M. Geddes Gengras joue du synthétiseur modulaire. Il a enregistré plein de disques avec des synthétiseurs modulaires. J'en ai écouté trois pour le moment, un plutôt rythmé, un ambient, et un qui… euh… un dont je vais parler aujourd'hui.
Pour comprendre Two Variations, il est utile de savoir que ces compositions sont génératives, à savoir que l'artiste met en place des processus plus ou moins complexes qui vont générer de la musique en semi-autonomie. Le système qui a généré ces deux pistes est décrit en détail sur la page du label… et comme je n'y connais rien en électronique ni en synthétiseurs, je dois avouer que je n'y comprends pas grand chose. Heureusement pour les non-initiés, l'artiste conclut tout ça avec une image, comparant le résultat final à « deux paires de maillets pour marimbas attachés à une paire de dés ». Si ça ne vous parle pas davantage, appuyez sur ▶ !
Deux pistes de trente-quatre minutes (durée arbitraire ?) avec à peu près toujours les mêmes sons, les mêmes notes, les mêmes boucles déclinés sur une variable aléatoire — selon toute vraisemblance, ça devrait finir par lasser, non ? Sauf que non. Ces deux variations n'ont pas l'humanité des compositions de musique minimaliste — c'est de ça qu'elles se rapprochent le plus — mais les motifs sont complexes et changeants, les sons sont beaux, l'aléatoire semble toujours tomber sur une autre harmonie… et les jeux d'harmonies sont tellement captivants qu'on pourrait presque manquer les changements des morceaux plus progressifs, à une échelle plus longue* (sans doute non générés, ceux-là ?).
La première piste est plus belle que la seconde, mais les deux sont réussies et intéressantes.
Et vous pouvez écouter Test Leads aussi, il est moins inhabituel mais pas moins bon. C'est celui qui est rythmé.
* Il y a des mots pour décrire la différence entre les deux d'ailleurs ? Micro-changements et macro-changements ?
Pour comprendre Two Variations, il est utile de savoir que ces compositions sont génératives, à savoir que l'artiste met en place des processus plus ou moins complexes qui vont générer de la musique en semi-autonomie. Le système qui a généré ces deux pistes est décrit en détail sur la page du label… et comme je n'y connais rien en électronique ni en synthétiseurs, je dois avouer que je n'y comprends pas grand chose. Heureusement pour les non-initiés, l'artiste conclut tout ça avec une image, comparant le résultat final à « deux paires de maillets pour marimbas attachés à une paire de dés ». Si ça ne vous parle pas davantage, appuyez sur ▶ !
Deux pistes de trente-quatre minutes (durée arbitraire ?) avec à peu près toujours les mêmes sons, les mêmes notes, les mêmes boucles déclinés sur une variable aléatoire — selon toute vraisemblance, ça devrait finir par lasser, non ? Sauf que non. Ces deux variations n'ont pas l'humanité des compositions de musique minimaliste — c'est de ça qu'elles se rapprochent le plus — mais les motifs sont complexes et changeants, les sons sont beaux, l'aléatoire semble toujours tomber sur une autre harmonie… et les jeux d'harmonies sont tellement captivants qu'on pourrait presque manquer les changements des morceaux plus progressifs, à une échelle plus longue* (sans doute non générés, ceux-là ?).
La première piste est plus belle que la seconde, mais les deux sont réussies et intéressantes.
Et vous pouvez écouter Test Leads aussi, il est moins inhabituel mais pas moins bon. C'est celui qui est rythmé.
* Il y a des mots pour décrire la différence entre les deux d'ailleurs ? Micro-changements et macro-changements ?
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Tant qu'à parler de répétitivité et de musique qui se joue toute seule, on peut aussi mentionner Music by the Metre de Graham Dunning. Un projet inspiré par la « peinture industrielle » pseudo-expressionniste de Giuseppe Pinot-Gallizio, créée par des machines, coupée et vendue au mètre. Ici, un système de lecteurs qui tournent en boucle, pédales, tourne-disques, micro… produit une superposition de matières sonores enregistrée sur bobine.
Vous pouvez voir une présentation du projet ainsi qu'une vidéo montrant un des dispositifs en question sur le site officiel de l'artiste.
Évidemment, l'idée fait penser à la prolifération décourageante de musiques ambient, drone et noise réalisées par des musiciens amateurs, des heures et des heures de sons étirés et de nappes floues, trop souvent indifférenciables. Mais le projet de Dunning, où l'acte de composition est unidimensionnel (portant uniquement sur le choix des sons et des machines, totalement inexistant sur la durée), est étonnamment intéressant à écouter. Sur le premier CD tiré du projet, pas de flou mais du tangible, ça gronde, ça crache, il y a des voix perdues, des artefacts… et chaque piste apporte plus de tension que la précédente.
Il est intéressant aussi de se rendre compte qu'ici, c'est la nature qui fait la musique. On n'est plus dans les créations humaines où tout mouvement sonore est chargé d'intention (et qu'on peut accuser de paresse quand on n'a affaire qu'à des drones lénifiants), ici, c'est le mouvement mécanique des bandes et des sillons, les frottements, l'érosion, les rayures que l'on entend. Et la musique semble tangible, matérielle. Chacune des pistes de Music by the Metre Archive One contient ainsi trois cent cinquante mètres de sons. Coupés net, bien évidemment — de quoi faire entendre que la durée d'une piste est complètement arbitraire par rapport à la durée « naturelle » que prendraient les sons par eux-mêmes.
(La photo, ce n'est pas la pochette du disque, c'est un kiosque tenu par Dunning à un festival où il vendait sa musique au mètre fraîchement enregistrée.)
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Maha de Grim est un album qu'on classe dans l'industriel faute de mieux, mais qui n'y ressemble que peu. C'est de l'« industriel rituel » japonais, beaucoup plus théâtral et expérimental qu'oppressant ou glauque, avec beaucoup de chant, des percussions rythmées puissantes et dansantes, beaucoup de mélodies… et on peut même oser des comparaisons à Coil, pas tant pour le son même que pour la liberté d'explorer des territoires inhabituels, pour les répétitions plus hypnotisantes que mécaniques, et pour l'ampleur de la palette sonore qui, bien que sombre dans l'ensemble, fait plus souvent rêver, danser, ou simplement écouter avec attention ce que l'on n'a jamais tout à fait entendu ailleurs.
À ceci près que Grim a, malgré ce que j'ai dit avant, toujours un pied dans l'indus (Coil avait laissé tomber le genre au bout de deux albums). Et un pied dans la musique traditionelle japonaise aussi. Euh. Disons que Grim a beaucoup de pieds.
En tout cas, cet album vaut le détour, et pourrait même plaire à ceux qui n'aiment pas l'industriel d'habitude.
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Si je ne connaissais pas déjà Charlemagne Palestine, je l'aurais sans doute découvert (et aimé) avec cet album. Comment ne pas avoir envie d'écouter un disque qui a un tel titre !
Pour rappel, Palestine est un artiste excentrique génial, connu pour ses penchants pour le whisky, le cognac, les peluches et les compositions extrêmes où il joue un accord d'orgue, ou deux notes de piano en succession, mais les joue à fond, en extrait toutes les harmoniques possibles, pendant une heure au minimum. Et ce n'est pas du foutage de gueule, c'est vraiment une musique intense, qui laisse l'instrument désaccordé et les doigts de l'artiste en sang à la fin de la performance.
Ssingggg Sschlllingg Sshpppingg est différent. C'est bien un album de Charlemagne Palestine, on reconnaît son style tout de suite, mais il s'agit d'un drone maximaliste réalisé par ordinateur : une déferlante de bruits multicolores, des voix robotiques de jouets, de l'eau, des oiseaux, plein plein plein de sons. Et Palestine lui-même chante, accompagné de jouets qui chantent eux aussi. Jim O'Rourke a dit que c'était son album préféré de 2015 et de son disque préféré de l'artiste. Si vous ne faites pas confiance à Jim O'Rourke, je peux vous donner une seconde opinion en vous disant que cet album est tout à fait très bien.
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Recommandation ambient techno du mois (pour laquelle je n'ai pas de mérite, tous les webzines en ont parlé) : June d'Acronym. Un son très progressif où les pistes se coulent les unes dans les autres, des nappes enveloppantes, des beats qui font monter le son malgré le calme… Un calme relatif d'ailleurs, l'album partant de l'ambient pour arriver à de la techno franche dans la seconde moitié, avec quelques détours par des sons acid sur une piste, un rythme quasi-tribal sur une autre. Pas mal de points de ressemblance avec Voices from the Lake surtout, ce qui est une comparaison plus que flatteuse !
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Y'a des gens qui trouvent que Tim Taylor, le chanteur de Brianiac, en faisait trop avec son chant qui passait du hurlé au très aigu au déformé, ponctué d'un à plusieurs points d'exclamation par phrase. Ces gens ont tort. Brainiac, c'était excellent, du noise punk mâtiné de rock'n'roll (ou l'inverse) avec des déformations électroniques qui lui donnent un son cartoonesque acide, une musique à la fois excitante et torturée, mi-grave mi-sautillante, moitié classique moitié déjantée. Vous vous rappelez des bonbons Têtes Brûlées de votre enfance ? Oui ? Non ? Peu importe, les associations musique/goûts ne fonctionnent absolument pas, pour avoir vu des gens essayer je peux assurer que dans 99 % des cas ça n'a aucun sens. Mais Hissing Prigs in Static Couture est un très bon album, j'ai déjà pris l'album précédent et l'EP suivant, pas envie de m'arrêter là. Pas comme Tim Taylor, qui s'est hélas arrêté peu après cet album en faisant foncer sa Mercedes droit dans une bouche d'incendie qui provoqua une explosion enflammée qui le tua sur le coup. R.I.P.
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