voice, books and FIRE 3 de Jakob Ullmann est une composition pour huit voix féminines, saxophone, flûte traversière, violon et violoncelle. C’est une musique très discrète, à écouter à bas volume, qui à vrai dire ressemble presque à de la lowercase music… Une multitude de traces et de fantômes sonores, basée sur d’anciens textes en grec, en araméen, en copte, en géorgien etc. et qui est censée être le fruit d’une réflexion sur les rapports entre musique et langage. Les instruments poussent de petits sifflements, des soupirs, des sons qui imitent presque les voix. Si on se promenait dans une très grande bibliothèque souterraine, avec d’énormes arches en pierre, des siècles et des siècles d’ouvrages partout et si les spectres des livres se mettaient à parler, ça ressemblerait un peu à ça.
J’ai cherché des informations sur la composition même et surtout la manière dont elle avait été jouée et chantée, parce que l’extrait de la « partition » à l’intérieur du digipak donne l’impression d’être totalement inutilisable. En fait, on dirait un collage cubiste-lettriste, ça ne ressemble pas du tout à une partition. Plein de coupures superposées dans tous les sens, aucune note, aucun texte en alphabet latin, et même des illustrations. J’imagine un compositeur fou qui balancerait ça à ses chanteuses et leur dirait « Débrouillez-vous, lol ! (Mais je veux que vous me chantiez la huitième page en rouge, hein, pas en zig-zag !) ». Comment la musique est-elle sortie de là ? Ça me frustre un peu de ne pas savoir.
En tout cas, ce disque est bon.
Si vous voulez écouter un extrait et voir la partition en question, allez voir chez Mimaroglu : CHECK THIS OUT YO
Along Yurikamome de Miche (à prononcer « mi - kay », de son vrai nom 宮田涼介) est un disque d’ambient qui ressemble à un feu d’artifice. Des mélodies calmes au piano superposées à des drones et à des textures rêches, presque aggressives — ça donne un disque d’ambient énergique et concis, ce qui est franchement paradoxal, mais c’est cool, j’aime bien les paradoxes. Along Yurikamome est un EP de six pistes, et on peut le télécharger gratuitement ici ou là.
(Bon, par contre, il aurait pu soigner un peu la pochette, le 涼介. La photo floue de guingois aux couleurs criardes avec le texte même pas lissé, ça fait tache. (« Tache » sans accent circonflexe s’il vous plaît, « tache » et « tâche » sont des mots différents, tout le monde les confond et ça m’agace un petit peu.))
phasen de René Margraff cache son jeu. Au début, on dirait un énième disque d’ambient légèrement bruitiste à la Tim Hecker*, mais… non. Le style de sons est similaire, l’album dans son « propos » est différent. Les huit pistes qui composent phasen ne sont pas floues, nostalgiques ou psychédéliques — chacune semble être un espace délimitant des impressions souvent contradictoires (appréhension et attente, violence et douceur, complexité et minimalisme…) le temps de quelques minutes, avant de s’arrêter presque brutalement. Et le contraste d’une piste à l’autre peut être fort : la dissonance d’“Abschüssig” rompt totalement avec le calme apparent de “rot gelb”, puis “rain (for Jeff Hanneman)” déferle carrément avec son absence de mélodie et de rythme, comme pour nous dire que non, ce disque n’est pas fait pour être écouté d’une oreille paresseuse, en musique de fond. Huit pistes pour à peine plus d’une demi-heure : phasen est court, peut-être un peu trop, mais il est surtout agréablement concis et marquant.
Pour écouter et acheter l’album, c’est ici. J’ai acheté le CD et j’ai reçu une diapositive Kodachrome avec des girafes bleues en fil de fer en cadeau, c’est sympa.
* D’ailleurs je trouve qu’il faudrait un nom pour ce genre.
J’aime The Redeemer de Dean Blunt. C’est un album d’art pop au son léché mais relativement dépouillé, presque abrupt par moments, avec beaucoup de pistes courtes et d’interludes — et une impression de vide quelque part. Le disque parle de séparation, d’ailleurs. “The Pedigree” et “Brutal”, qui ouvrent et ferment l’album, sont superbes… et bien que ce style de musique ait quelque chose de familier, je n’ai pas l’impression d’avoir déjà entendu quelque chose comme ça auparavant. Sans que je puisse dire ce qui, au juste, rend The Redeemer original.
Vous pouvez écouter l’album sur Youtube ici (et l’acheter où vous voulez).
Après avoir écouté The Redeemer, j’ai voulu voir ce que Dean Blunt avait fait d’autre et j’ai jeté une oreille à The Narcissist II. Ça n’a pas grand chose à voir, et c’est vraiment intéressant aussi. La liste de genres sur RYM parle de musique expérimentale, avec des traits de collages sonores, de soul psychédélique et de pop hypnagogique (je ne savais même pas que les deux derniers étaient considérés comme des genres).
J’avais un peu parlé de Gigi Masin le mois dernier, notamment de son morceau “Clouds” rendu célèbre par Björk et Nujabes, initialement sorti sur un split épuisé depuis des années… La plupart des disques de Gigi Masin (pas qu’il en ait sorti tant que ça) sont indisponibles aujourd’hui. Heureusement, le label Music from Memory a décidé de sortir une compilation rétrospective, intitulée Talk to the Sea, qui reprend des compositions de l’artiste à un peu toutes ses périodes (années 80 jusqu’à nos jours). Difficile de savoir lesquelles viennent de quelle époque, tant le style de l’artiste est resté pareil à lui-même ! C’est toujours de l’ambient avec un côté “musique de films”, des boucles mélodiques minimalistes et des nappes reposantes, une petit côté Brian Eno mais en plus chaud, plus expressif et moins cérébral… et j’aime décidément beaucoup cette musique, très classique, très facile d’accès, mais aussi très belle. Ça dure une heure et demie et je n’ai pas envie d’en sortir à la fin.
(Ma piste préférée est “The Nylon Dollar”, vous pouvez l’écouter ici — et aussi lire la critique de Test Pressing ici si vous voulez.)
Initiation d’ERAAS est un disque court et atmosphérique, art rock avec un petit côté post-rock. Les compositions sont rythmées mais le chant et les guitares sont presque en retrait ; c’est en grande partie l’atmosphère qui fait le disque, une ambiance sombre un peu gothique, qui ne contredit pas tant que ça l’aspect pop, presque dansant, des chansons. C’est un bon petit disque, qui donne encore trop peu pour jouer dans la cour des grands mais qui a un bon style et qui est accrocheur.
Pour écouter et acheter, c’est sur leur lien Bandcamp.
Il y a quelques semaines, j’avais parlé de Kill the King du Hafler Trio. (J’avais dit que cet album était excellent méga trop bien sa race, en mieux écrit, enfin j’espère. Disons que c’était difficile à résumer en une phrase.) Depuis, j’ai jeté à une oreille à plusieurs autres de ses disques, dont des collages qui m’ont plus ou moins plu, et surtout sa très bonne « trilogie en trois parties » (sic) sortie en 2002-2003 : Cleave: 9 Great Openings, No Man Put Asunder: 7 Fruitful and Seamless Unions et No More Twain, Of One Flesh: 11 Unequivocal Obsecrations. Trois albums basés sur un seul drone, très beau, qu’on retrouve identique dans chaque composition ; et des « événements » différents qui surviennent sur chaque volume.
C’est intéressant mais ça a quelque chose d’incongru, ce drone identique à chaque fois. La comparaison est foireuse, mais imaginez trois disques de rock qui seraient basés sur les mêmes instruments, les mêmes rythmes, les mêmes arrangements, les mêmes riffs à chaque fois — mais où les paroles, le chant et quelques-unes des mélodies changeraient. Qu’est-ce que vous feriez ? Moi, ce que je fais avec cette trilogie, c’est que j’écoute à chaque fois un des volumes au hasard. Je ne sais pas trop ce que ça donnerait d’écouter les trois à la suite.
Ah, et autant sur Kill the King, j’avais essayé de faire un effort pour voir quel lien il pouvait y avoir entre les textes du livret et la musique, autant là, j’ai la conviction que les textes sont du grand n’importe quoi et qu’on peut s’en passer totalement. Pour moi, cette musique-là n’a vocation qu’à être de la musique.
Il y a une critique dithyrambique mais bien informée et bien écrite des trois volumes sur 5:4, je vous y renvoie si ça vous intéresse. Et jetez-y une oreille à ces disques si vous aimez les drones.
J’ai cherché des informations sur la composition même et surtout la manière dont elle avait été jouée et chantée, parce que l’extrait de la « partition » à l’intérieur du digipak donne l’impression d’être totalement inutilisable. En fait, on dirait un collage cubiste-lettriste, ça ne ressemble pas du tout à une partition. Plein de coupures superposées dans tous les sens, aucune note, aucun texte en alphabet latin, et même des illustrations. J’imagine un compositeur fou qui balancerait ça à ses chanteuses et leur dirait « Débrouillez-vous, lol ! (Mais je veux que vous me chantiez la huitième page en rouge, hein, pas en zig-zag !) ». Comment la musique est-elle sortie de là ? Ça me frustre un peu de ne pas savoir.
En tout cas, ce disque est bon.
Si vous voulez écouter un extrait et voir la partition en question, allez voir chez Mimaroglu : CHECK THIS OUT YO
Along Yurikamome de Miche (à prononcer « mi - kay », de son vrai nom 宮田涼介) est un disque d’ambient qui ressemble à un feu d’artifice. Des mélodies calmes au piano superposées à des drones et à des textures rêches, presque aggressives — ça donne un disque d’ambient énergique et concis, ce qui est franchement paradoxal, mais c’est cool, j’aime bien les paradoxes. Along Yurikamome est un EP de six pistes, et on peut le télécharger gratuitement ici ou là.
(Bon, par contre, il aurait pu soigner un peu la pochette, le 涼介. La photo floue de guingois aux couleurs criardes avec le texte même pas lissé, ça fait tache. (« Tache » sans accent circonflexe s’il vous plaît, « tache » et « tâche » sont des mots différents, tout le monde les confond et ça m’agace un petit peu.))
phasen de René Margraff cache son jeu. Au début, on dirait un énième disque d’ambient légèrement bruitiste à la Tim Hecker*, mais… non. Le style de sons est similaire, l’album dans son « propos » est différent. Les huit pistes qui composent phasen ne sont pas floues, nostalgiques ou psychédéliques — chacune semble être un espace délimitant des impressions souvent contradictoires (appréhension et attente, violence et douceur, complexité et minimalisme…) le temps de quelques minutes, avant de s’arrêter presque brutalement. Et le contraste d’une piste à l’autre peut être fort : la dissonance d’“Abschüssig” rompt totalement avec le calme apparent de “rot gelb”, puis “rain (for Jeff Hanneman)” déferle carrément avec son absence de mélodie et de rythme, comme pour nous dire que non, ce disque n’est pas fait pour être écouté d’une oreille paresseuse, en musique de fond. Huit pistes pour à peine plus d’une demi-heure : phasen est court, peut-être un peu trop, mais il est surtout agréablement concis et marquant.
Pour écouter et acheter l’album, c’est ici. J’ai acheté le CD et j’ai reçu une diapositive Kodachrome avec des girafes bleues en fil de fer en cadeau, c’est sympa.
* D’ailleurs je trouve qu’il faudrait un nom pour ce genre.
J’aime The Redeemer de Dean Blunt. C’est un album d’art pop au son léché mais relativement dépouillé, presque abrupt par moments, avec beaucoup de pistes courtes et d’interludes — et une impression de vide quelque part. Le disque parle de séparation, d’ailleurs. “The Pedigree” et “Brutal”, qui ouvrent et ferment l’album, sont superbes… et bien que ce style de musique ait quelque chose de familier, je n’ai pas l’impression d’avoir déjà entendu quelque chose comme ça auparavant. Sans que je puisse dire ce qui, au juste, rend The Redeemer original.
Vous pouvez écouter l’album sur Youtube ici (et l’acheter où vous voulez).
Après avoir écouté The Redeemer, j’ai voulu voir ce que Dean Blunt avait fait d’autre et j’ai jeté une oreille à The Narcissist II. Ça n’a pas grand chose à voir, et c’est vraiment intéressant aussi. La liste de genres sur RYM parle de musique expérimentale, avec des traits de collages sonores, de soul psychédélique et de pop hypnagogique (je ne savais même pas que les deux derniers étaient considérés comme des genres).
J’avais un peu parlé de Gigi Masin le mois dernier, notamment de son morceau “Clouds” rendu célèbre par Björk et Nujabes, initialement sorti sur un split épuisé depuis des années… La plupart des disques de Gigi Masin (pas qu’il en ait sorti tant que ça) sont indisponibles aujourd’hui. Heureusement, le label Music from Memory a décidé de sortir une compilation rétrospective, intitulée Talk to the Sea, qui reprend des compositions de l’artiste à un peu toutes ses périodes (années 80 jusqu’à nos jours). Difficile de savoir lesquelles viennent de quelle époque, tant le style de l’artiste est resté pareil à lui-même ! C’est toujours de l’ambient avec un côté “musique de films”, des boucles mélodiques minimalistes et des nappes reposantes, une petit côté Brian Eno mais en plus chaud, plus expressif et moins cérébral… et j’aime décidément beaucoup cette musique, très classique, très facile d’accès, mais aussi très belle. Ça dure une heure et demie et je n’ai pas envie d’en sortir à la fin.
(Ma piste préférée est “The Nylon Dollar”, vous pouvez l’écouter ici — et aussi lire la critique de Test Pressing ici si vous voulez.)
Initiation d’ERAAS est un disque court et atmosphérique, art rock avec un petit côté post-rock. Les compositions sont rythmées mais le chant et les guitares sont presque en retrait ; c’est en grande partie l’atmosphère qui fait le disque, une ambiance sombre un peu gothique, qui ne contredit pas tant que ça l’aspect pop, presque dansant, des chansons. C’est un bon petit disque, qui donne encore trop peu pour jouer dans la cour des grands mais qui a un bon style et qui est accrocheur.
Pour écouter et acheter, c’est sur leur lien Bandcamp.
Il y a quelques semaines, j’avais parlé de Kill the King du Hafler Trio. (J’avais dit que cet album était excellent méga trop bien sa race, en mieux écrit, enfin j’espère. Disons que c’était difficile à résumer en une phrase.) Depuis, j’ai jeté à une oreille à plusieurs autres de ses disques, dont des collages qui m’ont plus ou moins plu, et surtout sa très bonne « trilogie en trois parties » (sic) sortie en 2002-2003 : Cleave: 9 Great Openings, No Man Put Asunder: 7 Fruitful and Seamless Unions et No More Twain, Of One Flesh: 11 Unequivocal Obsecrations. Trois albums basés sur un seul drone, très beau, qu’on retrouve identique dans chaque composition ; et des « événements » différents qui surviennent sur chaque volume.
C’est intéressant mais ça a quelque chose d’incongru, ce drone identique à chaque fois. La comparaison est foireuse, mais imaginez trois disques de rock qui seraient basés sur les mêmes instruments, les mêmes rythmes, les mêmes arrangements, les mêmes riffs à chaque fois — mais où les paroles, le chant et quelques-unes des mélodies changeraient. Qu’est-ce que vous feriez ? Moi, ce que je fais avec cette trilogie, c’est que j’écoute à chaque fois un des volumes au hasard. Je ne sais pas trop ce que ça donnerait d’écouter les trois à la suite.
Ah, et autant sur Kill the King, j’avais essayé de faire un effort pour voir quel lien il pouvait y avoir entre les textes du livret et la musique, autant là, j’ai la conviction que les textes sont du grand n’importe quoi et qu’on peut s’en passer totalement. Pour moi, cette musique-là n’a vocation qu’à être de la musique.
Il y a une critique dithyrambique mais bien informée et bien écrite des trois volumes sur 5:4, je vous y renvoie si ça vous intéresse. Et jetez-y une oreille à ces disques si vous aimez les drones.
Voilà voilà ; à part ça,
* J’ai pas mal écouté Purple Rain de Prince, c’était cool.
* J’ai de nouveau tenté d’écouter Highway ’61 Revisited de Bob Dylan, mais… non. Je n’y « comprends » décidément rien. Cette musique n’a aucune prise sur moi et je n’ai aucune prise sur elle.
* J’ai voulu voir si je trouvais toujours le pop/rock indé des années 00 chiant. J’ai écouté une piste de Modest Mouse, une demi-piste de Death Cab for Cutie (elle m’a ennuyé avant la fin), une piste de Codeine, et je me suis dit que décidément, ce genre-là ne m’intéressait pas ou plus du tout.
* Je me suis rendu compte que je ne connaissais rien en blues. Du coup j’ai écouté un peu de John Lee Hooker et j’ai tout de suite eu l’impression qu’en fait si, je connaissais déjà, pour avoir entendu ce genre de chansons plein de fois sans trop y faire attention. Ça ne me plaît pas autant que Gigi Masin ou Prince, mais déjà plus que le pop/rock indé chiant des années 00, et ça me parle déjà un peu plus que Bob Dylan. Vous écoutez du blues, vous ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire