Sparks Fly Upward de l'Alex Cline Ensemble commence sur une piste éparse, douce et chaude ; la deuxième piste dérange déjà plus avec ses dissonances et percussions rapides en contraste avec les autres instruments. Sur la piste-titre, on atteint carrément le sublime, avec la froideur de ses silences et de ses espaces, son tempo lent, la beauté solenelle de ses mélodies et de son chant… à écouter par une journée froide et solitaire. Elle fait une demi-heure et est dédicacée à Andreï Tarkovski ; les paroles sont tirées de son journal intime (d'ailleurs toutes les pistes sont dédicacées). Suivent les brûlantes percussions d'“Arroyo Taiko” et “Audacity”, et le final “Sonnet 9” qui rappelle de nouveau la lenteur et la beauté de “Sparks Fly Upward”, en plus calme. Ça peut paraître hétéroclite, mais ça fonctionne très bien. C'est le troisième disque que j'écoute avec Alex Cline, il a une sensibilité minimaliste qui me plaît beaucoup. Il est batteur et compositeur. Ah oui, et c'est du jazz (avec des allures de musique de chambre contemporaine).
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Le dernier Ben Frost fait mal (et fait du bien). C'est un disque brutal, radical, beau, éminemment actuel — et aussi, pour la première fois, politique. Le titre vient d'un poème de W. B. Yeats, “The Second Coming” ; je vous conseille de le lire en entier et en version originale si vous ne le connaissez pas déjà, sinon ce passage vous donnera une idée : « Tout se disloque. Le centre ne peut tenir. L’anarchie se déchaîne sur le monde comme une mer noircie de sang : partout on noie les saints élans de l’innocence. Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires se gonflent de l’ardeur des passions mauvaises. » (trad. Yves Bonnefoy)
The Centre Cannot Hold présente des actes de violence d'une esthétique superbe, accompagnés de moments de douceur fugaces — quelques secondes d'anticipation avant la déflagration comme sur “A Single Hellfire Missile Costs $100,000”, ou bien la beauté du désespoir sur “All That You Love Will Be Eviscerated”. Comme ses albums précédents, The Centre Cannot Hold est inclassable. S'agit-il encore de musique électronique ? Très peu de sons ont l'air électroniques ici. On retrouve Steve Albini à la production, et si vous aimez le style Albini, vous devriez vous régaler. J'avais reproché à A U R O R A sa trop grande linéarité, ici rien à redire — malgré son agressivité, le disque ne manque jamais de subtilité.
Seule la pochette semble manquer d'esthétique au premier abord, mais elle prend sens avec l'écoute ; son allure de drapeau, cette tension irréconciliable entre deux éléments tranchés. Sur le CD, il y a une face mate, une face brillante et le titre gaufré, et à l'intérieur, une marée de liquide bleu et noir qui engloutit tout.
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On continue dans la noirceur contemporaine avec l'album éponyme de Pessimist, de la drum and bass minimale atmosphérique qui sent les vapeurs de clope froide au fond d'une impasse non éclairée à deux heures du matin. Et quand je dis drum and bass, honnêtement, ça ne s'entend pas tout de suite — le disque commence par des pistes si lentes et froides qu'on est plus proche du dark ambient, avec une ambiance qui est par la suite nettement plus proche de la techno industrielle.
Si une bonne première moitié de l'album reste dans ce registre glauque, c'est quand les choses se réveillent que l'album brille vraiment. “Peter Hitchens” est une des toutes meilleures pistes sorties cette année. Par contre, à ce que j'ai lu, Peter Hitchens semble être un connard réactionnaire qui nie tout ce dont il ne veut pas entendre parler ; dommage.
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Pour respirer un peu, on peut se plonger dans le catalogue de Good Looking Records, un des labels majeurs de drum and bass atmosphérique dans les années 90. Les deux-titres d'Artemis (Elysian Fields / Desiderati et Inner Worlds / Sun Stars) sont nickel, Mr Nice de Big Bud aussi avec un son plus jazzy…
Et du même artiste en long format, Infinity + Infinity est une vraie perle. Cette musique est résolument dualiste, elle fait planer et voyager l'esprit tout en faisant bouger le corps sur des rythmes endiablés, une superposition de deux rythmes complètement différents dans une atmosphère qui peut évoquer un voyage spatial. Puis on atteint une sorte d'unité avec les sons plus lents et le saxophone des deux dernières pistes. Pas un temps mort ni un raté sur 70 minutes ; je ne comprends pas vraiment les gens qui disent que ce genre a mal vieilli.
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Autre type de voyage spatial en musique : Vuoto de Nō (un alias de Fabio Perletta, fondateur du label Farmacia901). C'est aussi prenant mais nettement plus froid, une exploration de confins inconnus et de phénomènes étranges ; on se retrouve au milieu de drones déstabilisants ou hypnotisants, il y a des notes qui forment des mélodies que l'on aurait du mal à reconnaître comme telles. Une piste est nommée d'après la division d'Encke à l'intérieur de l'anneau A de Saturne. Ça peut fonctionner en musique d'ambiance, si l'on n'a pas peur des blips amélodiques et des vibrations stridentes.
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Broken Glass Arch de Djrum est un vrai bijou. La piste-titre combine polyrythmes, xylophones, claquements de mains, chants… en un hommage aux musiques africaines qui pourrait aussi rappeler certains titres récents d'UK bass si on les sortait de leur urbanité glauque ; la première partie de “Showreel”, sans beats mais avec piano, basse et violon, n'est que pure émotion, et la seconde partie combine les deux en rajoutant une touche de bass music. C'est magistral. Inclassable aussi, honnêtement Resident Advisor classe ça dans la techno mais ça n'y ressemble pas.