dimanche 23 décembre 2018

♪ 76 : Rétrospective dysnomique de cinq rêves vénéneux

Il semble que Coin Locker Kid tire son nom d'une histoire pour faire peur, avec une femme enceinte qui abandonne son enfant dans un casier à la gare… du moins c'est ce que j'ai trouvé en cherchant “coin locker kid”. L'histoire n'a rien de très intéressant. L'artiste mérite d'être écouté.

Traumnovelle, c'est du hip hop expérimental introspectif, plus ou moins torturé, où l'on peut entendre entre autres : un instrumental entièrement acoustique avec percussions en bois et chant traditionnel, une histoire récitée par une voix digitale sur un grondement quasi-inexistant, une piste presque rock avec une coda chaotique, un final fragmenté imprévisible… Ça fourmille d'idées, c'est accrocheur et en même temps il y a un sentiment de vide vertigineux dans cet album quand on s'y plonge. Pas de featuring ici, ce ne serait pas vraiment le genre. Ou alors ce serait feat. le fantôme d'un roi fou, feat. un amour perdu, feat. la poussière du grenier.

L'artiste a aussi un projet de phonographies. Et il paraît qu'il a un long album hybride à histoire entre les deux projets qui est un chef-d'œuvre, il faudra que j'écoute ça, parce que Traumnovelle me plaît déjà beaucoup.



Le rock est-il encore du rock si la guitare est remplacée par un oud ou un buzuq¹ ? Aucune importance, l'énergie et l'électricité sont carrément là sur Aynama-Rtama d'Alif, et les chansons en imposent : c'est solennel sans être statique, ça vibre, c'est beau, c'est prenant. Le groupe est libanais et chante intégralement en arabe², le style est personnel et ne sent ni l'emprunt ni la tradition. J'aimerais pouvoir décrire ce disque un peu correctement parce qu'il le mérite, je ne peux que vous le recommander vivement.

¹ Le nom arabe du bouzouki. J'ai regardé, il n'existe apparemment pas d'instrument qui s'appellerait un bashi, hélas.

² Joli point en passant pour le livret, où chaque titre en arabe est typographié de manière à former une ligne séparatrice entre les paroles originales et leur traduction anglaise.



Les Melodìas venenosas de Miss Dinky ont une palette de sons restreinte, un peu primitifs, presque chiptune sans en être vraiment. Sans ressembler à une musique de jeu vidéo en tout cas, ou alors à un vraiment très indé ; c'est de la musique crépusculaire, mélancolique, qui paraît très simple et pourtant reste à moitié dans l'ombre. Ce n'est pas ce que je cherchais du tout quand j'ai écouté l'album, mais j'y reviens assez souvent.

Et en cherchant un lien pour partager ça, j'ai trouvé la chaîne Youtube La Cazouille qui est vraiment cool !




Sur des fondations de techno minimale, Thomas Brinkmann construit des pistes avec des éléments inattendus ou bizarroïdes, des drôles de samples, de la house, du chant, des breaks qui virent parfois carrément au loufoque (genre “Sur Ace”, la piste que j'ai le plus écoutée ces derniers temps). C'est ludique, les grooves sont carrément efficaces, ça touche parfois au génie.

Comme son nom l'indique, Retrospektiv est une compile (qui retrace vingt ans de productions). D'habitude j'évite les best of parce que ça gâche les albums, mais pour la dance music… *haussement d'épaules* j'ai regardé vite fait, la plupart de ces pistes étaient sorties en singles ou EPs de toute façon, certaines pourraient être inédites. En tout cas c'est une sacrée bonne sélection qu'on a ici, dans laquelle piocher comme il vous chante.

J'ai aussi écouté une autre collection de lui, Rosa (pistes choisies sur une sélection d'une douzaine d'EPs), mais j'y accroche nettement moins — trop minimaliste en général, un peu austère.



… Mais si vous préférez les disques qui s'écoutent du début à la fin et que les deux heures trente-huit de Retrospektiv vous découragent, prenez-vous son mini-album en collaboration avec Markus Nikolai et Dominique Petitgand. Avec par exemple une vieille dame qui se plaint d'un parfum à la rose trop fort tandis que des enfants jouent avec des camions, et autres scénarios anodins, aléatoires et absurdes du même genre. À part ça le son n'est pas si différent de Brinkmann en solo, c'est du tout bon, d'ailleurs la dernière piste est une version alternative d'“Isch” (une des meilleures pistes compilées sur Retrospektiv). Quant aux samples que je décris, ils sont tirés de “Le visiophone odorant” de Dominique Petitgand, sans les beats, de la série Cinéma pour l'oreille chez Metamkine (on change tout de suite d'univers !)… Si ça se trouve l'album entier n'est qu'une sorte de mashup ? Ça fonctionne en tout cas. Ah, et ce disque n'a pas de titre, et les titres non plus n'ont pas de titres. Cette phrase me paraît erronnée mais je l'aime bien alors je la laisse.



Je recommande aussi le cinquième EP d'Apparel Wax si vous aimez les disco edits pour danser joyeusement ; comme souvent dans le genre, tout est sans titre et anonyme, Apparel Wax n'étant pas le nom de l'artiste mais celui du label/collectif. Ils sortent plein de disques numérotés sans titres et les vinyles sont accompagnés de gadgets comme dans les paquets de céréales, pour le 5 c'est une… mini-main en gelée verte pour donner de fausses claques avec ? Peu importe.

La troisième piste est tirée d'“I Like It” de DeBarge, je n'ai pas encore cherché les autres !



La répétition est une forme de changement*, mais je crois que parmi les arts, il n'y a que la musique pour savoir en faire un si bon usage sans rien perdre. Dysnomia de Dawn of Midi est un album minimaliste, jazzy et rythmé, mais ce sont ces répétitions qui en font quelque chose d'à la fois relaxant et dansant. Si vous aimez les Necks, vous devriez aimer aussi ! Si vous n'avez jamais écouté les Necks, écoutez les Necks. (Aquatic ou Chemist sont mes préférés pour le moment.) Mais vous pouvez écouter Dysnomia aussi. Et pour d'autres disques du genre, je vous renvoie à la liste “Minimal Improvisation / Tonus-Music / Zen-Funk” de Selenaru_Negrea.

* Dixit… qui déjà ? Je me souvenais de ça dans un cours sur le modernisme en poésie mais Google dit que c'est une carte des Stratégies obliques de Brian Eno et Peter Schmidt, et que la citation serait de Peter Schmidt. À l'origine, ou l'a-t-il prise ailleurs ? À vérifier.