samedi 16 avril 2022

Rêves n° 94, 95, 96, 99

 






Journaux intimes

J'en suis à mon cinquième journal intime.

Les deux premiers c'était quand j'étais petite, je n'y racontais que des souvenirs de vacances parce que l'école c'était nul ; j'essayais de faire style des écritures originales et des dessins mais en vrai c'était juste moche, et ce qui est bizarre c'est que je ne faisais que lister les événements et les lieux sans me confier vraiment. Aujourd'hui plein de pages ne me disent plus rien — est-ce que j'ai cru que je me souviendrais de tout juste en revoyant les noms des lieux ? Si c'était le cas c'est raté.

Le troisième c'est quand j'étais ado et il est super cringe, je surréagissais sur le moindre petit truc, c'était écrit avec des encres gel genre turquoise, argenté, rose paillettes, avec plein de smileys et d'argot internet de l'époque, mais je faisais zéro effort pour écrire correctement (comme je n'arrivais pas à avoir une belle écriture en m'appliquant, j'avais décidé de ne pas m'appliquer du tout). Honnêtement quand je rouvre ce carnet j'ai envie de le brûler, il y a des passages que j'ai caviardés au marqueur noir mais je sais qu'il n'y a aucun mystère, c'est juste du cringe en dessous.

Le quatrième carnet est mon préféré, toujours écrit en encres gel de toutes les couleurs mais mieux, parfois à l'encre parfumée aussi ; il y a de petits dessins de temps en temps (pas beaucoup parce que je n'avais pas appris à dessiner à l'époque), quelques passages où j'improvisais une sorte de rêve inventé (la première entrée du journal c'était ça, une sorte de rêverie où je porte une robe dans une forêt brumeuse et où je rencontre des créatures de la forêt). Je l'ai tenu de 2003 à 2019, en l'abandonnant parfois plusieurs années de suite, peut-être parce que je me confiais beaucoup sur internet, aussi parce que j'allais souvent mieux qu'avant — mes années fac étaient vraiment chouettes.

Après la fac j'ai eu une période où j'allais mal et où je n'osais même pas tout raconter dans mon journal, ces entrées-là sont au crayon, je n'ai jamais aimé écrire au crayon mais j'avais envie de m'effacer le plus possible et qu'on ne vienne pas me trouver.

Et puis un jour, un peu après ça, je me suis retrouvée seule dans une toute petite chambre d'hôtel sur l'autoroute sans internet pendant deux heures ; j'avais emporté un magazine, un livre et mon journal intime, j'ai lu mais surtout écrit pas mal, je me suis livrée et questionnée plus que d'habitude. Ça a été un des moments qui ont amorcé ma transition vers la fin du carnet : dans cette chambre d'hôtel je me suis demandé si je n'étais pas agenre, comme je n'avais pas l'impression d'être quoi que ce soit, juste de vouloir être plus près de mes rêveries du début du carnet. Après ça c'est allé vite, je me suis mise à écrire dans mon journal de plus en plus souvent.

Et du coup, dans ce quatrième carnet, la première entrée était une rêverie imaginaire où je me genrais au féminin, ensuite il y a eu des années où je me suis genrée au masculin par habitude mais en essayant d'éviter ça de plus en plus (comme sur mon blog que j'ai tenu des années en évitant tous les participes passés et adjectifs), puis il y a eu une seule entrée où j'ai tenté l'écriture neutre, et je termine le carnet en me genrant enfin au féminin — mais pour la vie réelle cette fois.

Mon cinquième carnet je le tiens régulièrement, pour le moment j'écris soigneusement en noir avec deux épaisseurs de stylo mais je pense y remettre d'autres couleurs à l'occasion.

Enfin, je dis cinquième mais j'ai aussi eu un tout petit que j'avais emporté en voyage scolaire à la place du « vrai » (pas envie que les autres se mettent à fouiller dedans). Et je tiens un journal de rêves depuis des années mais pas dans un carnet, je l'ai en fichier texte que j'uploade en guise de sauvegarde et que j'illustre régulièrement. C'est mon préféré ; je trouve toujours mes rêves plus intéressants que ma réalité même si j'ai plus de choses à raconter maintenant.