lundi 27 octobre 2014

mini-tests de jeux vidéo : Machinarium, The Unfinished Swan, Borderlands 2

Récemment, j'ai joué à :

Machinarium. C'est un point and click où on incarne un robot qui a été jeté à la décharge ; il veut retrouver sa copine puis s'échapper avec elle de la grande ville des robots, tout en évitant les vilains robots aux chapeaux noirs qui ne font rien qu'à persécuter les autres. L'histoire est complètement bidon mais les personnages sont sympathiques et les situations rigolotes, et surtout, ce jeu est beau ! Que ce soit au niveau des graphismes ou de la musique, Machinarium est attachant et a du cachet. Le fait qu'il soit « muet » lui donne du charme en plus sans entraver la compréhension.

Au niveau gameplay, ben… c'est du point & click. Et c'est pour ça que je n'ai acheté Machinarium qu'en soldes à trois ou quatre euros, pour redonner une chance à ce genre que je n'ai jamais vraiment aimé. OK, j'aime les jeux calmes, l'exploration et la réflexion, mais les point & click auxquels j'ai joué jusqu'ici m'ont surtout procuré de la frustration… Je n'ai d'ailleurs jamais pu en finir un seul sans soluce. (Je passe la plupart de mon temps à bloquer complètement, à cliquer désespérément sur le moindre petit élément de décor, à tenter en vain plein de combinaisons d'objets qui ne font aucun sens, au cas où, même si je les ai déjà essayées plusieurs fois, à avoir la certitude que « mais bordel j'ai absolument TOUT essayé, là ! y'a RIEN qui marche ! » alors que ce n'est pas le cas… bref. Mon cerveau a de gros problèmes de compatibilité avec ce genre de jeux. Je suis peut-être un peu débile.)

Mais les énigmes de Machinarium sont, pour la plupart, raisonnables et bien pensées. Et puis pour varier, il inclut pas mal de mini-jeux et autres énigmes logiques, casse-tête, etc. Par exemple un mini-jeu de tir, ou un jeu de « super tic-tac-toe » où il faut aligner, contre un adversaire dirigé par l'ordinateur, cinq symboles identiques sur une grille de 10 × 10 (ce qui, contrairement au tic-tac-toe classique, est un défi intéressant ! Même après avoir gagné, ce qui m'a pris une quinzaine d'essais, j'ai refait ce jeu plusieurs fois pour le fun). Et si vous êtes comme moi et que vous bloquez quand même, les développeurs ont eu la bonne idée d'inclure la soluce directement dans le jeu ! Dans le menu-inventaire, on peut cliquer sur une ampoule pour avoir un indice, et si ça ne suffit pas, on peut aussi cliquer sur le livre de la soluce. Avant de pouvoir ouvrir ce dernier, il faut réussir un autre mini-jeu de tir, facile, mais qui prend juste assez de temps pour qu'on se demande « Est-ce que j'ai vraiment besoin de la soluce ? Je pourrais peut-être chercher encore un peu ? ». (Ce qu'on peut reprocher à ce système, c'est le fait que le jeu récompense la triche : déjà par le mini-jeu, puis par les pages du livre de soluce, qui sont toutes dessinées à la main et, quelque part, font partie de l'univers.)

Machinarium est un chouette jeu, qui a su me plaire alors même que je n'aime pas tellement le genre. Je m'en souviendrai un bon moment aussi. Je vous le recommande.


The Unfinished Swan. On dirait un livre pour enfants interactif ! On se retrouve dans un monde entièrement blanc et sans ombres, où tout est donc totalement invisible, et il faut lancer des bulles d'encre noire sur les objets et les murs pour que les reliefs apparaissent… Il y a trois ou quatre chapitres différents, chacun apporte une modification au principe de base (par exemple, à un moment on se met à lancer de l'eau qui fait grandir des plantes plutôt que de l'encre). L'histoire est simple mais bien amenée et pas niaise, avec un protagoniste enfant (dont la mère vient de mourir), un pinceau magique, et surtout un roi-artiste omnipotent et prétentieux qui est le vrai personnage principal de l'histoire.

The Unfinished Swan n'est pas très profond, mais il a du charme et est très agréable. Un beau petit jeu qui change de l'ordinaire ! Je lui reproche seulement d'être trop court (même si je le refais volontiers pour trouver tous les ballons cachés, en tout, ça ne prend pas beaucoup plus de quatre ou cinq heures), et le principe des plantes grimpantes à faire pousser qui est un peu lourdingue dans le deuxième chapitre (il faut jeter de l'eau dessus, encore, et encore, et encore, plein de fois jusqu'à ce qu'elles poussent là où on veut).

Je vous le recommande si vous le voyez en soldes et/ou que vous aimez les jeux esthétiques contemplatifs !


Borderlands 2. Ce jeu sera plus intéressant à analyser d'ici une vingtaine d'années qu'à critiquer aujourd'hui : c'est un pur produit de son époque. Une sorte de condensé de « culture geek » du début des années 10, un mélange de toutes les tendances populaires de ces dernières années.

☐ FPS avec deux ou trois éléments de RPG ? Check. ☑
☐ Un jeu défoulant où la mort n'est pas pénalisante, ou alors très rarement ? Check. ☑
☐ Contenus additionnels téléchargeables en pagaille ? Check. ☑
☐ Univers sans merci et personnages-types « gros durs » ou « rebelles », mais avec des défauts quand même parce que plus personne ne croit aux héros parfaits aujourd'hui ? Check. ☑
☐ Des tonnes et des tonnes de références et de blagues diverses ? Tomáš Garrigue Masaryk. ☑ (Cet homme fut, paraît-il, un très grand Tchèque.)

Pourtant, ce jeu a largement de quoi convaincre.

La planète Pandora est une terre hostile, où les gens sont des opportunistes sans pitié et/ou des crétins finis, où la mort guette derrière chaque rocher, où tout le monde parle cru et où le désespoir est monnaie courante, blablabla, vous voyez le topo ; une ambiance un peu space western aussi, avec des plaines arides et des musiques d'exploration plutôt calmes, et même mélancoliques. Ce calme relatif et cette noirceur sont absolument nécessaires pour contrebalancer le déluge d'humour que charrie le jeu en continu. Une blague toutes les cinq minutes en moyenne, je dirais. De l'humour noir, bien sûr (il pourrait difficilement en être autrement vu le cadre), mais souvent franchement drôle et agréablement débile. Prenez par exemple le robot Claptrap, sorte de mascotte de la série : un robot à la fois solitaire, désespéré, et un joyeux drille pathétique qui agace tout le monde sans s'en rendre compte. D'un côté, il est hilarant, de l'autre on ne peut que ressentir de la sympathie et un peu de pitié pour lui. Le personnage parfait pour la série.

Quant aux références… c'est tout bonnement affolant. Il doit y en avoir, sans exagérer, plusieurs centaines en tout. Je crois qu'à moins d'avoir séjourné dans une grotte au pôle sud pendant les cinquante dernières années, il est impossible de n'en capter aucune — et qu'à moins d'être une espèce d'übergeek insomniaque atteint de téléphagie pathologique, il est impossible de les capter toutes. Est-ce une bonne chose ? … Je ne sais pas trop. Forcément, les références, ça instaure une relation de connivence entre les créateurs du jeu et la personne qui joue, ça fait sourire aussi parce que ça donne souvent des parodies ; mais en général, ça ne *dit* rien d'intéressant. C'est artificiel. Parfois, ça paraît vraiment forcé. Dans un jeu sérieux, je n'aime pas trop. Ici… ma foi, c'est tellement dans le ton que ça passe bien.

Borderlands 2 est un FPS en monde ouvert conçu pour être le plus fun possible. On récolte plein d'armes tout le temps et elles sont pour la plupart générées aléatoirement, avec telle ou telle capacité spéciale, telles ou telles caractéristiques… Du coup il y a toujours un peu de gestion d'inventaire à se taper, mais ce n'est jamais trop grave si on jette une arme par erreur : il y en a toujours d'autres à récupérer un peu partout. Quand on meurt, on a droit à quelques secondes d'agonie (?) pendant lesquelles on peut revenir à la vie si on arrive à tuer un ennemi. On peut même le faire plusieurs fois de suite, la durée diminue simplement à chaque fois ; c'est un mécanisme qui fait qu'on peut foncer dans le tas sans trop se soucier des conséquences quand il y a plein d'ennemis à l'écran, il faut juste faire attention quand il n'y a qu'un ou deux balèzes. En général, Borderlands 2 est facile. (À quelques exceptions près, mais je joue très mal aux FPS de manière générale donc vous pouvez dire « ultra facile » si vous êtes du genre à vous vanter de vos scores.) Quant aux éléments RPG, ce sont : des quêtes secondaires, des niveaux à gagner, et des arbres de compétences à remplir pour avoir des capacités spéciales (selon le personnage que vous avez choisi, qui incarne aussi sa classe et est un peu customisable — mais pas beaucoup).

Borderlands 2 a également une très bonne durée de vie… d'ailleurs je ne l'ai pas encore fini. Mais je fais une pause. Parce qu'autant ce jeu est franchement drôle, prenant et agréable, autant au bout de plusieurs mois de jeu (je joue lentement), le gameplay commence à être un peu répétitif et les blagues un peu trop nombreuses. C'est un jeu qui est excellent en sessions d'une à trois heures, une fois de temps en temps. Donc oui, je le laisse de côté quelque temps, là — mais je pense que je le retrouverai avec plaisir. Je ne dirais pas qu'il est trop long. (En fait, le seul jeu trop long que je connaisse, c'est Persona 3.)

À noter que je parle ici de la durée du jeu en « mode vanille », sans aucune extension ni contenu additionnel payant (DLC). Borderlands 2 vous fait de la pub pour ses DLC tout le temps : quand vous sélectionnez votre personnage au tout début, il y en a quatre gratuits et deux payants (qui sont listés au-dessus des gratuits). Quand vous utilisez la station de téléportation, les lieux accessibles en DLC sont listés avant les lieux où vous pouvez aller. Ça reste moins lourdingue que ce qu'ont pu faire d'autres jeux, ça s'ignore facilement au final, mais ils poussent un peu beaucoup quand même. Alors que le jeu sans DLC est on ne peut plus complet : vous en avez, du contenu à parcourir ! Surtout que les zones et les ennemis ont des niveaux fixes, et que si vous faites déjà toutes les quêtes du jeu sans les DLC, vous vous retrouverez en général avec un niveau un peu élevé par rapport aux quêtes disponibles. À mon avis, ces contenus optionnels sont surtout là si vous voulez recommencer une partie et voir d'autres endroits. Sinon, vous pouvez vous en passer.

Bref (ce test est devenu bien plus long que prévu), Borderlands 2 est un jeu qui aguiche le chaland et caresse les geeks dans le sens du poil de manière complètement éhontée — et que pourtant je recommande. C'est un jeu qui me conforte dans l'idée qu'au final, les tendances des jeux vidéo « grand public » actuels ne sont pas toutes forcément mauvaises… (Ce qui est un autre débat que j'aborderai une autre fois. Peut-être.)

P. S. Ah, j'allais oublier : si vous n'avez pas fait Borderlands 1, il y a des événements dont vous entendrez parler au lieu de les avoir « vécus », mais rien qui vous empêchera de suivre l'histoire. Borderlands 2 est la suite directe du 1 mais avec un autre personnage principal, et au niveau gameplay, c'est tout simplement pareil en mieux.

dimanche 19 octobre 2014

♪ 26 : le premier champ de novembre parle de silences, de rétribution et de mots inconnus

Il y a quelques semaines, je tombe presque par hasard sur ce qui est peut-être la première composition majeure du minimalisme contemporain — et qui semble avoir été complètement oubliée. November de Dennis Johnson, une piste pour piano composée en 1959, qui dure plusieurs heures et qui inspira La Monte Young pour son fameux Well-Tuned Piano.

The Well-Tuned Piano, justement, je n'ai jamais su l'apprécier. J'ai beau aimer le minimalisme et m'intéresser à la musique microtonale, je ne ressens qu'un sentiment d'incompréhension, d'inconfort puis d'ennui à l'écoute de ce mastodonte. November, par contre… c'est une musique tonale, beaucoup plus claire, qui me parle. Novembre. L'arrivée du froid, du brouillard, le temps qui semble ralentir, une douce mélancolie qui pousse à l'introspection. C'est une musique à écouter par temps gris, une musique qui évoque la pesanteur et malgré tout une beauté qui ne s'estompe pas, même au fil des heures. On peut détester novembre, il y a toutes les raisons de le faire, mais quelque part j'aime ce moment de l'année — et cette musique en est l'illustration parfaite.

November était une œuvre perdue jusqu'à récemment : c'est Kyle Gann, compositeur, professeur et critique, qui l'a découverte et reconstituée patiemment (des mois de travail). Il en existe deux interprétations récentes : une jouée par Sarah Cahill en concert que l'on peut télécharger ici, et celle que j'ai écoutée, jouée par R. Andrew Lee et sortie en 2013 sur quatre CDs. (Les CDs s'enchaînent sans transition grâce aux silences de la composition ; on ne perd donc rien pour peu qu'on écoute la version digitale.)

Si ça vous intéresse, il y a une critique en français plus étoffée ici. Et la page officielle de l'album est ici.




Les Legendary Pink Dots sont un groupe unique. Un groupe de rock qu'on dit psychédélique, mais qui semble plutôt « venir d'ailleurs » qu'avoir quelque rapport que ce soit avec les drogues et leurs effets ; un groupe qui raconte de vraies histoires, toujours un peu grinçantes, qu'on pourrait qualifier de contes modernes dans de nombreux cas (c'est l'un des rares groupes dont je lis presque toujours les paroles) ; un groupe enfin étrangement populaire chez les amateurs de musique industrielle*. Peut-être en partie parce que cEvin Key a collaboré avec Edward Ka-Spel… peut-être aussi pour des penchants expérimentaux et des ambiances pas vraiment gothiques, mais à la fois sombres, enchanteresses et dérangeantes.

Nemesis Online est leur album « de fin de siècle », et on y trouve des sons électroniques, des passages bruitistes, du jazz déglingué… une hantise, une anxiété au milieu du tumulte des ténèbres et des lumières électriques. C'est un très bon album. Peut-être mon préféré du groupe pour le moment après 9 Lives to Wonder.

* Suffit de regarder la page « artistes similaires » sur last.fm pour s'en convaincre. Coil, Nurse with Wound, Tuxedomoon, Psychic TV… en fait, sur les quinze artistes recommandés de la première page, j'en écoute quinze et j'en aime quinze. Alors que c'est un tout autre genre.




Vous avez déjà écouté First Utterance de Comus ? Cet album est fou. Je l'écoute une fois tous les cinq ans, mais je comprends pourquoi il est si apprécié. C'est un disque de freak folk progressif sorti en 1971, et on dirait un conte mythologique ; une ambiance champêtre et pastorale, avec des histoires de meurtre, de viol, d'enfermement et de folie... Une beauté réelle, mais qui baigne dans la cruauté et la perversion. C'est très mélodique, parfois dissonant mais pas musicalement « sombre » ; certains y entendent même des ressemblances avec Jethro Tull ou Amon Düül II. On comprend aussi aisément pourquoi ça a inspiré David Tibet (Current 93), même si lui interprète le folk torturé de manières très différentes. Pour autant, je ne connais rien qui ressemble vraiment à First Utterance.

Beaucoup considèrent cet album comme un chef d'œuvre et un disque majeur dans l'histoire du genre. J'aurais tendance à leur donner raison, même si mes connaissances en folk sont très limitées.




Ça faisait déjà quelques années que je connaissais le sixième disque de Supersilent. J'avais mis pas mal de temps à l'apprécier : un disque de free jazz qui incorpore des éléments électroniques, une musique pas vraiment chaotique ni structurellement difficile mais qui me déstabilisait par son côté à la fois calme et choquant, atmosphérique mais perturbé, qui semble dire à la fois « fais attention » et « laisse-toi porter ». Aujourd'hui je l'aime vraiment, sans pouvoir trop expliquer pourquoi. J'attendais ça pour découvrir leurs autres disques.

J'ai donc écouté les numéros 1, 2, 5 et 10. Supersilent 5 me plaît autant que le 6 je crois, et je l'ai apprécié tout de suite. Des mélodies et des rythmes qui se détendent, s'effilochent presque sans perdre leur forme au milieu des silences… L'image qui me vient en tête, là, ce sont ces organismes translucides microscopiques qu'on voit parfois filmés en gros plan, en train de nager dans une mer qui semble être un espace complètement noir et vide. Mais c'est une image un peu forcée. J'ai tout de suite aimé Supersilent 5 parce qu'il s'écoute de la même manière qu'un disque de lowercase : dans une sorte d'état méditatif. Mais les sons sont nettement moins froids que dans le lowercase. À l'écoute, je ne sais jamais trop ce qui va arriver mais je sais que ça sera beau, ou du moins que ça me touchera.

Le n° 10 (qui a deux fois plus de pistes et est deux fois plus court) est beaucoup plus ambient, sans percussions, très léger… plus classique aussi. Les volumes 1 et 2 sont à l'opposé, bruyants, presque bruitistes (je ne pense pas les écouter très souvent). Je ne sais pas encore à quoi ressemblent les autres. Ce groupe est intéressant en tout cas !




A Field for Mixing de Richard Chartier est un bel album minimaliste en deux parties.

La première, “Fields for Recording 1-8”, est comme son nom l'indique un montage de phonographies ; 48 minutes de présences constantes mais très discrètes. On sent qu'on est quelque part ailleurs, sans savoir vraiment où — et en même temps, c'est très peu intrusif, on peut même facilement oublier qu'on est en train d'écouter quelque chose. Je pense qu'en vrai, les endroits où l'artiste a enregistré les sons doivent sembler incroyablement calmes, quasi-silencieux. Le silence en soi n'a rien d'intéressant et ne se ressent que par contraste ; mais là, ces quasi-silences sont beaux et agréables.

Puis “A Desk for Mixing”, la deuxième partie, combine et modifie des phonographies pour en faire une piste ambient, avec un motif rythmique-mélodique récurrent. Ça reste une musique discrète et simple, mais après la quasi-absence précédente, le contraste est saisissant. C'est ça qui fait en grande partie l'intérêt du disque : on passe d'un presque rien « naturel » à un presque rien « artificiel », et la différence est impressionnante.

À écouter au calme, impérativement.




Klara Lewis pourrait donner goût au dark ambient à des personnes qui n'aiment pas ça. Sur son premier album, Ett, elle crée des sortes de sculptures sonores qui pourraient facilement changer de genre si elles le voulaient. C'est fait à partir de phonographies, mais des phonographies très « musicales », montées en boucles pour former des rythmes ; pas de grandes étendues, mais des juxtapositions riches et détaillées. Dans les pistes du début, on approche d'une dub techno noircie, presque crasseuse. À d'autres moments, les sons prennent des allures presque acoustiques. Puis on ne sait pas du tout là où on est, les évocations d'un son contredisent celles des autres, les vagues de sons deviennent tumultueuses… (“Muezzin” est particulièrement flippante.)

Klara Lewis vient de Suède, c'est la fille du bassiste de Wire, et elle a du potentiel. Ett est un bon album en tout cas, qui ne manque pas d'originalité.




Koch de Lee Gamble est un album de techno expérimentale intéressant. Il suit plusieurs tendances actuelles, avec ses beats quasi-industriels, ses toiles de fond quasi-ambient, un tout petit peu d'influences dub techno aussi, mais dès qu'on commence à se sentir en terrain familier (et ce familier-là n'a rien de péjoratif : des pistes comme “Motor System” sont assez classiques mais très efficaces), la musique se met à dévier de sa trajectoire. Les beats deviennent difficiles à suivre, les mélodies deviennent dissonantes, on a des tensions qui ne se résolvent pas à proprement parler… mais autour desquelles Lee Gamble étoffe ses morceaux de telle manière à ce qu'elles finissent par devenir agréables par elles-mêmes. On sait à quelle vitesse on va, on croit connaître le véhicule, mais le trajet est inconnu. “HMix” me fait presque penser à du Ken Ishii. “Voxel City Spirals” donne l'impression d'être dans un clocher géométrique sombre sans savoir où est le haut et où est le bas. “Jove Layup” a un côté très club, mais comme vu à travers des vapeurs noires d'usine. L'album dure 75 minutes, ce qui est beaucoup, mais comme l'album est à la fois prenant et surprenant, c'est une bonne durée.

L'artwork est également très chouette je trouve, avec son alphabet qu'on dirait presque lisible (ça ressemble un peu à “Koch”, le mot sur le devant..? et on croit reconnaître les lettres A, B, C, D sur les étiquettes du vinyle) mais qui ne l'est plus du tout dès qu'on ne sait plus à quels mots s'attendre !




Et puis oui, il y a Syro aussi. C'est un album plus qu'honorable, avec des sonorités “acid” comme je m'y attendais (Richard D. James n'avait sorti que ça depuis quelque temps, non ?), mais quand même plus IDM et plus varié que ses disques signés AFX et The Tuss*. Ce n'est pas la révolution stylistique que certains attendaient** mais peu importe, chaque piste est intéressante par elle-même, Richard a vraiment soigné les détails (plus j'écoute les pistes, plus je trouve qu'elles ont beaucoup à offrir). J'aime particulièrement les quatre premières, les plus calmes, la mélodie sur “syro u473t8+e (piezoluminescence mix)” qu'on dirait sortie d'un Sonic de l'ère Megadrive, et la finale au piano avec des oiseaux qui font cui-cui dans le fond (pour changer des boîtes à rythmes qui font TktrKTKRKQTKRKXTZKrkRkXz).

Il y a deux trucs que je reproche souvent à Aphex Twin : (1) le fait qu'il s'excite un peu trop sur les boîtes à rythmes, ce qui finit par me fatiguer, et (2) un certain manque de cohérence dans la construction de ses albums. Pour ces deux raisons, pas mal de ses disques sont intéressants mais lourdingues, moins bons que l'ensemble des pistes qui les composent en fait. Syro évite plutôt bien ces deux écueils, chaque piste étant réussie, agréablement mélodique et jamais trop chaotique, et l'album ayant dans son ensemble une assez bonne unité de style. Seule “180db_” pourra en rebuter quelques-uns, je crois.

Donc oui. Après un mois et quatre écoutes, je crois même que Syro fait partie de mes disques préférés de Richard D. James. Après Selected Ambient Works Volume II quand même, mais à peu près au même niveau qu'…I Care Because You Do. Je crois même que ça pourrait être une bonne entrée en matière pour qui n'aurait jamais écouté Aphex Twin !

* Mes excuses à Karen et Brian Tregaskin s'ils existent réellement.

** Comme drukQs avait pu l'être, quelque part. Mais drukQs était tellement long et aggressif que je ne pense pas le réécouter de sitôt. Et puis franchement, c'est rare qu'un artiste se réinvente radicalement après plus de vingt ans de carrière, non ? (OK, Scott Walker l'a fait. Mais Scott Walker, c'est un cas exceptionnel. D'ailleurs j'ai hâte d'écouter Soused.)

vendredi 17 octobre 2014



(Ça, c'est la vidéo pour “Motor System” de Lee Gamble, tirée de son album KOCH dont je parlerai bientôt. La vidéo est signée Cyrk.)

mardi 14 octobre 2014

Lectures (5) : le homard voyageur se berce dans l'ombre de la fin des cartes, aveuglé par le fameux rire des fantômes

Si par une Nuit d'Hiver un Voyageur d'Italo Calvino est l'histoire d'un lecteur qui achète Si par une Nuit d'Hiver un Voyageur d'Italo Calvino, mais ne peut pas le lire parce que le texte imprimé n'est pas correct. Il veut poursuivre sa lecture quand même et s'embarque dans une histoire rocambolesque pour retrouver le bon texte… C'est un roman très bien pensé, expérimental mais léger et plein d'humour, sur la littérature et la lecture. L'auteur s'amuse à jouer avec ses deux lecteurs (le personnage du livre et vous), et… je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher les surprises ! Mais la dernière pensée que j'ai eue le refermant le bouquin fut « C'est génial ».

(Le défaut du livre, inhérent à son concept, c'est qu'il suppose que vous vous identifiiez au lecteur-type imaginé par Calvino quand il a écrit son livre : à savoir un Italien, vivant à la fin des années 70, qui aime les femmes et la lecture. Évidemment, ce ne sera pas votre cas. Vous aurez sans doute également d'autres frustrations en lisant le livre, mais elles sont volontaires et… et je ne vous en dis pas plus.)

Si par une Nuit d'Hiver un Voyageur semble épuisé, je ne l'ai trouvé nulle part en librairie. Mais on peut le trouver d'occasion, et je vous le conseille.

(En passant, si vous avez vu et aimé Holy Motors, de Leos Carax, vous devriez apprécier ; conceptuellement, les deux œuvres ont pas mal de points communs. (Et personnellement, je préfère celle de Calvino.))





Je ne suis pas l'actualité littéraire — même pour ce qui est des classiques, je suis vraiment inculte en littérature française —, mais j'ai voulu essayer un bouquin de Michel Houellebecq. Par curiosité. J'ai donc pris La Carte et le Territoire, pas tellement parce que c'était ce roman-là qui avait reçu le fameux prix Goncourt (est-ce qu'il faut se fier aux prix en littérature ?) mais parce que ça semblait être le seul de ses romans en rayon à ne pas trop parler de sexe.

La Carte et le Territoire est le portrait d'un artiste qui devient, presque par hasard et du jour au lendemain, extrêmement riche et reconnu. Houellebecq lui-même est un personnage important dans l'histoire, et on retrouve d'autres vraies personnalités françaises au fil du récit (Frédéric Beigbeder ou Jean-Pierre Pernaut par exemple). Le livre est en partie un prétexte pour l'auteur à donner son opinion sur un peu tout ce qui lui vient par la tête… et surtout une sorte d'autoportrait. Difficile de ne pas voir en Jed Martin, le personnage principal, une projection : ce que Houellebecq ferait s'il était artiste et avait un train de vie plus sain. (Il présente quatre idées d'œuvres, qui lui paraissent manifestement excellentes.) Et puis, ce Jed Martin est un personnage presque neutre, comparé à Houellebecq qui se peint lui-même de manière beaucoup plus marquante. Il y a aussi une intrigue, mais elle est un peu balancée comme ça, elle sort de nulle part pour faire avancer le livre et ne mène pas beaucoup plus loin.

Je lis surtout des romans étrangers, et La Carte et le Territoire m'a paru incroyablement français. Peut-être même parisien, et presque jusqu'à la caricature. Par son côté désabusé/pessimiste, intellectuel, et en même temps indolent et hédoniste (à commencer par le personnage de Houellebecq même : l'artiste génial complètement négligé, sale, débauché, qui procrastine, boit, etc). Mais la manière qu'a l'auteur de présenter la France donne l'impression qu'il ne connaît vraiment que son milieu privilégié, celui des célébrités et des gens riches — ce monde confortable du paraître, où l'on est invité partout tout le temps et où les problèmes sont plus théoriques qu'autre chose, on en discute flûte de champagne à la main sans les vivre. (Ce dernier point change à la fin du roman, cela dit.)

Et puis, à plein de moments, pour plusieurs raisons, je me suis dit que Houellebecq abusait franchement. C'est un écrivain qui ose, qui adopte un style « neutre » au point de choquer (et n'hésite pas à paraphraser Wikipédia), qui laisse voir toutes les ficelles de son récit, qui se présente lui-même sans y aller avec le dos de la cuillère. Ça m'a fait sourire, mais ça pourra en agacer et en rebuter d'autres.

Malgré toutes ces critiques, j'ai pris plaisir à lire La Carte et le Territoire. C'est un livre qui ne manque pas de personnalité. C'est juste qu'il est moins bien construit, moins bien écrit que les autres livres que j'ai l'habitude de lire… Peut-être volontairement ? À lire, pourquoi pas, mais plutôt à emprunter à la médiathèque du coin qu'à acheter.

(On m'a dit que ce n'était pas le meilleur de Houellebecq, ce que je veux bien croire.)




Après l'excellent Oryx & Crake*, j'ai voulu essayer un autre livre de Margaret Atwood et j'ai lu The Blind Assasssin.

The Blind Assassin est un drame familial qui part du suicide de la sœur de la narratrice. Cette narratrice est aujourd'hui une vieille femme grincheuse et amère, qui déteste le monde dans lequel elle vit, et elle retrace les événements de la vie de sa famille. Et — l'intérêt principal du livre est là — c'est une présentation assez fine de l'évolution des relations sociales au cours du XXe siècle. C'est un drame où les personnages sont victimes des mœurs et des changements de leur époque ; on peut avoir de l'empathie ou au moins comprendre les motivations de tous, même des manipulateurs apparents.

Il est aussi question d'un roman posthume écrit par la sœur, ouvrage qui avait choqué en son temps : une histoire d'amour entre une femme riche et élégante et un écrivain de pulp novels désargenté. Lui invente pour elle une histoire fantastique peu crédible, dans un monde lointain avec des morts-vivantes séductrices, un culte et des croyances étranges, une jeune femme en danger, etc. — bref, le genre d'histoires racoleuses et improbables qu'il vend d'habitude. Il la lui raconte, épisode par épisode, lors de leurs rendez-vous amoureux.

On a donc une histoire complètement extravagante [le récit de science-fiction de l'écrivain], à l'intérieur d'une histoire peu crédible, idéalisée [le roman d'amour de la sœur], elle-même à l'intérieur de la réalité du roman, crédible, mouvementée mais dure et au final un peu déprimante. The Blind Assassin est un bon roman, mais on peut trouver qu'il est un peu long. Et il a un goût amer. L'auteure semble presque s'en excuser vers la fin : ce ne sont pas les vies heureuses qui font les bonnes histoires… The Blind Assassin rappelle que la vie n'a en soi rien de juste et que les récits sont éphémères. Sont-ils utiles pour autant ? … (Pour moi oui, sans l'ombre d'un doute. Mais c'est aussi là un des thèmes du livre.)

Je continuerai à lire d'autres romans d'Atwood, parce qu'elle est manifestement douée et capable d'écrire des choses très différentes. Mais j'ai préféré Oryx & Crake.

* Qui est la première partie d'une trilogie de science-fiction. J'en parlerai quand je l'aurai lue en entier, là j'ai fini les deux premiers tomes et j'entame le troisième. Mais je peux déjà vous la recommander vivement !




L'Ombre du Vent de Carlos Ruiz Zafón raconte l'histoire de Daniel Sempere, un jeune Espagnol qui découvre un jour, dans une bibliothèque secrète où sont gardés des livres « oubliés », un livre passionnant écrit par un certain Julián Carax, auteur que très peu de gens semblent connaître. Il découvre que si cet auteur est inconnu, c'est en partie parce qu'une personne cherche assidûment ses ouvrages pour en détruire chaque exemplaire… Commence une enquête dans la Barcelone franquiste, qui ne porte pas tant sur les livres mêmes que sur la vie de Carax (aussi mouvementée que celle du protagoniste). Ça devient une intrigue qui tient en haleine et où on s'attend à ce que les choses tombent dans le surnaturel d'un moment à l'autre ; difficile de refermer le livre !

À côté de ça, il est question des amours du protagoniste (parce qu'il devient vite adolescent, que les ados, un rien les séduit, et que les personnages féminins ont effectivement du charme), d'un personnage fantasque qui apparaît au bout de plusieurs dizaines de pages, le tout sur fond de régime autoritaire (surtout incarné par le personnage de Fumero, un flic véreux, vicieux, tellement haïssable qu'il en devient presque inhumain). L'Ombre du Vent a aussi quelques inspirations gothiques : Zafón affectionne les personnages torturés, les cadres abandonnés, les scènes impressionnantes… sans tomber dans l'excès. Ça ne fait qu'ajouter au charme du livre.

C'est un roman à succès et je comprends pourquoi, il est vraiment prenant ! J'en lirai volontiers d'autres du même auteur.




Cronopes et Fameux de Julio Cortázar est un petit recueil de textes courts tout à fait sympathique. Une sorte d'humour absurde et surréaliste, avec des manuels sans utilité pratique, des personnages inventés improbables, des hurluberlus qui agissent de manière hurluberluesque et des petits quasi-non-sens qui sont peut-être très malins et peut-être complètement idiots. Un extrait :

«  Il faut vous dire que les tortues sont grandes admiratrices de la vitesse et c’est bien naturel.
Les Espérances le savent et s’en fichent.
Les Fameux le savent et se marrent.
Les Cronopes le savent et chaque fois qu’ils rencontrent une tortue, ils sortent leur boîte de craies de couleur et, sur le tableau rond de son dos, ils dessinent une hirondelle. »
C'est là l'un des textes dans sa version intégrale. Le livre est vraiment très court, les textes vont de quelques phrases à une demi-douzaine de pages, pas plus… C'est plus amusant et/ou attendrissant que profond. Mais c'est le genre de livre que j'aimerais bien écrire, et j'ai aimé le lire.

(Note : L'illustration ci-dessus est signée Abril Sainz. Si vous savez lire l'espagnol, vous pourrez lire un extrait de Historias de Cronopios y de Famas illustré par ses soins ici !)




Vous avez déjà lu une revue littéraire ? Vous savez, ces bouquins qu'on trouve dans les grandes librairies, qui coûtent cher et qui contiennent plusieurs récits courts et essais ? J'ai essayé, pour voir, le numéro 602 de la Nouvelle Revue Française. (Oui, c'est de là que vient le fameux logo nrf qu'on voit sur les livres de chez Gallimard : c'était une revue littéraire avant d'être une maison d'édition ! Et cette Nouvelle Revue Française existe depuis 1908.)

Le thème était Des Fantômes ; j'ai feuilleté un peu, ça m'a eu l'air intéressant, j'ai commencé. Comme on pouvait s'y attendre, ce fut inégal — mais plus au niveau de la difficulté et de l'intérêt des textes qu'au niveau de leur qualité. J'ai tout lu*, et c'était intéressant d'avoir tout une collection de divers styles, diverses approches, divers types de textes. Il y a des auteurs qui présentent un fragment de leurs recherches, et qui le présentent bien. Il y a de petites nouvelles agréables (et quelques extraits de romans qui ne se présentent comme tels qu'à la fin, ce qui est un peu frustrant : l'impression d'avoir payé pour un échantillon d'essai). Il y a des poèmes, des entretiens, des documentaires, des critiques ou des présentations d'autres œuvres, en général tout est réfléchi et bien écrit. Malheureusement, il y a aussi (et je m'y attendais) des textes intellectuels ronflants, prétentieux, très difficiles à lire et qui n'apportent pas grand-chose de concret — des textes d'érudits imbuvables qui intellectualisent tout jusqu'à rendre leurs textes abscons. (Certains n'ont même pas besoin de mots compliqués pour y arriver ; par exemple : « Les récits contemporains travaillent ainsi à rebours de l'histoire non seulement parce qu'ils remontent les durées historiques pour dire un amont infigurable, mais aussi parce qu'ils déplacent la fonction de l'archive. »)

Bref… dans l'ensemble, c'est un ouvrage intéressant. Mais ça reste un truc pour intellos, et trop cher pour ce que c'est. Mieux vaut sans doute aller dans une bibliothèque et lire seulement les textes qui nous intéressent : on peut passer de bons moments de lecture comme ça. Si vous ne vous sentez pas du tout l'âme d'un(e) intello littéraire, vous pouvez aussi très bien vous passer de revues littéraires pour le reste de votre vie.

* À part un texte, celui dont j'ai cité une phrase ci-dessus.




Laughter in the Dark de Nabokov est l'histoire d'un homme marié riche, un peu simplet (critique d'art), qui s'éprend d'une jeune femme ambitieuse, séduisante et désargentée (ouvreuse dans un cinéma). L'auteur sait très bien qu'on s'attend à ce que ça se termine mal, et nous débarrasse de ce suspense mort-né en résumant l'intrigue dès la première phrase* ; puis il prend un malin plaisir à raconter les détails dans toute leur ironie. Comme on peut s'y attendre avec Nabokov, c'est extrêmement bien écrit et les deux personnages principaux sont intéressants à suivre — à la fois très marqués et crédibles.

Et non seulement l'histoire est bonne, mais Nabokov nous prend à parti : à quel point va-t-on ressentir de l'empathie pour ce personnage principal qui veut jouer l'adultère alors qu'il ne sait pas couvrir ses traces ? Qui se laisse berner comme pas possible en tentant d'échapper à sa vie ennuyeuse ? Pauvre bougre ou pauvre couillon ? On pourrait en finir par prendre le parti des « méchants »… Selon la personnalité de chacun, Laughter in the Dark sera une histoire morale ou immorale, délicieusement ou bien terriblement cruelle. Un excellent roman en tout cas.

* Ou presque.




Thomas Pynchon et David Foster Wallace sont deux écrivains américains incontournables, à ce qu'il paraît. Ils ont aussi la réputation d'écrire des pavés difficiles à lire. À chaque fois que je vais à la Bibliothèque du Monde Entier (là où j'achète mes bouquins anglais à Strasbourg), je feuillette un ou deux Pynchon, puis je les repose… Un jour j'en prendrai un quand même.

En attendant, j'ai voulu essayer Wallace. Son roman le plus connu est Infinite Jest, mais j'ai entendu dire qu'il valait mieux commencer par ses essais, plus courts et plus faciles d'accès. J'ai ouvert un peu au pif et j'ai vu une page avec plein de carrés et de flèches dans tous les sens. J'ai lu quelques lignes et j'ai beaucoup aimé son écriture. Vendu !

David Foster Wallace donne l'image d'un érudit à l'esprit académique rigoureux, qui n'a que trop conscience d'être « un putain d'intello » et pratique donc volontiers l'autodérision. Ça se traduit par un style très personnel, savant (prévoyez un dictionnaire à portée de main… et attendez-vous à ne pas y trouver certains mots !) mais aussi très oral et vivant. Et avec plein plein plein de notes de bas de page.

Consider the Lobster contient dix essais/articles/critiques, sur des sujets divers comme la campagne de John McCain en 2000, la fête du homard dans l'État du Maine, l'importance de lire Dostoïevski aujourd'hui ou la cérémonie des AVN Awards (qui récompensent les meilleurs films porno aux États-Unis). À noter que la plupart des articles datent de la fin des années 90, ce qui a évidemment son importance. Une bonne partie des textes de Consider the Lobster ont été commandés par des magazines, et j'imagine la tête qu'ont dû faire les éditeurs en les recevant… Wallace n'écrit jamais pour ne rien dire, mais sa rigueur, le fait qu'il ait toujours quelque chose à dire sur chaque détail et qu'il se concentre sur ceux qui lui paraissent intéressants ont dû rendre ces articles tout simplement impubliables en l'état. Beaucoup trop longs, parfois trop polémiques, trop peu objectifs. (Par exemple, l'article sur la fête du homard, écrit pour Gourmet, est non seulement très critique mais ne consacre pas une page au plaisir gustatif.)

J'ai bien aimé Consider the Lobster et j'ai envie de lire d'autres livres de David Foster Wallace. Mais je dois quand même dire que mon intérêt a pas mal varié selon les articles. Celui sur Dostoïevski m'a effectivement donné envie de lire Dostoïevski. Celui sur la fête du homard était très bien écrit, mais les questions qu'il soulevait n'avaient rien de nouveau pour moi. L'article sur le 11 septembre était assez peu intéressant. Celui sur la campagne de John McCain était bien mais vraiment long. Je n'ai pas fini celui sur John Ziegler, animateur radio républicain (trop long, et le sujet ne m'intéressait que peu). Celui sur les AVN Awards était franchement réussi. Mon préféré fut la critique — qui oubliait très volontiers son rôle de critique — du Dictionary of Modern American Usage de Bryan A. Garner, l'occasion pour Wallace de présenter ses réflexions sur les aspects et implications politiques de la langue américaine standard, et notamment la guerre entre descriptivisme (« la langue doit être décrite selon son usage réel, il faut s'adapter aux changements et éviter le dogmatisme ») et prescriptivisme (« il y a des règles qu'il faut suivre, sinon c'est le bordel et on ne se comprend plus »)… notamment parce que c'est un sujet qui m'intéresse beaucoup. Si vous avez d'autres centres d'intérêts que les miens, vous aurez sans doute des préférences différentes.

Vous pouvez lire plusieurs essais de l'auteur ici (dans leurs versions éditées, je crois).




The Sense of an Ending de Julian Barnes a une bonne histoire, mais elle est longue à démarrer. La première partie est assez molle — elle est nécessaire pour planter le décor et faire connaissance avec les personnages, mais… ces personnages apparaissent, au final, peu sympathiques et peu crédibles. Assez pédants, en fait. Et trop peu de choses se passent. La deuxième rend les choses intéressantes, et plus on avance, meilleure elle est… mais cela suffit-il à compenser ? (J'ai envie de dire qu'un bon roman ne devrait pas avoir quelque chose à compenser.)

Le thème — et la morale ? — du livre semble être le fait que nos sentiments et nos souvenirs* déforment trop souvent la réalité pour en faire quelque chose de simplifié et de cohérent, qu'on se fie trop souvent à nos premières impressions. Alors oui, à la fin du roman, une révélation-choc en entraîne une autre, l'effet est efficace — mais ça ne suffit pas à effacer les défauts du livre et à me convaincre. The Sense of an Ending a gagné le Man Booker Prize en 2011, pourtant je ne pense pas que je m'en rappellerai encore dans cinq ans.

* Quand on se rappelle de quelque chose, ce n'est pas l'événement lui-même dont on se souvient mais la dernière fois dont on s'en est rappelés… Au bout de quelques années, on se retrouve avec un souvenir d'un souvenir d'un souvenir d'un souvenir d'un souvenir, une copie d'une copie d'une copie d'une copie d'une copie, et forcément il y a quelques erreurs.




Cat's Cradle de Kurt Vonnegut est un livre satirique sur la bêtise humaine* et une possible fin du monde. On suit les pélégrinations de John, ou Jonah, écrivain qui prépare une biographie sur l'inventeur de la bombe atomique… le type même de savant aussi génial qu'irresponsable. La quatrième de couverture (que je n'ai regardée qu'une fois le roman fini, heureusement) dévoile beaucoup trop de l'intrigue, je vous recommande de l'éviter ! Sachez qu'il est question des enfants de ce savant fou, du bokononisme (une religion fictive qui proclame ouvertement qu'elle n'est que mensonges — et qui paraît à la fois plus absurde, plus sensée et plus saine que les véritables), et, dans la deuxième partie du livre, d'un dictateur sur une île toute nulle.

C'est à la fois pessimiste et plein d'humour. Le style est un petit peu sec à mon goût, mais l'histoire est excellente, donc je recommande !

Le texte intégral est disponible en PDF ici. (À noter qu'il y a une erreur, à la fois dans ma version et dans le PDF : vers la fin, une phrase devrait être “Animals breathe in what plants breathe out” et non “Animals breathe in what animals breathe out”.)

* Je crois personnellement qu'on surestime pas mal la bêtise humaine et qu'on la confond souvent avec un simple égoïsme, des priorités qui ne sont pas les mêmes pour tous… mais c'est un autre sujet.

vendredi 10 octobre 2014

http://www.zimina.net + Le Saphir Géant de Z'miriba


J'ai enfin rempli les cent mégaoctets disponibles pour ma page web sur http://perso.calixo.net/~uzim/, donc je loue désormais mon propre domaine : http://www.zimina.net. Tout bouge là-bas !

Ça me permet de poster une bande dessinée que j’ai faite dernièrement, avec une sorcière qui s'appelle Amanita. Elle collectionne les objets noirs et se balade avec un esprit. C'est une histoire improvisée sans but ni prétention, avec un dessin flemminimaliste et des blancs parce que j'avais envie d'en mettre. Comme quelques personnes m'ont dit que Les Mirifiques Aventures de Gromf traînaient en longueur, Le Saphir Géant de Z’Miriba est plus courte (une vingtaine de pages) et a un peu plus d'action. Mais c'est moins humoristique aussi. Enfin je ne sais pas, allez la lire si vous voulez !

Sinon, j'ai ouvert un compte sur Ello aussi. Je ne sais pas si ça va marcher, en fait j'en doute, mais j'aime bien. Pour le moment j'y poste des petits dessins.

lundi 6 octobre 2014

Pochettes d'albums de Nirvana pas très bien reproduites en ASCII art

Un truc sans grand intérêt que j'ai fait parce que je traînais sur un forum un soir.


####NIRVANA####
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### “BLEACH” ###


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NIRVANA · · · · · · · ·
nevermind · · · · · · ·

· · · · NIRVANA · · · ·
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· - _ · · (._.) · ·_- · ·
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· · · · IN UTERO · · ·

□ ▤ ▨ ▥ ▫ ← les autres disques (vus de loin)

Voilà, c'est tout, merci de votre attention et bonsoir. (ര̀ᴗര́)و ̑̑