mercredi 28 octobre 2015

♪ 38 : Les Sorcières-Architectes Nourrissent les Gais Aboiements Totalitaires

That Total Age de Nitzer Ebb est un classique de l'électro-industriel dansant (EBM). C'est un disque brutal à sa manière, mais je trouve qu'il a quelque chose de franchement rigolo. Ces mélodies groovy répétitives au synthé, ces rythmes rapides qui en deviennent sautillants… c'est à la fois sacrément entraînant et assez fendard par son caractère basique, presque caricatural.

Toudoudou-doudou-dou (tink tink tink) ! Toudoudou-doudou-dou (tink tink tink) ! Toudoudou-doudou-dou (tink tink tink) ! LIGNE SCANDÉE DE TROIS MOTS ! LIGNE SCANDÉE DE TROIS MOTS ! LIGNE SCANDÉE DE TROIS MOTS ! … Tout le disque est comme ça, hein — Skinny Puppy, Front Line Assembly ou Front 242 savent varier un peu le menu, mais là, les mecs de Nitzer Ebb ont trouvé une formule qui marche et ils la gardent tout le long. Ça peut fatiguer à la longue, mais c'est quand même carrément fun. À leur manière, “Join in the Chant” et “Let Your Body Learn” sont aussi réjouissantes et dansantes que quasiment n'importe quelle piste de funk !

(En passant, Gesaffelstein a pas mal pompé Nitzer Ebb, l'humour en moins, sur son album Aleph — avec une production assez vulgos/moche et beaucoup trop de clipping pour être honnête. Pas que je déteste Gesaffelstein, mais bon, à choisir, y'a pas photo.)




Arena Ladridos de Chris Cogburn, Bonnie Jones et Bhob Rainey est un disque d'improvisations électro-acoustiques enregistrées au Texas, inspirées par le désert des hautes plaines. Percussions, sons électroniques et saxophone. Il n'y a pas vraiment de rythmes ou de mélodies là-dedans, la musique semble respirer calmement, un grand corps-paysage sonore plutôt calme qui se meut à son rythme, animé de souffles, de craquements, d'autres mouvements pas toujours descriptibles… Des percussions roulent non accompagnées, des textures et des grattements s'ajoutent au léger bruit de fond de l'enregistrement. J'ai du mal à dire pourquoi ça me plaît, peut-être justement pour son son plutôt organique et contemplatif.

L'édition digitale contient une piste bonus enregistrée à Mexico, avec plus de bruits de fond que sur les deux autres mais qui colle très bien au reste. On peut télécharger le tout pour un dollar.




Jolly Bar de Jolly Music (ou Jollymusic) est un album gai et coloré qui part un peu dans tous les sens. C'est avant tout beaucoup de samples, toujours mélodieux, tirés de vinyles, de disques ou de cassettes et qui donnent à l'album une teinte de mélancolie douce, envie de sourire et de rêvasser. Mais là où ça devient vraiment bon, c'est quand entre deux scènes ensoleillées il y a des sacrés grooves là-dedans, des pistes d'EDM parfois furieusement dansantes avec leurs synthés qui font bloup-bloup et zwip-zwip !

C'est un tout autre genre, mais dans l'esprit et l'ambiance, Jolly Bar me rappelle un peu l'excellent Fantasma de Cornelius. Un disque très printanier donc. Pas du tout de saison.




Sexwitch est un projet qui réunit Natasha Khan (Bat for Lashes ♥), le groupe de rock TOY (connais pas) et le producteur Dan Carey (connais pas non plus). C'est un disque de reprises en rock psychédélique de chansons traduites d'Iran, du Maroc, de Thaïlande ! (Et aussi une des États-Unis.)

La formule fonctionne vraiment bien : c'est une musique rock où les percussions et les basses prennent le devant sur les guitares, avec des répétitions presque incantatoires, et la voix de Natasha est toujours aussi séduisante. Tout ça évoque les esprits, le féminin, la magie.

Quatre des six pistes reprises se trouvent facilement sur Youtube pour comparer. Les deux versions de “Helelyos” sont étonnamment proches, les deux sont presque aussi dansantes l'une que l'autre. Il y a nettement plus de différences sur les originales de “Lam Plearn Kiew Bao” et “Ghoroobaa Ghashangan” : on reconnaît la chanson mais les langues comme les sonorités n'ont rien à voir. Sur quels critères comparer une reprise au son forcément plus aguicheur, plus poli, et les chansons originales qui appartiennent à des genres auxquels je ne connais absolument rien et qui me donnent une impression d'exotisme avant tout ? Je n'en sais trop rien, c'est à vous de voir. Toujours est-il que ce petit album, même s'il est un peu court et que la piste des États-Unis fait moins d'effet que les cinq autres (pourquoi revenir si tôt en terres connues ?), est une bonne surprise. En espérant que le prochain Bat for Lashes soit aussi réussi ! (J'aime beaucoup ses deux premiers, le troisième un peu moins.)




Les albums les plus récents de Pedestrian Deposit, depuis que Shannon Kennedy a rejoint le projet, quittaient le bruit brut pour aller vers des sons moins agressifs, des terrains sonores froids, désolés et apocalyptiques.

Sur The Architector revient la violence. Mais pas de la même manière. Plutôt que de refaire péter les décibels (ce qui n'arrive que brièvement, au début de “Shifted Snake”), le groupe crée des espaces lunaires, noirs, où coups et résonances forment des scènes abstraites d'une force inouïe. Ça a le pouvoir évocateur du dark ambient, la brutalité du noise, tout en étant plus composé que la plupart des albums appartenant à ces deux genres. L'atmosphère surtout est impressionnante. C'est peut-être leur meilleur album pour le moment (et du coup l'un des meilleurs albums de noise que j'ai écoutés tout court) ; celui-là ou Austere, remarquable aussi avec ses six pistes plus minimalistes et plus statiques mais qui forment un ensemble à la construction plus nette… La seule chose que je reproche à The Architector, en fait, c'est le fait qu'il semble durer deux pistes de vingt minutes uniquement à cause du format vinyle, plus que pour quelque raison esthétique. Je n'aurais pas dit non à une troisième piste sur une édition CD !




Le mois dernier, j'avais dit tout le bien que je pensais d'In a Syrian Tongue, mini-EP de techno brutal et puissant signé Regis.

Depuis, j'ai eu un autre coup de cœur pour Sandwell District, collectif et label fondé par le même Regis avec Female, rejoints ensuite par Function et Silent Servant. Sans avoir sorti énormément de disques, ils se sont faits une sacrée réputation, et à l'écoute de leur album collectif, Feed-Forward, je comprends pourquoi. Ce disque est une vraie perle de techno : un équilibre irréprochable entre rythmes sombres, puissants, dansants, et atmosphères envoûtantes, rêveuses même (ce à quoi je ne m'attendais pas). La dub techno, la techno industrielle et l'ambient techno sont là en esprit, il y a même des sons de synthé un peu 90s, rien de révolutionnaire mais c'est fait de mains de maîtres.

En plus de l'album original de 9 pistes, édité uniquement en vinyle, un disque de 10 pistes comprenant des versions alternatives des morceaux (cette fois signés par chacun des artistes) fut également édité en CD ; le niveau reste excellent, mais je vous conseille de commencer par l'original, plus cohérent. (Il y a aussi une version de 8 pistes en mp3/FLAC sur Bleep qui semble combiner un peu des deux, c'est un peu le bordel.)

Sandwell District a aujourd'hui fermé ses portes, ces disques sont épuisés et les exemplaires en vente sur Discogs sont tous hors de prix. Heureusement qu'il y a le piratage… une réédition ne serait pas de refus. Mais bon, ils font ce qu'ils veulent, hein.

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