electro et UK bass, et des tempos très rapides. (Je viens de lire tout ça sur Wikipedia et RYM, je ne connaissais pas du tout avant d'écouter Bitch Ass Darius.) Bref, Follow the Sound ressemble au cerveau d'un adolescent mâle hyperactif. Le mix n'est pas que vulgaire, il est irrévérencieux — à commencer par le fait qu'aucun des artistes n'est crédité (les limiers d'internet ont identifié 71 titres, restent 9 inconnus) et que leurs pistes originales sont découpées, accélérées et pitch-shiftées sans vergogne. Quand une piste dépasse la minute, ça paraît carrément long. Si vous vous retrouvez à court de café ou de thé un jour, passez-vous ce disque.
Mais il faudrait avoir les oreilles bouchées pour ne pas entendre à quel point Follow the Sound est impressionnant malgré ses airs frustes. Dans sa dynamique déjà, tenir une telle intensité pendant si longtemps sans que ça devienne gonflant, ce n'est pas si facile — et Darius y arrive en partie grâce à une impressionnante variété de styles, qui dépasse les frontières des genres suscités, va de l'acid au chiptune au hip hop et plus loin encore, donnant à la composition dans son ensemble une structure beaucoup plus complexe que ce à quoi on aurait pu s'attendre. Ce n'est ni un flux continu (il le casse exprès par moments, d'ailleurs) ni un marteau-piqueur fatigant, c'est un feu d'artifice qui pète dans tous les sens et dans toutes les couleurs.
Et puis, ce disque est franchement drôle. Dès l'intro, où Darius sample Milli Vanilli fail compris, puis dans des juxtapositions potaches, une ou deux répétitions absurdes, Bodenständig 2000 ou encore la piste 61… jusqu'au moment où on regarde par curiosité “bitch ass darius” dans Google Images pour voir la tête du responsable.
Donc ouais. Un plaisir coupable. Mais un sacré plaisir, et un sacré talent.
∵
Christian Renou est surtout connu pour son projet Brume : musique concrète ou électro-acoustique, parfois rapprochée de l'industriel ou du noise, une soixantaine d'albums sortis depuis les années 1980. (L'artiste cite parmi ses nombreuses influences Pierre Henry, 23 Skidoo, SPK, Philip Glass, Magma… La description officielle en anglais de francophone est assez cocasse !) Anemone Tube, c'est un projet power electronics allemand mené par Stefan Hanser, je n'ai découvert qu'après, j'aime bien aussi.
Sur Transference, Renou remixe Anemone Tube et… en fait une musique étonnamment cérébrale, froide et contemplative. Sans être glauque ni monotone ! C'est une musique électronique à l'esthétique aussi nette qu'étrange. La description officielle est incompréhensible (on dirait le manifeste d'un artiste contemporain qui serait aussi philosophe théoréticien) mais parle de géométrie, d'analyse et de structure concrète. On confine parfois à l'ambient ; des éruptions bruitistes surviennent, des rythmes et sons industriels sont présents aussi, mais on est très loin de la fureur abrasive que j'ai pu écouter chez Anemone Tube, ou des cris étonnants dans des paysages électroniques de chez Brume (encore plus des passages humoristiques de son Accident de Chasse, mais bon, celui-là datait de 1989).
C'est un disque que j'ai pris pour quatre euros je crois, il était en promo chez le vendeur et la couleur fluo plus le nom de Brume m'ont donné envie. Le hasard a bien fait les choses ! (Le packaging est décevant par contre, c'est une sorte d'enveloppe qui se déchire en lambeaux quand on l'ouvre.)
… Et je vous conseille par la même occasion Xerxès de Brume et Golden Temple d'Anemone Tube, pour faire d'une pierre trois coups. Enfin, de trois pierres trois coups. Mais qui se répondent un peu. Bref.
∴
Il y a dix ans, j'écoutais Surfer Rosa des Pixies. Ça remonte déjà pas mal. J'en garde surtout de bons souvenirs, mais je ne l'ai plus écouté depuis des années ; je n'ai jamais donné de vraie chance (deux pauvres écoutes incomplètes) à Trompe le Monde, j'avais essayé plus ou moins récemment de rallumer la flamme avec Doolittle mais… *haussement d'épaules*.
Il y a cinq ans, j'ai écouté Big Black. Qui a confirmé le fait que j'aime le style Steve Albini, plus encore chez eux en fait, mais qui a un peu trop tendance à servir les épluchures avec le plat. Genre sur Atomizer, “Kerosene” et “Cables” sont parfaites, le début est d'un bon niveau mais le reste se délite jusqu'à la médiocrité — le son ne fait pas tout. Je ne me souviens plus trop de Songs About Fucking, pourtant c'était par celui-là que j'avais commencé.
Aujourd'hui, j'écoute mclusky. Déjà, la déflagration d'énergie folle mi-crétine sur le refrain de “Lightsabre Cocksucking Blues” aurait justifié l'existence du rock à elle toute seule (et me donne l'impression que le rock qui n'est pas du noise rock est un équivalent de bière sans alcool, parce que c'est pas possible de penser à Ziggy Stardust ou autre en écoutant ça). Certes, ces sacripants nous font le vieux coup de balancer la toute meilleure piste en premier et la deuxième meilleure en dernier, mais contrairement à Big Black, ils ont un vrai sens de l'écriture tout le long ! Ils ont de meilleures mélodies et toutes les pistes sont bonnes. J'aime bien leur attitude plus punk aussi.
Peut-être que j'aurai « épuisé » mclusky d'ici quelques années. En attendant, j'accroche carrément. Si je déterre un disque comme celui-là tous les cinq ans, ça va, j'ai pas à me plaindre !
∵
James Turrell est un artiste américain connu pour ses travaux sur la lumière et l'espace, des œuvres in situ avec une esthétique minimaliste. Il a notamment conçu le Roden Crater, un cratère volcanique dont l'intérieur est devenu une monumentale œuvre-observatoire. Parmi ses œuvres plus modestes, il y a les Skyspaces, de simples ouvertures rondes ou carrées qui laissent passer l'air à l'intérieur de lieux parfois préexistants, parfois construits pour l'occasion. Sur les photos, on dirait des monochromes, mais des monochromes changeants et actifs, qui colorent l'espace tout entier…
Les Skyspaces sont des œuvres visuelles avant tout, mais comme l'air y passe, l'environnement sonore aussi y est modifié. Pour son projet Climata, Robert Curgenven a enregistré de multiples Skyspaces — à la fois les sons qu'on y entend et les microtons générés par l'espace lui-même à l'aide d'oscillateurs et d'un haut-parleur. (Les oscillateurs sont réglés sur la fréquence de résonance de l'espace, le haut-parleur agit comme un résonateur de Helmholtz, enfin je ne comprends pas tout, l'artiste écrit que chaque espace agit à la fois comme un filtre et comme un instrument.)
Bref, c'est une traduction sonore d'une œuvre architecturale. Qui donne lieu à une installation, un concert, et à ce double album, composition où les quinze enregistrements de Skyspaces sont arrangés en six pistes. Très discrètes, minimalistes, six « presque rien » qui ont chacun leur identité et caractère, une sorte de silence teinté subtil à chaque fois. Chacune a la même durée de 19:20, pour permettre la lecture simultanée, dans n'importe quel ordre (l'artiste recommande d'utiliser deux systèmes audio, ce que je n'ai pas eu l'occasion de tester mais la lecture simultanée de deux pistes sur ordinateur donne déjà des couleurs plus profondes). Si vous aimez ce genre de musique (Eleh, Éliane Radigue…), je vous conseille d'y jeter une oreille ! C'est sorti chez Dragon's Eye Recordings, le label de Yann Novak.
Et l'article d'A Closer Listen sur le projet est excellent.
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