
Le premier album de Gazelle Twin me convainc bien davantage. Un flux envoûtant, une belle pénombre vaporeuse ; ça s'écoute tout seul, la musique est tellement atmosphérique qu'on dirait presque de l'ambient, mais elle fait son effet. Ce ne sont pas tant les pistes entières que l'on retient, mais des moments qui accrochent, qui hantent presque…

Son deuxième album, Unflesh, est plus heurté. Plus original. Avec plus de percussions, plus d'étrangeté, il en devient même dérangeant. Comme la pochette et le nom l'indiquent, c'est un album sur le corps : forces vitales et douleurs, fascination pour le macabre, le dégoût… De la pop, des rythmes dansants sur certaines pistes, mais brutalisée par des sonorités et thèmes que l'on retrouve d'habitude dans la musique industrielle.
C'est le top 2014 de The Quietus (où Unflesh figure premier) qui m'a donné envie d'écouter cette artiste, et j'ai commencé par The Entire City plutôt qu'Unflesh à cause de la pochette (une peinture de Suzanne Moxhay) qui m'attirait plus. Au final, les deux albums me plaisent beaucoup, et comme ils sont bien différents, ils valent l'écoute tous les deux.
Une piste de chaque pour se faire une idée ?
The Entire City : “I Am Shell I Am Bone”
Unflesh : “Anti Body”

Transa de Caetano Veloso est le premier disque de “Música Popular Brasileira” de ma musicothèque, c'est vraiment par hasard que je l'ai eu sous les oreilles. Il a été composé à Londres, où l'artiste a vécu deux ans en exil… C'était la dictature militaire à l'époque, et Veloso avait fondé le mouvement artistique Tropicália (ou Tropicalismo), qui mélangeait tradition locale et influences étrangères, ce qui déplut aux autorités (allez savoir pourquoi). Quoi qu'il en soit, Veloso ne se plut guère à Londres, qu'il trouvait sombre, où il ne connaissait personne et où personne ne le connaissait. Ce qui s'entend un peu sur l'album, même si celui-ci reste plutôt gai et rythmé, avec juste une pointe de solitude. On y entend aussi à la fois une influence rock (années 70) et, à la fin, une critique de ce même genre… C'est un excellent disque, que je recommande même si, comme moi, vous ne connaissez rien au Brésil (clichés mis à part) et que vous ne vous y intéressez pas particulièrement !

Un peu d'histoire : les disco edits, c'est le petit frère bâtard et voleur de la house. C'est un genre (ou une pratique proche du DJing) qui consiste à piquer des samples de disco, à les monter en boucle sans trop les modifier, sans citer ses sources et sans payer les droits. Du coup, beaucoup de ces disques-là ne sortent que de manière anonyme, circulent sous le manteau, uniquement sur vinyle… Sur Through the Green, Larry Tiger et Danny Woods (deux larrons moustachus qui se cachent derrière les visières de leurs casquettes) s'aventurent dans le mainstream, travaillent un peu plus leurs sons et emploient une chanteuse ; l'album a été critiqué dans tous les magazines connus, d'ailleurs la critique de Pitchfork est très bien.
Mais ils ont aussi leur propre label, Editainment, qui sort du disco edit plus brut. Ils n'ont pas de site officiel, la majorité des disques sont notés comme « non officiels » sur Discogs, et tous les artistes ont des pseudonymes rigolos sur le même motif que Tiger & Woods : Pop & Eye, Cleo & Patra, Shangri & La, Boe & Zak… Sur l'EP On the Nile de Cleo & Patra, par exemple, “Walk Like an Egyptian” copie-colle le chant de “Walking on Sunshine” de Rockers Revenge sur les beats de “Timecode” de Justus Köhncke ; “Pharaoh Love” est basée sur un sample de “Believe in Love” de Teddy Pendergrass, et “Marcus Antonius on the Run” est un remix de “You Got Me Running” de Lenny Williams… Trouver les pistes originales fait partie du fun (parfois, ce sont des secrets de polichinelle, d'autres n'ont peut-être jamais été reconnus), et ça permet de découvrir les artistes par la même occasion. J'ai écouté tous les EPs que j'ai pu trouver chez eux, il y a du très bon et du dispensable, mais en général je recommande !
(Vous avez aimé “El Dickital” ? La boucle vient de “This Is Your Time” de Change, et le titre original est lui aussi super bon.)

Ensuite il y a sept chansons plus courtes, ce qui, à ce point, relève presque du bonus. Hélas, c'est là que l'album devient décevant : sur les sept, quatre ou cinq sont nazes. Je garde donc “Sheets of Easter” (la première longue piste), “Antibiotics” (la deuxième), “Each One Teach One” et ça me fait une très bonne playlist de 34 minutes.
+ 0.1 point pour la pochette.

Leur deuxième album, See You When You Get There, est plus tranquille. Toujours dansant, mais ce sont les mélodies qui sont ici mises en avant plus que les beats, et une attitude résolument cool ; l'album commence sans se presser par un “Do It Now” faussement gai et simpliste, avant de passer aux choses sérieuses avec l'excellent “Hey Stranger”, un groove posé et efficace, deux voix séductrices qui reviennent sans se presser… et on continue dans la chaleur et la bonne humeur, quelques moments de calme rêveur (sur la piste-titre notamment), puis un virage plus énergique avec “Never Forget”. Ça reste de la deep house classique bien maîtrisée, mais on a un parti pris cette fois, une teinte dominante. (Le cool, donc.)
The Haunted House of House, même si je l'adore, n'était pas parfait (la faute à ce côté un peu trop classique, peut-être ?) — et See You When You Get There ne l'est pas non plus : à partir de “Hyuwee”, on sent un creux dans la seconde moitié du disque, l'impression qu'on a déjà entendu cette formule-là avant. C'est là que les mecs se rattrapent de la plus belle manière avec “Eo's Place”, un final absolument parfait ; le meilleur groove de tout le disque, avec une mélodie qui rappelle sans jamais sonner cheap ces niveaux glacés ou aquatiques des jeux vidéo 16 bit de mon enfance.
Pas de chef d'œuvre donc, mais un album qui vaut le détour quand même ; je continue de beaucoup aimer ce que font ces gens-là !
- 0.1 point pour la pochette (franchement ratée pour le coup).
+ Tenez, tant que vous lisez ça, je vous poste une autre piste qui ne figure sur aucun de leurs deux albums mais qui fait partie de leurs toutes meilleures : “Time to Let You Down”.



C'était avec Floating Frequencies / Intuitive Synthesis que j'avais commencé ; les trois disques que comporte Homage sont tout aussi minimalistes mais ont davantage de tension, ce sont des oscillations, des rythmes plus que des drones. C'est aussi l'une des seules musiques à ma connaissance à pouvoir être qualifiée de géométrique ! Il y a trois volumes : hommages aux ondes sinusoïdales, aux ondes carrées et aux ondes triangulaires, et l'extrême minimalisme de la musique fait qu'on entend vraiment ces formes sonores.
Eleh est un artiste très populaire dans le milieu, et je comprends enfin pourquoi. (Si vous voulez essayer, préférez les versions CD ! Je ne sais pas pourquoi l'artiste sort ses disques en vinyle en priorité, alors qu'un son propre me paraît indispensable pour ce genre de musique… question de goût en partie, mais quand on compare le rip vinyle de Homage au rip CD, la différence est frappante : le son digital est nettement plus riche.)