Dernièrement, j’ai lu ドグラマグラ (Dogra Magra ou Dogura Magura), de Yumeno Kyûsaku.
Un drôle de bouquin, à la fois frustrant et génial. L'auteur a mis dix ans à l'écrire (du début de sa carrière jusqu'à un an avant sa mort) et… je ne sais pas combien de temps j'ai mis à le lire. Plus d'un mois en tout cas. Peut-être deux. La quatrième de couverture de l'édition française promet « un roman où les détectives sont les criminels. Ou plutôt, un roman où l'assassin est la victime », et même « un roman dont le lecteur est la victime » ; au début, je pensais à une exagération, mais c'est bel et bien ce qu'il y a dans l'histoire !
Dogra Magra n'est pas vraiment un polar ; ce n'est pas vraiment un roman d'horreur psychologique, ni un traité pseudo-scientifique ; c'est un peu les trois à la fois. Le protagoniste-narrateur est un jeune homme qui se réveille dans une chambre d'hôpital psychiatrique sans savoir qui il est ; il apprend qu'il est interné au « Centre de Thérapie par l'Émancipation des Aliénés » de l'université de Kyûshû, et qu'il est le sujet d'une expérience menée par deux professeurs excentriques ayant pour but de lui rendre la mémoire à l'aide de suggestions. Il apprend aussi qu'un certain jeune homme (lui-même ?) a assassiné sa mère puis sa fiancée en les étranglant sous l'emprise d'une suggestion qui lui aurait fait répéter un crime déjà commis par ses ancêtres. Et notre protagoniste apprend encore qu'il est capital qu'il retrouve la mémoire afin de faire la lumière sur cette affaire de meurtres…
Ça vous paraît trop évident, vous voyez déjà venir la solution ? L'auteur le sait et va prendre un malin plaisir à vous emmener dans des méandres tortueux pour vous détromper… ou vous embrouiller. Ou les deux à la fois.
Dogra Magra contient plusieurs textes à l'intérieur du texte, qui décrivent en détail les recherches et travaux des deux professeurs ainsi que l'histoire du jeune étrangleur et de sa généalogie. On ne tarde pas à se rendre compte que les manipulations sont partout… et plus on avance dans le roman, plus on obtient d'indices pour comprendre ce qui s'est passé et plus on s'égare en même temps, plus on soupçonne tout d'être une manipulation, une partie de l'expérience ou autre chose encore.
L'intrigue finit par devenir délicieusement retorse. Il faut avaler une certaine théorie pseudo-scientifique (longuement expliquée par plusieurs textes) pour pouvoir rentrer dedans, mais une fois acceptée comme plausible cette idée quelque peu extravagante (paraissait-elle plus crédible en 1935, quand le roman fut publié ?), l'exploration du labyrinthe devient vraiment prenante.
Le grand défaut de Dogra Magra, c'est sa longueur, ou plutôt ses longueurs. 803 pages, ça ne se lit pas en une soirée, mais surtout, le style de Yumeno a tendance à étirer sur des dizaines de pages ce qui pourrait être résumé en deux ou trois. Bon, ça dépend des passages ; les « textes dans le texte » ont chacun leur style, certains sont concis et prenants, mais d'autres (genre le « Prêche Hérétique de l'Enfer des Fous », qui dure quand même cinquante pages) sont franchement laborieux. Là où un écrivain plus charitable vous résumerait en quelques pages le contenu d'un long rapport scientifique, Yumeno vous en impose la lecture in extenso… et ne vous épargne rien des apartés, des maniérismes, des mises en scène ni des ricanements du personnage tordu qui a écrit le rapport en question. Bien sûr, c'est pour la caractérisation du personnage. Mais au bout d'un moment, ça devient quand même franchement lourd.
Si vous êtes un lecteur rapide et/ou patient et que vous aimez tout ce qui touche au mindfuck et aux intrigues psychologiques, il y a de fortes chances pour que vous adoriez Dogra Magra.
S'il vous faut une lecture facile, divertissante, sans temps mort et où tout est clair, vous risquez de galérer.
Personnellement, malgré ma vitesse de lecture plutôt lente, j'ai trouvé qu'il valait vraiment le coup d'être lu. Dogra Magra fait partie de ces œuvres à mystère qui gardent tout leur éclat, même une fois terminées.
(… en l'occurence, surtout une fois terminée.)
L'ouvrage a aussi été adapté en film en 1988, et en animation 3D en 2012… je ne sais pas ce que valent ces adaptations, ni si elles se trouvent facilement. Enfin, le groupe de rock japonais YBO² a aussi « adapté » ( ? ) ドグラマグラ en musique : vous pouvez écouter ça ci-dessous, la piste est plutôt chouette, mais attention, les images du clip (tirées du film de 1988, probablement) vous dévoileront une partie de l'histoire !
Un drôle de bouquin, à la fois frustrant et génial. L'auteur a mis dix ans à l'écrire (du début de sa carrière jusqu'à un an avant sa mort) et… je ne sais pas combien de temps j'ai mis à le lire. Plus d'un mois en tout cas. Peut-être deux. La quatrième de couverture de l'édition française promet « un roman où les détectives sont les criminels. Ou plutôt, un roman où l'assassin est la victime », et même « un roman dont le lecteur est la victime » ; au début, je pensais à une exagération, mais c'est bel et bien ce qu'il y a dans l'histoire !
Dogra Magra n'est pas vraiment un polar ; ce n'est pas vraiment un roman d'horreur psychologique, ni un traité pseudo-scientifique ; c'est un peu les trois à la fois. Le protagoniste-narrateur est un jeune homme qui se réveille dans une chambre d'hôpital psychiatrique sans savoir qui il est ; il apprend qu'il est interné au « Centre de Thérapie par l'Émancipation des Aliénés » de l'université de Kyûshû, et qu'il est le sujet d'une expérience menée par deux professeurs excentriques ayant pour but de lui rendre la mémoire à l'aide de suggestions. Il apprend aussi qu'un certain jeune homme (lui-même ?) a assassiné sa mère puis sa fiancée en les étranglant sous l'emprise d'une suggestion qui lui aurait fait répéter un crime déjà commis par ses ancêtres. Et notre protagoniste apprend encore qu'il est capital qu'il retrouve la mémoire afin de faire la lumière sur cette affaire de meurtres…
Ça vous paraît trop évident, vous voyez déjà venir la solution ? L'auteur le sait et va prendre un malin plaisir à vous emmener dans des méandres tortueux pour vous détromper… ou vous embrouiller. Ou les deux à la fois.
Dogra Magra contient plusieurs textes à l'intérieur du texte, qui décrivent en détail les recherches et travaux des deux professeurs ainsi que l'histoire du jeune étrangleur et de sa généalogie. On ne tarde pas à se rendre compte que les manipulations sont partout… et plus on avance dans le roman, plus on obtient d'indices pour comprendre ce qui s'est passé et plus on s'égare en même temps, plus on soupçonne tout d'être une manipulation, une partie de l'expérience ou autre chose encore.
L'intrigue finit par devenir délicieusement retorse. Il faut avaler une certaine théorie pseudo-scientifique (longuement expliquée par plusieurs textes) pour pouvoir rentrer dedans, mais une fois acceptée comme plausible cette idée quelque peu extravagante (paraissait-elle plus crédible en 1935, quand le roman fut publié ?), l'exploration du labyrinthe devient vraiment prenante.
Le grand défaut de Dogra Magra, c'est sa longueur, ou plutôt ses longueurs. 803 pages, ça ne se lit pas en une soirée, mais surtout, le style de Yumeno a tendance à étirer sur des dizaines de pages ce qui pourrait être résumé en deux ou trois. Bon, ça dépend des passages ; les « textes dans le texte » ont chacun leur style, certains sont concis et prenants, mais d'autres (genre le « Prêche Hérétique de l'Enfer des Fous », qui dure quand même cinquante pages) sont franchement laborieux. Là où un écrivain plus charitable vous résumerait en quelques pages le contenu d'un long rapport scientifique, Yumeno vous en impose la lecture in extenso… et ne vous épargne rien des apartés, des maniérismes, des mises en scène ni des ricanements du personnage tordu qui a écrit le rapport en question. Bien sûr, c'est pour la caractérisation du personnage. Mais au bout d'un moment, ça devient quand même franchement lourd.
Si vous êtes un lecteur rapide et/ou patient et que vous aimez tout ce qui touche au mindfuck et aux intrigues psychologiques, il y a de fortes chances pour que vous adoriez Dogra Magra.
S'il vous faut une lecture facile, divertissante, sans temps mort et où tout est clair, vous risquez de galérer.
Personnellement, malgré ma vitesse de lecture plutôt lente, j'ai trouvé qu'il valait vraiment le coup d'être lu. Dogra Magra fait partie de ces œuvres à mystère qui gardent tout leur éclat, même une fois terminées.
(… en l'occurence, surtout une fois terminée.)
L'ouvrage a aussi été adapté en film en 1988, et en animation 3D en 2012… je ne sais pas ce que valent ces adaptations, ni si elles se trouvent facilement. Enfin, le groupe de rock japonais YBO² a aussi « adapté » ( ? ) ドグラマグラ en musique : vous pouvez écouter ça ci-dessous, la piste est plutôt chouette, mais attention, les images du clip (tirées du film de 1988, probablement) vous dévoileront une partie de l'histoire !
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